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02/05/2025 | FRANCE | N°490127

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 02 mai 2025, 490127


Vu la procédure suivante :



Par deux mémoires, enregistrés les 17 février et 21 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 20 novembre 2023 portant cahiers des charges des éco-organismes, des systèmes individue

ls et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie des ...

Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 17 février et 21 mars 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires du 20 novembre 2023 portant cahiers des charges des éco-organismes, des systèmes individuels et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie des producteurs de voitures particulières, de camionnettes, de véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 541-10-26 du code de l'environnement, notamment son I, ainsi que des articles L. 541-10 et L. 541-10-1 du même code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Eu égard à l'argumentation développée par la requérante, la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle soulève doit être regardée comme étant dirigée contre, outre l'article L. 541-10-26 du code de l'environnement pris dans son intégralité, d'une part, les dispositions du seul premier alinéa du II de l'article L. 541-10 du même code ainsi que, d'autre part, celles de l'article L. 541-10-1 du même code uniquement en tant que ce dernier prévoit, à son 15°, que relèvent du principe de responsabilité élargie du producteur les voitures particulières, camionnettes, véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur.

3. Aux termes du premier alinéa du II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " Les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques, de la gouvernance et des moyens financiers et organisationnels pour répondre aux exigences d'un cahier des charges fixé par arrêté du ministre chargé de l'environnement, après avis de la commission inter-filières. Ce cahier des charges précise les objectifs et modalités de mise en œuvre des obligations mentionnées à la présente section, les projets sur lesquels la commission inter-filières est consultée ou informée et, lorsque la nature des produits le justifie, fixe des objectifs distincts de réduction des déchets, de réemploi, de réutilisation, de réparation, d'intégration de matière recyclée, de recyclabilité et de recyclage. Ces objectifs doivent être en cohérence avec les objectifs mentionnés à l'article L. 541-1. Les éco-organismes et les systèmes individuels sont également soumis à un autocontrôle périodique reposant sur des audits indépendants réguliers réalisés au moins tous les deux ans, permettant notamment d'évaluer leur gestion financière, la qualité des données recueillies et communiquées ainsi que la couverture des coûts de gestion des déchets. La synthèse des conclusions de ces audits fait l'objet d'une publication officielle, dans le respect des secrets protégés par la loi ". Aux termes de l'article L. 541-10-1 du même code : " relèvent du principe de responsabilité élargie du producteur en application du premier alinéa du I de l'article L. 541-10 : / (...) 15° Les voitures particulières, les camionnettes, les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, à compter du 1er janvier 2022, afin d'en assurer la reprise sur tout le territoire (...) ". Aux termes de l'article L. 541-10-26 du même code : " I. -Les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent procéder aux opérations de gestion des véhicules hors d'usage suivantes que s'ils ont passé des contrats en vue de cette gestion avec les éco-organismes ou les systèmes individuels créés en application de l'article L. 541-10 : / 1° La reprise sur le territoire national des véhicules hors d'usage ; / 2° La dépollution des véhicules ; / 3° Le traitement des déchets dangereux issus des véhicules. / II. - En vue de favoriser la réutilisation des pièces détachées issues des véhicules usagés, les producteurs ou leur éco-organisme assurent la reprise sans frais de ces véhicules auprès des particuliers sur leur lieu de détention. / Cette reprise est accompagnée d'une prime au retour, si elle permet d'accompagner l'efficacité de la collecte ".

4. En premier lieu, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

5. D'une part, les dispositions contestées du premier alinéa du II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement et du 15° de l'article L. 541-10-1 du même code, qui ont respectivement pour objet d'obliger les éco-organismes et systèmes individuels à se conformer, pour être agréés, aux exigences d'un cahier des charges fixé par arrêté du ministre chargé de l'environnement et de soumettre au principe de responsabilité élargie du producteur les voitures particulières, camionnettes, véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, n'ont pas, par elles-mêmes, pour effet de porter atteinte à la liberté d'entreprendre ou à la liberté contractuelle au regard de l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'environnement poursuivi.

6. D'autre part, si les dispositions de l'article L. 541-10-26 du code de l'environnement imposent aux opérateurs de gestion de déchets de contracter avec les éco-organismes ou les systèmes individuels pour pouvoir procéder aux opérations de gestion des véhicules hors d'usage qu'elles mentionnent, celles-ci ne les privent pas de la liberté de choisir leur cocontractant lorsque plusieurs possibilités s'offrent à eux et de négocier le contenu des contrats conclus à ce titre. Dès lors, ces dispositions ne portent pas d'atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre ni à la liberté contractuelle au regard de l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'environnement qu'elles poursuivent.

7. En second lieu, aux termes de l'article 34 de la Constitution : " (...) La loi détermine les principes fondamentaux (...) du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales (...) ". La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

8. Eu égard à la marge de choix et d'action que conservent, sous le contrôle du juge du contrat, les opérateurs de gestion des véhicules hors d'usage dans le cadre de l'obligation de contracter avec les éco-organismes ou les systèmes individuels qui leur est imposée par les dispositions de l'article L. 541-10-26 du code de l'environnement, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant d'encadrer le contenu des clauses des contrats conclus à ce titre.

9. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage et à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2025 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat et Mme Stéphanie Vera, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 2 mai 2025.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Stéphanie Vera

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 490127
Date de la décision : 02/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mai. 2025, n° 490127
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Vera
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490127.20250502
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