La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2025 | FRANCE | N°492708

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 06 mai 2025, 492708


Vu la procédure suivante :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2206131 du 5 décembre 2022, le tribunal adminis

tratif de Strasbourg a annulé la décision fixant le pays de destination et rejeté le surplu...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2206131 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision fixant le pays de destination et rejeté le surplus de sa demande.

Par un arrêt n° 22NC03243 du 13 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars et 17 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Bouzidi, Bouhanna, son avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.C..., ressortissant russe né en 1974, est entré régulièrement sur le territoire français le 16 juin 2018 muni d'un visa court séjour. Le 28 novembre 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 426-2, L. 426-3, L. 423-23 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié sur le fondement de l'article L. 435-1 du même code. Le recours en annulation de la décision implicite de rejet de cette demande a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2021. Par un arrêté du 27 mai 2021, pris à la suite d'un réexamen de la demande de l'intéressé, le préfet a expressément rejeté sa demande de titre de séjour. En exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 octobre 2021 ayant annulé cette décision, le préfet de la Moselle a, par un nouvel arrêté du 5 août 2022, refusé de délivrer à M. C... un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation des décisions de refus de titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêt du 13 novembre 2023, contre lequel M. C... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement en tant qu'il avait rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur a formé un pourvoi incident contre cet arrêt en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.

Sur le pourvoi de M. C... :

2. Aux termes de l'article L. 426-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui a servi dans une unité combattante de l'armée française se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans, sous réserve de la régularité du séjour ". Aux termes de l'article L. 426-3 du même code : " L'étranger qui sert ou a servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services dans l'armée française, et qui est titulaire du certificat de bonne conduite, se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. S'il fait l'objet d'un retrait de certificat de bonne conduite pour cause de désertion ou de comportement ultérieur inadapté aux exigences des forces armées, la carte de résident prévue au premier alinéa peut lui être retirée ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... soutenait devant la cour administrative d'appel de Nancy que le tribunal administratif de Strasbourg avait méconnu les dispositions des articles L. 426-2 et L. 426-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en relevant, d'une part, que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public, d'autre part, que son certificat de bonne conduite lui avait été retiré le 27 novembre 2019 pour des faits qualifiés en droit français d'agression sexuelle et de viol en réunion, distincts de ceux pour lesquels un jugement de non-lieu avait été prononcé, pour retenir que le préfet n'avait pas commis d'appréciation en rejetant sa demande de carte de résident à ce titre, alors que, d'une part, le retrait de ce certificat n'était pas définitif et, d'autre part, sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Pour écarter ce moyen la cour administrative d'appel a retenu qu'en l'absence de certificat de bonne conduite, qui constitue une condition nécessaire à la délivrance d'une carte de résident, le requérant n'était pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer cette carte, le préfet avait fait une inexacte application de ces dispositions, quand bien même il ne représenterait pas une menace à l'ordre public. En statuant ainsi, alors que le certificat de bonne conduite n'est pas une condition d'octroi de la carte de résident en application des dispositions de l'article L. 426-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit. Par suite, M. C... est fondé à demander pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il rejette les conclusions de son appel relatives à la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et à la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur le pourvoi incident du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur :

4. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ".

5. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que pour interdire à M. C... de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans, le préfet de la Moselle s'est fondé sur le fait que l'intéressé était présent sur le territoire français depuis quatre ans alors qu'il avait vécu la majeure partie de sa vie en Russie, que son comportement constituait une menace à l'ordre public au regard de ses antécédents judiciaires dans ce pays et qu'il ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire. En retenant que, si l'intéressé a été condamné, en 2014, par un jugement du tribunal régional d'Oussouriisk (Russie), à une peine de sept ans d'emprisonnement pour des faits d'agression sexuelles, les faits en cause avaient été commis en 2001, et il ne lui était reproché depuis cette date aucune infraction pour juger que l'arrêté attaqué, en tant qu'il prononce une interdiction revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans, est entaché d'une erreur d'appréciation, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.

Sur les frais de l'instance :

6. M. C... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 13 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il rejette les conclusions d'appel de M. C... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 5 décembre 2022 en tant que celui-ci rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 août 2022 en tant qu'il rejette sa demande de titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. C..., une somme de 3 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le pourvoi incident du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 492708
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2025, n° 492708
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:492708.20250506
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award