Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 30 décembre 2024 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Alès-Cévennes a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier de la réintégrer dans ses fonctions à titre provisoire, dans l'attente du jugement au fond.
Par une ordonnance n° 2500238 du 5 février 2025, la juge des référés du tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 3 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier d'Alès-Cévennes demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par Mme B... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat du centre hospitalier d'Alès.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes que Mme A... B..., aide-soignante titulaire au centre hospitalier d'Alès-Cévennes, reclassée le 1er juillet 2022 sur un poste d'assistante médico-administrative, s'est vue notifier le 6 janvier 2025 une décision du 30 décembre 2024 portant sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux ans en raison d'un comportement inapproprié avec un patient le 16 octobre 2024 et de l'absence de présentation à un entretien avec le directeur de la patientèle fixé au 18 octobre 2024 à 9 heures puis reporté le même jour à 11h30. Le centre hospitalier d'Alès-Cévennes se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 5 février 2025 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, saisie par Mme B..., a suspendu l'exécution de cette décision.
Sur le pourvoi :
3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. / Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public ". Enfin, aux termes de l'article R. 522-8 du même code : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences. / L'instruction est rouverte en cas de renvoi à une autre audience ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il décide de communiquer, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient, en pareil cas, sauf à fixer une nouvelle audience, d'informer les parties de la date et, le cas échéant, de l'heure à laquelle l'instruction sera close. Il ne saurait, en toute hypothèse, rendre son ordonnance tant que l'instruction est en cours sans entacher la procédure d'irrégularité.
4. Il ressort des pièces de la procédure devant la juge des référés qu'à l'issue de l'audience qui s'est tenue le 4 février 2025 à 10 heures, la juge des référés a différé la clôture de l'instruction ce même jour à 15 heures. En communiquant au centre hospitalier à 15h05 le mémoire produit par Mme B... à 14h52 ce même jour, la juge des référés doit être regardée comme ayant nécessairement rouvert l'instruction. Il s'ensuit qu'en rendant son ordonnance le 5 février 2025 alors que l'instruction n'était pas close, la juge des référés a entaché la procédure d'irrégularité. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, le requérant est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande de suspension présentée par Mme B... devant le juge des référés :
6. D'une part, la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une mesure de suspension de l'exécution d'un acte administratif doit être regardée comme remplie lorsque l'exécution de la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Une mesure prise à l'égard d'un agent public ayant pour effet de le priver de la totalité de sa rémunération doit, en principe, être regardée, dès lors que la durée de cette privation excède un mois, comme portant une atteinte grave et immédiate à la situation de cet agent, de sorte que la condition d'urgence doit être regardée comme remplie, sauf dans le cas où son employeur justifie de circonstances particulières tenant aux ressources de l'agent, aux nécessités du service ou à un autre intérêt public, qu'il appartient au juge des référés de prendre en considération en procédant à une appréciation globale de l'espèce.
7. La sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée de deux ans prononcée à l'encontre de Mme B... a pour effet de la priver totalement de rémunération durant cette période. Si le centre hospitalier d'Alès-Cévennes invoque, au soutien de sa demande de suspension, le comportement inadapté, les difficultés relationnelles et les manquements dans l'exercice de ses fonctions de Mme B..., ces éléments ne sont pas, dans les circonstances particulières de l'espèce et compte tenu notamment de la nature de ces fonctions et des responsabilités modestes de l'intéressée dans le fonctionnement du centre hospitalier, de nature à renverser la présomption d'urgence mentionnée au point précédent.
8. D'autre part, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation du caractère fautif de l'absence de Mme B... à l'entretien du 18 octobre 2024 et du caractère disproportionné de la sanction disciplinaire prononcée sont, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision qu'elle attaque.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au directeur du centre hospitalier d'Alès-Cévennes de procéder à la réintégration provisoire de Mme B... jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête au fond.
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Alès-Cévennes une somme de 2 000 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier présentées sur ce même fondement.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2025 est annulée.
Article 2 : L'exécution de la décision du 30 décembre 2024 du directeur général du centre hospitalier d'Alès-Cévennes est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier d'Alès-Cévennes de réintégrer Mme B... à titre provisoire dans ses effectifs.
Article 4 : Le centre hospitalier d'Alès-Cévennes versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier d'Alès-Cévennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier d'Alès-Cévennes et à Mme A... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 29 avril 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 23 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Coralie Albumazard
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras