Vu les procédures suivantes :
1° M. et Mme A... et C... B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 10 décembre 2019 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " en tant qu'elle fixe les tarifs pour 2020 des redevances pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif et pour l'entretien des installations conventionnées. Par un jugement n° 2000270 du 15 mars 2022, ce tribunal a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 22DA01108 du 15 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.
Sous le n° 491125, par un pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 23 janvier et 23 avril 2024 et le 23 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, leur avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
2° M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 15 décembre 2020 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " en tant qu'elle fixe les tarifs pour 2021 des redevances pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif et pour l'entretien des installations conventionnées. Par un jugement n° 2100514 du 15 mars 2022, ce tribunal a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 22DA01021 du 15 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.
Sous le n° 491124, par un pourvoi et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 23 janvier et 23 avril 2024 et le 23 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, leur avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Paul Levasseur, auditeur,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. et Mme A... C... B... et à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 avril 2025, présentée sous les deux numéros par M. et Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. La communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " exerce la compétence " assainissement des eaux usées " et assure, à ce titre, le contrôle des installations d'assainissement non collectif, ainsi que l'entretien de ces installations avec l'accord du propriétaire. Par deux délibérations du 10 décembre 2019 et du 15 décembre 2020, le conseil communautaire a fixé les tarifs des redevances pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif et pour l'entretien des installations conventionnées, respectivement pour l'année 2020 et pour l'année 2021. M. et Mme B..., qui résident dans la commune de Rives-en-Seine et relèvent du service d'assainissement non collectif de la communauté d'agglomération, se pourvoient en cassation contre les arrêts n° 22DA01021 et n° 22DA01108 du 15 décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Douai qui ont rejeté les appels qu'ils avaient formés contre les jugements n° 2100514 et n° 2000270 du 15 mars 2022 par lesquels le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces délibérations en tant qu'elles fixent les tarifs précités.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales : " (...) / III.- Pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, la commune assure le contrôle des installations d'assainissement non collectif. Cette mission consiste : / 1° Dans le cas des installations neuves ou à réhabiliter, en un examen préalable de la conception joint, s'il y a lieu, à tout dépôt de demande de permis de construire ou d'aménager et en une vérification de l'exécution. (...) / 2° Dans le cas des autres installations, en une vérification du fonctionnement et de l'entretien (...) / Les communes (...) / (...) peuvent assurer, avec l'accord écrit du propriétaire, l'entretien, les travaux de réalisation et les travaux de réhabilitation des installations d'assainissement non collectif (...) ". Ces dispositions sont applicables aux communautés d'agglomération exerçant la compétence en matière d'assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues au 9° du I de l'article L. 5216-5 du même code.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2224-12-2 du même code : " Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les règles relatives aux redevances (...) d'assainissement (...) sont établies par délibération (...) de l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales. (...) ". L'article R. 2224-19 de ce code dispose que : " Tout service public d'assainissement, quel que soit son mode d'exploitation, donne lieu à la perception de redevances d'assainissement établies dans les conditions fixées par les articles R. 2224-19-1 à R. 2224-19-11. " L'article R. 2224-19-1 du même code dispose que : " (...) L'organe délibérant de l'établissement public compétent pour tout ou partie du service public d'assainissement (...) non collectif institue une redevance d'assainissement pour la part du service qu'il assure et en fixe le tarif (...) ". Aux termes de l'article R. 2224-19-5 de ce code : " La redevance d'assainissement non collectif comprend une part destinée à couvrir les charges de contrôle de la conception, de l'implantation et de la bonne exécution et du bon fonctionnement des installations et, le cas échéant, une part destinée à couvrir les charges d'entretien de celles-ci. / La part représentative des opérations de contrôle est calculée en fonction de critères définis par l'autorité mentionnée au premier alinéa de l'article R. 2224-19-1 et tenant compte notamment de la situation, de la nature et de l'importance des installations. Ces opérations peuvent donner lieu à une tarification forfaitaire. / La part représentative des prestations d'entretien n'est due qu'en cas de recours au service d'entretien par l'usager. Les modalités de tarification doivent tenir compte de la nature des prestations assurées. " L'article R. 2224-19-10 du même code dispose que : " Le produit des redevances d'assainissement est affecté au financement des charges du service d'assainissement. / Ces charges comprennent notamment : / - les dépenses de fonctionnement du service, y compris les dépenses de personnel ; / - les dépenses d'entretien ; / - les charges d'intérêt de la dette contractée pour l'établissement et l'entretien des installations ; / - les charges d'amortissement des immobilisations. "
5. Pour être légalement établie, une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Toutefois, si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Ainsi, le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire.
6. La fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, à diverses catégories d'usagers d'un service public implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service commande cette mesure.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, d'une part, que la délibération établissant les tarifs pour 2020 fixait le tarif de la redevance pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif à 40 euros hors taxes par an et par installation et le tarif de la redevance pour l'entretien des installations conventionnées à 1 euro hors taxes par mètre cube, sauf pour les usagers de sept communes précédemment membres de la communauté de communes " Cœur de Caux ", intégrées à la communauté d'agglomération en 2017, pour lesquels ces tarifs étaient fixés à, respectivement, 37 euros et 0,45 euro, correspondant au maintien du tarif qui leur était applicable avant cette intégration, et, d'autre part, que la délibération établissant les tarifs pour 2021 fixait le tarif de la redevance pour le fonctionnement du service d'assainissement non collectif à 37 euros hors taxes par an et par installation, pour l'ensemble des usagers, et le tarif de la redevance pour l'entretien des installations conventionnées à 1 euro hors taxes par mètre cube, sauf pour les usagers des sept mêmes communes, pour lesquels ce tarif restait fixé à 0,45 euro.
8. Pour juger que les différences de tarification ainsi instituées n'étaient pas contraires au principe d'égalité, la cour administrative d'appel de Douai a estimé qu'elles étaient d'une relative faiblesse et strictement proportionnées à l'écart historique de tarification entre, d'une part, les usagers résidant dans les sept communes dont l'intégration à la communauté d'agglomération était récente et, d'autre part, ceux résidant dans les autres communes de la communauté d'agglomération, et qu'elles assuraient ainsi le caractère progressif de l'harmonisation des tarifs pour l'ensemble des usagers. Toutefois, l'existence d'un écart historique de tarification ne constitue, en tant que telle, ni une différence de situation appréciable au regard des caractéristiques du service fourni, tenant par exemple à la reprise provisoire, pour les communes récemment intégrées, des contrats antérieurement conclus, ni une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service, tenant par exemple à la circonstance que l'ampleur de cet écart imposerait des mesures transitoires. Dès lors, au regard des seuls éléments qu'elle a relevés, la cour administrative d'appel de Douai a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois, ses arrêts doivent être annulés.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas partie à la présente instance. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. et Mme B... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Douai du 15 décembre 2023 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Les conclusions présentées, d'une part, par M. et Mme B..., d'autre part, par la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... et C... B... et à la communauté d'agglomération " Caux Seine Agglo ".
Délibéré à l'issue de la séance du 28 avril 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et M. Paul Levasseur, auditeur-rapporteur.
Rendu le 21 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Paul Levasseur
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin