Vu la procédure suivante :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts du paiement de laquelle elle a été tenue solidairement responsable en vertu du 3 du V de l'article 1754 du même code, en sa qualité de gérante de la société CIDF-BAT. Par un jugement n° 2021918 du 20 septembre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA04436 du 5 avril 2024, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les
5 juin et 5 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société CIDF-BAT au titre des exercices clos en 2015 et 2016, l'administration fiscale a réintégré aux résultats imposables de celle-ci des sommes regardées comme des revenus distribués. Faute d'en avoir désigné les bénéficiaires dans le délai de trente jours comme elle y avait été invitée, la société CIDF-BAT s'est vue appliquer l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. En l'absence de paiement de cette amende, un avis de mise en recouvrement du 5 septembre 2019, annulé et remplacé par un avis du
9 septembre 2020, a été émis à l'encontre de Mme A..., en sa qualité de gérante de la société, sur le fondement du 3 du V de l'article 1754 du même code. Par un jugement du
20 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A... tendant à la décharge de cette amende. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 avril 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à
75 % ". Aux termes du 3 du V de l'article 1754 du même code : " Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, applicable au contentieux d'assiette : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction (...) ". Aux termes de l'article L. 281 du même livre, applicable au contentieux de recouvrement : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée ". Aux termes de l'article R. 281-5 de ce livre : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires. / (...) ".
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Paris a écarté, sur le fondement de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales cité au point 3, applicable au contentieux de recouvrement, le moyen soulevé par Mme A... tiré du défaut de notification régulière de l'avis de mise en recouvrement préalablement adressé à la société CIDF-BAT, au motif que ce moyen était soulevé pour la première fois en appel et impliquait l'appréciation des pièces relatives à la notification du premier acte de la procédure de recouvrement.
5. En statuant ainsi alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dès lors que, dans sa réclamation préalable du 9 novembre 2020, Mme A... contestait la régularité et le bien-fondé de l'amende au paiement solidaire de laquelle elle avait été tenue, et qu'en tout état de cause, aucune mesure de poursuite, postérieure à la notification de l'avis de mise en recouvrement du 9 septembre 2020, n'avait été engagée à son encontre, sa contestation se rattachait au contentieux d'assiette et qu'ainsi, elle pouvait faire valoir tout moyen nouveau devant la cour administrative d'appel jusqu'à la clôture de l'instruction en vertu des dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales citées au point 3, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 5 avril 2024 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 6 mai 2025.
La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
Le secrétaire :
Signé : M. Gilles Ho
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :