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02/05/2025 | FRANCE | N°493754

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 02 mai 2025, 493754


Vu la procédure suivante :



Par une décision du 25 octobre 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de Mme B... A..., dirigées contre le jugement nos 2302603, 2306467 du 6 novembre 2023 du tribunal administratif de Versailles, en tant seulement qu'il s'est prononcé sur sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 15 juin 2023 par la paierie départementale de l'Essonne en vue du recouvrement d'un indu de revenu de solidarité active, à ce qu'elle soit déchargée du paiemen

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Vu la procédure suivante :

Par une décision du 25 octobre 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de Mme B... A..., dirigées contre le jugement nos 2302603, 2306467 du 6 novembre 2023 du tribunal administratif de Versailles, en tant seulement qu'il s'est prononcé sur sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 15 juin 2023 par la paierie départementale de l'Essonne en vue du recouvrement d'un indu de revenu de solidarité active, à ce qu'elle soit déchargée du paiement des sommes correspondantes et à ce que lui soient restituées les sommes récupérées le cas échéant sur son fondement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme A..., et à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat du département de l'Essonne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de Mme A..., allocataire du revenu de solidarité active, le directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Essonne a décidé la récupération de deux indus de revenu de solidarité active d'un montant total de 16 273,55 euros au titre de la période du 1er octobre 2016 au 31 juillet 2019, au motif que celle-ci ne résidait pas en France. Après avoir émis à l'encontre de Mme A... un premier titre exécutoire, le 11 avril 2022, la paierie départementale de l'Essonne, le 15 juin 2023, l'a retiré et a émis un nouveau titre ayant le même objet et portant sur la même somme. Par une décision du 25 octobre 2024, le Conseil d'Etat a admis le pourvoi de Mme A... contre le jugement du tribunal administratif de Versailles du 6 novembre 2023, en tant seulement qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 15 juin 2023, à ce qu'elle soit déchargée du paiement des sommes correspondantes et à ce que lui soient restituées les sommes récupérées, le cas échéant, sur son fondement.

2. D'une part, aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles : " Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l'indu, le dépôt d'une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur (...) ".

4. En adoptant les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, citées au point 2, le législateur a entendu que l'effet suspensif des recours dirigés contre une décision de récupération de l'indu s'attache à l'exigibilité de la créance. Il en résulte que l'exercice d'un tel recours, de même d'ailleurs qu'une demande de remise gracieuse, fait par lui-même obstacle, aussi longtemps que ce recours est pendant devant l'administration ou devant les juges du fond, d'une part, à la possibilité pour l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active d'opérer une compensation avec les sommes dues à l'allocataire et, d'autre part, à l'émission, par le département, d'un titre exécutoire sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, cité au point 3.

5. Il suit de là que dès lors que Mme A... se prévalait de l'effet suspensif de la procédure qu'elle avait engagée, avant l'émission du titre exécutoire en litige, sur les retenues et compensations pouvant être opérées sur les prestations servies, le tribunal administratif de Versailles ne pouvait, sans erreur de droit, se borner à juger que la circonstance que des retenues aient été effectuées sur les prestations servies était dépourvue d'incidence sur le droit de l'intéressée au revenu de solidarité active.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire litigieux a été émis le 15 juin 2023 alors que, par une demande enregistrée le 31 mars 2023 devant le tribunal administratif de Versailles, Mme A... avait contesté la décision du 13 juillet 2022 par laquelle le département de l'Essonne, sur son recours préalable, avait confirmé la décision du directeur de la caisse d'allocations familiales de l'Essonne de récupération de deux indus de revenu de solidarité active. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le titre exécutoire litigieux doit être annulé.

8. En cas d'annulation par le juge de la décision ordonnant la récupération de l'indu, il est loisible à l'administration, si elle s'y croit fondée et si, en particulier, aucune règle de prescription n'y fait obstacle, de reprendre régulièrement et dans le respect de l'autorité de la chose jugée, sous le contrôle du juge, une nouvelle décision. Lorsque tout ou partie de l'indu d'allocation de revenu de solidarité active a été recouvré avant que le caractère suspensif du recours n'y fasse obstacle, il appartient au juge, s'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de rembourser la somme déjà recouvrée, de déterminer le délai dans lequel l'administration, en exécution de sa décision, doit procéder à ce remboursement, sauf à régulariser sa décision de récupération si celle-ci n'a été annulée que pour un vice de forme ou de procédure.

9. Il y a dès lors seulement lieu, en l'espèce, d'enjoindre au département de l'Essonne de restituer à Mme A... les sommes perçues sur le fondement du titre exécutoire annulé, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, si le département n'a pas émis avant l'expiration de ce délai un nouveau titre dans des conditions régulières.

10. Mme A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a ainsi lieu, sous réserve que la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de l'Essonne une somme de 1 500 euros à verser à cette société. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 6 novembre 2023 du tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il se prononce sur la demande de Mme A... tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 15 juin 2023 par le département de l'Essonne pour le recouvrement d'un indu de revenu de solidarité active.

Article 2 : Le titre exécutoire du 15 juin 2023 émis par le département de l'Essonne pour la récupération d'un indu de revenu de solidarité active est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au département de l'Essonne de restituer à Mme A... les sommes perçues sur le fondement du titre exécutoire annulé à l'article 2, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, si le département n'a pas émis avant l'expiration de ce délai un nouveau titre dans des conditions régulières.

Article 4 : Le département de l'Essonne versera à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de Mme A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Les conclusions présentées par le département de l'Essonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au département de l'Essonne.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 avril 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Édouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 2 avril 2025.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Ariane Piana-Rogez

La secrétaire :

Signé : Mme Paule Troly


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 493754
Date de la décision : 02/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mai. 2025, n° 493754
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ariane Piana-Rogez
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP DELAMARRE et JEHANNIN ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:493754.20250502
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