Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Euler Hermès Group a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015, ainsi que des pénalités correspondantes, et le versement d'intérêts moratoires associés. Par un jugement n° 2012738 du 27 janvier 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA01489 du 24 janvier 2024, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions sollicitée par la société Euler Hermès Group.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 mars 2024 et 10 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er et 2 de cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Euler Hermès Group ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société d'assurance Euler Hermès France, l'administration fiscale a réintégré dans le résultat de cette société imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015 une somme de 1 450 902 euros correspondant à la taxe sur les excédents de provision liquidée au cours de ce même exercice. Le service a, au titre de ce même exercice, mis à la charge de la société Euler Hermès Group, société mère du groupe fiscalement intégré auquel la société Euler Hermès France appartient, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale et de contribution exceptionnelle, assorties d'intérêts de retard. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 mars 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, annulant le jugement du 27 janvier 2022 du tribunal administratif de Montreuil, a prononcé la décharge de ces impositions supplémentaires.
2. Aux termes de l'article 235 ter X du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er février 2014 : " Les entreprises d'assurance de dommages de toute nature doivent, lorsqu'elles rapportent au résultat imposable d'un exercice l'excédent des provisions constituées pour faire face au règlement des sinistres advenus au cours d'un exercice antérieur, acquitter une taxe représentative de l'intérêt correspondant à l'avantage de trésorerie ainsi obtenu. / La taxe est assise sur le montant de l'impôt sur les sociétés qui aurait dû être acquitté l'année de la constitution des provisions en l'absence d'excédent. (...) / La taxe est déclarée et liquidée : / 1° Pour les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée, sur l'annexe à la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 déposée au titre du mois d'avril ou du deuxième trimestre de l'année au cours de laquelle la taxe prévue au présent article est due (...) / La taxe est acquittée lors du dépôt de la déclaration. Elle est recouvrée comme en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et sous les mêmes garanties et sanctions. (...) ".
3. Après avoir relevé que la taxe sur les excédents de provision instituée par l'article 235 ter X du code général des impôts n'est pas recouvrée par voie de rôle et qu'elle n'avait pas fait l'objet en l'espèce d'un avis de mise en recouvrement, de sorte que son exercice d'imputation était celui au cours duquel elle avait revêtu pour le contribuable le caractère d'une dette certaine dans son principe et déterminée quant à son montant, et que l'excédent des provisions ne pouvait être déterminé qu'en rapprochant le montant des provisions constituées au titre des sinistres de celui des indemnisations versées à ce même titre aux assurés, la cour a relevé, sans commettre d'erreur de droit, que l'exercice d'imputation de cette taxe était celui au titre duquel l'excédent des provisions avait été constaté et, en conséquence, que la taxe sur les excédents de provisions déclarée et payée en 2015 au titre de provisions pour sinistres reprises au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2014, constituait une charge imputable sur le résultat imposable de ce dernier exercice. En jugeant que la charge comptabilisée au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2014 correspondant à la taxe sur les excédents de provisions liquidée en 2015 devait, nonobstant sa qualification de charge à payer, être assimilée à une charge définitive au titre de l'exercice 2014 et en déduisant de cette circonstance que c'était par suite à tort que l'administration fiscale avait réintégré, au résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2015, la somme en litige, la cour n'a entaché son appréciation ni de dénaturation, ni d'erreur de droit.
4. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne peut qu'être rejeté.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Euler Hermès Group, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Euler Hermès Group une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société par actions simplifiée Euler Hermès Group.
Délibéré à l'issue de la séance du 11 avril 2025 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 13 mai 2025.
Le président :
Signé : M. Thomas Andrieu
La rapporteure :
Signé : Mme Marie Prévot
Le secrétaire :
Signé : M. Aurélien Engasser