Vu la procédure suivante :
M. E... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution, en premier lieu, de l'arrêté du 5 juillet 2023 par lequel la préfète du Rhône a imposé des prescriptions spéciales aux ayants-droit de M. A... C..., afin de mener des travaux sur l'ancien site A... C... sur le territoire de la commune de Grézieu-la-Varenne (Rhône) et, en deuxième lieu, de l'arrêté du 15 novembre 2023 par lequel la préfète l'a mis en demeure de respecter, dans un délai d'un mois, les articles 3.2 et 3.4 de son arrêté du 5 juillet 2023 en transmettant un justificatif d'engagement de l'interprétation de l'état des milieux et le résultat de l'expertise du bâtiment A.
Par une ordonnance n° 2400531 du 2 février 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a fait droit à cette demande en tant que ces arrêtés concernaient M. E... C....
Par un pourvoi, enregistré le 28 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, le 19 novembre 1959, a été déclarée au nom de " C... Fils " une activité de dégraissage de soieries, d'ennoblissement textile, d'ignifugation et de blanchisserie, relevant de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), sur un site implanté au lieu-dit " Le Tupinier " sur le territoire de la commune de Grézieu-la-Varenne (Rhône). Il ressort de ces mêmes pièces qu'une seconde société, créée en 1965, la société Dasi, dont le gérant était également M. C..., a exercé sur le même site une activité de blanchisserie et de nettoyage de produits textiles et a, pour cela, fait l'objet en 1982 d'une déclaration au titre de la police des ICPE. L'activité de ces sociétés ayant progressivement cessé, la destination des terrains a été modifiée pour être affectée à un usage d'habitation, et les terrains ont été cédés à des tiers. Après la découverte, par des riverains, d'une nappe d'hydrocarbures dans le sous-sol, deux séries d'arrêtés préfectoraux ont été pris, dirigés les uns contre la société Khalyge 1, désignée comme ayant-droit de la société Dasi, les autres contre la société ATC Energie, en tant qu'ayant-droit de la société ID C.... Par un jugement du 23 janvier 2023, devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'ensemble des arrêtés pris à l'encontre de la société ATC Energie. Par un arrêté du 5 juillet 2023, la préfète du Rhône, sur le fondement de l'article R. 512-66-2 du code de l'environnement, a imposé des prescriptions spéciales à M. E... C... et à Mme B... C... en qualité d'héritiers et ayants-droit de M. A... C..., en vue de remettre en état le site. Par un arrêté du 15 novembre 2023, pris sur le fondement de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, la préfète du Rhône les a mis en demeure de respecter, dans un délai d'un mois, les articles 3.2 et 3.4 de l'arrêté du 5 juillet 2023, en transmettant un justificatif d'engagement de l'interprétation de l'état des milieux et le résultat de l'expertise du bâtiment A. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 2 février 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi par M. C... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution des arrêtés des 5 juillet et 15 novembre 2023 en tant qu'ils le concernent.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour juger remplie la condition d'urgence et suspendre l'exécution des deux arrêtés litigieux, le juge des référés du tribunal administratif, après avoir relevé le coût très élevé des mesures prescrites à l'égard de M. C... au regard de ses revenus, a écarté comme inopérante l'argumentation en défense invoquant l'intérêt général qui s'attache à la réalisation des mesures prescrites pour limiter l'expansion des pollutions constatées et la contamination des habitations voisines. En statuant ainsi, le juge des référés du tribunal administratif, à qui il appartenait, au regard des principes rappelés au point 3, de se livrer à une appréciation objective, globale et concrète de la situation d'urgence, tenant compte notamment de l'urgence à exécuter les arrêtés litigieux au regard des intérêts publics invoqués en défense, a commis une erreur de droit.
5. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. D'une part, pour demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 5 juillet 2023, M. C... soutient qu'il n'est pas le dernier exploitant des activités à l'origine de la pollution en litige, qu'il n'est pas ayant-droit, au sens du code de l'environnement, de l'entreprise individuelle A... C..., que sa qualité d'héritier de M. A... C... ne saurait non plus lui conférer la qualité d'ayant-droit dès lors que les biens et droits permettant l'exploitation de l'activité précédemment exercée ont été transférés, à la cessation d'activité, à sa mère, dont il a refusé la succession, puis à la société ID C..., qui doit être regardée comme la dernière exploitante, même sans autorisation, au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement. D'autre part, pour demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 15 novembre 2023, M. C... soutient qu'il est entaché d'illégalité pour les mêmes motifs que l'arrêté du 5 juillet 2023 et qu'il est fondé à exciper de l'illégalité de ce dernier.
8. Aucun de ces moyens n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des arrêtés contestés. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une situation d'urgence, la demande de M. C... tendant à la suspension de l'exécution de ces deux arrêtés doit être rejetée.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 2 février 2024 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. C... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à M. E... C....
Délibéré à l'issue de la séance du 15 mai 2025 où siégeaient : M. Christophe Pourreau, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 11 juin 2025.
Le président :
Signé : M. Christophe Pourreau
La rapporteure :
Signé : Mme Nathalie Destais
La secrétaire :
Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo