Vu la procédure suivante :
Par une décision du 8 juillet 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société par actions simplifiée (SAS) Centrale Photovoltaïque de Boissières dirigées contre le jugement nos 2101474, 2101475 du 15 mai 2023 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge partielle des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019 dans les rôles de la commune de Boissières (Gard).
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 12 août et 9 décembre 2024 et le 14 mars 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet du pourvoi. Il soutient que le moyen soulevé n'est pas fondé.
Par deux mémoires en réplique, enregistrés les 30 octobre 2024 et 24 avril 2025, la SAS Centrale Photovoltaïque de Boissières déclare persister dans ses conclusions.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société Centrale Photovoltaïque de Boissieres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Centrale Photovoltaïque de Boissières a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2018 et 2019, dans les rôles de la commune de Boissières (Gard). Par une décision du 8 juillet 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, d'une part, attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de l'appel formé par la société contre le jugement du 15 mai 2023 de ce tribunal en tant qu'il a statué sur les conclusions de sa demande relatives à la cotisation foncière des entreprises et, d'autre part, admis les conclusions de son pourvoi en cassation dirigé contre ce même jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
2. D'une part, aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. " Aux termes de l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 5° A l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; / (...) ". Aux termes de l'article 1382 de ce code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 12° Les immobilisations destinées à la production d'électricité d'origine photovoltaïque ; / (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 1500 du code général des impôts : " les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / 2° Selon les règles prévues à l'article 1499, lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan d'une entreprise qui a pour principale activité la location de ces biens industriels ; / 3° Selon les règles fixées à l'article 1498, lorsque les conditions prévues aux 1° et 2° du présent article ne sont pas satisfaites (...) ". Aux termes du premier alinéa du I de l'article 1498 du même code : " la valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article (...) ". Aux termes du III du même article 1498 : " A. - La valeur locative des propriétés ou des fractions de propriété qui présentent des caractéristiques exceptionnelles est déterminée en appliquant un taux de 8 % à la valeur vénale de la propriété ou fraction de propriété, telle qu'elle serait constatée si elle était libre de toute location ou occupation à la date de référence définie au B du présent III. / A défaut, la valeur vénale de la propriété ou fraction de propriété est déterminée en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée à la date de référence par comparaison avec celle qui ressort de transactions relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction de la propriété à la date de référence. / (...) / B. - La valeur locative des propriétés et fractions de propriétés mentionnées au A du présent III est déterminée au 1er janvier 2013 ou, pour celles créées après le 1er janvier 2017, au 1er janvier de l'année de leur création. "
4. Enfin, aux termes de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. / Ce bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction. " Le II de l'article 1400 du code général des impôts prévoit que " lorsqu'un immeuble est (...) loué (...) par bail emphytéotique (...), la taxe foncière est établie au nom (...) de l'emphytéote (...) ".
5. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif a jugé, d'abord, par des motifs non contestés en cassation, que les terrains d'assiette de la centrale photovoltaïque exploitée par la société requérante, qu'elle loue à la commune et à des particuliers en vertu de baux emphytéotiques d'une durée de quarante ans et qui ne figurent pas à son bilan, ne pouvaient être évalués selon la méthode comptable de l'article 1499 du code général des impôts et devaient l'être selon les modalités prévues par l'article 1498 de ce code, et que ces terrains présentaient, à raison de leur usage comme terrain d'assiette de cette centrale photovoltaïque, des caractéristiques exceptionnelles, conduisant à faire application des dispositions du III de cet article 1498.
6. Le tribunal administratif a jugé, ensuite, que l'administration avait pu à bon droit déterminer la valeur locative de ces terrains en estimant leur valeur vénale, pour l'application des dispositions du premier alinéa du A du III de l'article 1498, à partir de la somme des redevances versées par la société sur la durée des baux emphytéotiques conclus par elle pour la prise de ces terrains. La société requérante soutient qu'en statuant ainsi, le tribunal a commis une erreur de droit, dès lors, d'une part, que la méthode retenue pour calculer la valeur vénale des terrains en litige aboutirait à un résultat sans rapport avec la valeur qui aurait résulté de leur vente, laquelle ne pouvait selon elle être déterminée que par comparaison avec des transactions effectuées sur des terrains agricoles à proximité, d'autre part, qu'en tout état de cause cette méthode conduisait à déterminer la valeur vénale, non pas des seuls terrains, mais de l'ensemble constitué par les terrains et la centrale photovoltaïque et, enfin, que l'administration ne pouvait légalement se référer à des baux conclus en 2014 pour déterminer une valeur vénale au 1er janvier 2013.
7. Toutefois, en premier lieu, d'une part, quand bien même les immobilisations destinées à la production d'électricité d'origine photovoltaïque sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application du 12° de l'article 1382 du code général des impôts, cette exonération ne concerne pas les terrains d'assiette d'une telle centrale, qui demeurent passibles de cette taxe sur le fondement du 5° de l'article 1381 du même code lorsque, compte tenu de l'importance des moyens techniques mis en œuvre et de leur rôle prépondérant dans l'activité de la centrale, ces terrains doivent être regardés comme des terrains non cultivés employés à un usage industriel. Par suite, dès lors qu'il n'est pas contesté que la centrale photovoltaïque exploitée par la société requérante présentait ces caractéristiques, c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que la valeur vénale de ses terrains d'assiette ne pouvait être déterminée par comparaison avec des transactions portant sur des terrains agricoles.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la valorisation des terrains litigieux provient, pour l'essentiel, de ce qu'ils servent d'assiette à la centrale photovoltaïque correspondante et que la durée d'exploitation de cette centrale correspond à celle des baux emphytéotiques, qui prévoient qu'à leur terme la centrale doit être détruite et les terrains restitués dans leur état initial. Dans ces conditions, c'est sans erreur de droit au regard des dispositions du premier alinéa du A du III de l'article 1498 du code général des impôts que le tribunal administratif a jugé que la valeur vénale de ces terrains avait pu être déterminée en l'espèce par l'administration en se fondant sur le montant de la redevance prévue par les baux emphytéotiques pendant la durée de ceux-ci.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les baux emphytéotiques litigieux portent uniquement sur les terrains d'assiette de la centrale photovoltaïque et que la redevance ne vise donc à couvrir que la prise à bail de ces terrains. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, en jugeant fondée une évaluation fondée sur les redevances prévues par ces baux, aurait validé une méthode de calcul conduisant à retenir la valeur vénale cumulée du terrain et de la centrale photovoltaïque, et commis ainsi une erreur de droit.
10. En dernier lieu, c'est également sans erreur de droit que le tribunal administratif a jugé que l'administration fiscale pouvait se fonder sur des baux conclus en 2014 pour déterminer la valeur vénale des terrains en litige au 1er janvier 2013, dès lors que ces actes étaient suffisamment proches de cette date de référence.
11. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la société requérante, qui ne conteste, en cassation, l'appréciation portée par le tribunal administratif sur la méthode d'évaluation retenue par l'administration pour déterminer la valeur vénale des terrains en litige qu'au regard de son principe et des points mentionnés ci-dessus, sans contester notamment l'absence d'actualisation du montant des redevances versées sur la durée du bail, dont la somme est regardée comme représentative de la valeur vénale des terrains, n'est pas fondée, par les moyens qu'elle invoque, à soutenir que le tribunal administratif a entaché son jugement d'erreur de droit.
12. Il résulte de ce qui précède que la société Centrale Photovoltaïque de Boissières n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 font par suite obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Centrale Photovoltaïque de Boissières est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Centrale Photovoltaïque de Boissières et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 avril 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Pierre Boussaroque, M. Jonathan Bosredon, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat ; M. Nicolas Jau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 21 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin