Vu la procédure suivante :
La société L'Oscar Elysées a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013 et 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des pénalités correspondantes ainsi que de l'amende prévue à l'article 290 quater du code général des impôts. Par un jugement n° 1922060 du 19 octobre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA05345 du 5 avril 2024, la cour administrative d'appel de Paris, saisie d'un appel formé par la société L'Oscar Elysées contre ce jugement, a prononcé la décharge partielle des impositions en litige à raison d'une réduction d'assiette, réformé le jugement et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 juin et 5 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société L'Oscar Elysées demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Barel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société L'Oscar Elysées ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société L'Oscar Elysées qui exerce une activité de discothèque, de restauration, de locations de salles et d'organisation de réceptions, de spectacles et de concerts a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, étendue au 30 novembre 2015 au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, au terme de laquelle l'administration fiscale lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur cet impôt et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que l'amende prévue à l'article 290 quater du code général des impôts. Par un jugement du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôts et de cette amende. Par un arrêt du 5 avril 2024, la cour administrative d'appel de Paris a prononcé la décharge partielle de ces impositions et rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel présentée par la société L'Oscar Elysées. Celle-ci demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable.
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication du sens des conclusions a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, à peine d'irrégularité de la décision rendue, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3. Il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d'appel que le rapporteur public a mis en ligne le sens de ses conclusions, en en détaillant de manière précise le contenu, le 20 mars 2024 à 7h30, en vue d'une audience publique qui s'est tenue le 22 mars suivant à 9h30. La société requérante a ainsi été mise en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, le sens des conclusions. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait rendu son arrêt au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " (...) En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options (...) b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, après, le cas échéant, la remise des copies prévue au second alinéa du présent b, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget (...) ". Il résulte de ces dispositions que le contribuable qui décide d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification garde la possibilité de changer d'option jusqu'à l'expiration du délai qui lui a été fixé par l'administration pour réaliser ces traitements.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société L'Oscar Elysées a fait le choix le 20 avril 2016 de procéder elle-même aux traitements informatiques nécessaires à la vérification conformément aux dispositions précitées du b du II de l'article 47 A du livre des procédures fiscales et que l'administration lui a transmis, par un courrier du 27 avril 2016, un cahier des charges précisant les modalités de mise en œuvre de ces traitements dont les résultats étaient attendus au plus tard le 17 mai 2016, en l'informant que si tout ou partie des travaux envisagés soulevaient une difficulté de réalisation, elle était invitée à en faire connaître rapidement les raisons. En jugeant, après avoir relevé qu'il était constant que les éléments issus des traitements effectués par la société et reçus par le vérificateur le 9 juin 2016, au-delà du délai prescrit, avaient été pris en considération, que la société n'avait fait part d'aucune difficulté particulière dans la mise en œuvre des travaux et que, par courrier du 22 juin 2016, le vérificateur lui avait demandé de compléter ses réponses, que la société ne démontrait pas avoir disposé d'un délai insuffisant pour réaliser elle-même les traitements informatiques nécessaires à la vérification, la cour, par une décision suffisamment motivé sur ce point, a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.
6. En second lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
7. Après avoir relevé que le vérificateur était intervenu dans les locaux de l'entreprise puis au sein du cabinet de son expert-comptable, à cinq reprises avant une dernière réunion de synthèse qui a eu lieu le 18 juillet 2016, la cour a pu estimer, sans dénaturer les faits qui lui étaient soumis ni commettre d'erreur de droit, par une décision suffisamment motivée sur ce point, que la société n'établissait pas avoir été privée d'un dialogue oral et contradictoire avec le vérificateur dans le cadre de la vérification de comptabilité.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de la société requérante sur la période vérifiée d'après la méthode dite " des liquides ". Il a ainsi déterminé trois modes de vente de liquides en fonction du type de boisson et de contenant, en distinguant les ventes à l'unité (bouteilles, verres, canettes), les ventes en vrac (sirops) et les ventes mixtes (bouteilles ou verre). S'agissant de la catégorie des ventes mixtes qui concernaient les alcools forts, champagnes, jus et vins, il a déterminé un ratio global des ventes en bouteille et des ventes au verre, sur la base des statistiques résultant des traitements informatiques effectués par la société vérifiée faisant apparaître les quantités respectives de ventes au verre et en bouteille des boissons alcoolisées et non alcoolisées. Puis, aux fins de déterminer le chiffre d'affaires respectif des alcools forts, champagnes, jus et vins figurant dans cette catégorie des ventes mixtes, il a déterminé le nombre de verres et de bouteilles vendues pour chacun de ces liquides en appliquant aux quantités respectives de bouteilles achetées après déduction des pertes et des offerts, le ratio global, calculé pour la catégorie des ventes mixtes, de ventes au verre et à la bouteille, et retenu le prix de 10 euros le verre pour les jus et 35 euros le verre pour les alcools, champagne et vins. La société a, quant à elle, procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires à partir de la même méthode en apportant certains correctifs.
9. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel a écarté la critique de la société relative à la ventilation entre ventes au verre ou à la bouteille au motif que la méthode utilisée permettait d'identifier la part respective des ventes à la bouteille ou au verre ainsi que chacune des catégories des consommations vendues. Si, ainsi qu'il ressort du point précédent, l'application à chaque type de liquide faisant partie de la catégorie des ventes mixtes, du ratio global de ventes au verre et à la bouteille calculé pour l'ensemble de cette catégorie conduisait à une surestimation de la part de ventes au verre pour les alcools alors que les données disponibles permettaient de calculer un tel ratio respectivement pour les boissons alcoolisées et pour les boissons non alcoolisées, l'erreur ainsi commise ne vicie pas radicalement, par principe, la méthode de reconstitution des recettes utilisée par le vérificateur. Par suite, la société L'Oscar Elysées n'est pas fondée à soutenir que la cour administrative d'appel de Paris a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que cette méthode ne serait pas radicalement viciée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société L'Oscar Elysées n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société L'Oscar Elysées est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société L'Oscar Elysées et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 10 avril 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Julien Barel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 15 mai 2025.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Barel
Le secrétaire :
Signé : M. Brian Bouquet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :