Vu la procédure suivante :
Mme E... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, en son nom propre et en celui de son enfant mineur, D... C..., d'une part, d'annuler la décision du 31 juillet 2023 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leur demande d'asile et de leur reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et, d'autre part, d'annuler la décision d'irrecevabilité du 11 septembre 2023 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a rejeté la demande d'asile de M. C... et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par une décision n° 23050220, 23050817 du 21 mai 2024, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision du directeur général de l'OFPRA du 31 juillet 2023 en ce qu'elle concerne M. C..., annulé la décision du directeur général de l'OFPRA du 11 septembre 2023 et renvoyé l'examen de la demande de M. C... à l'OFPRA.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 22 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, la demande est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants ". Aux termes de l'article L. 531-23 du même code : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents présentée dans les conditions prévues à l'article L.521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire ".
2. D'autre part, l'article L. 521-13 du même code fait obligation au demandeur d'asile de " coopérer avec l'autorité administrative compétente en vue d'établir son identité, sa nationalité ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d'origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d'asile antérieures " et, en vertu de l'article L. 531-5, de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d'asile. L'article L. 531-9 du même code dispose que : " Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d'asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ils sont examinés, dans le cadre de cette procédure, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides s'il n'a pas encore statué ou par la Cour nationale du droit d'asile si elle est saisie ".
3. Enfin, aux termes de l'article L. 531-12 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides convoque le demandeur d'asile à un entretien personnel (...). Il peut s'en dispenser dans les situations suivantes : / 1° Il s'apprête à prendre une décision reconnaissant au demandeur la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ; / 2° Des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l'intéressé interdisent de procéder à l'entretien ". Et aux termes du premier alinéa de l'article L. 532-3 du même code : " La Cour nationale du droit d'asile ne peut annuler une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile que lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle ".
4. Il résulte de la combinaison de ces différentes dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent et de faire valoir, s'il y a lieu, les craintes propres de persécution de ses enfants lors de l'entretien prévu à l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en va également ainsi en cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger étant tenu d'informer dans les meilleurs délais l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de cette naissance ou entrée, y compris lorsque l'Office a déjà statué sur sa demande.
5. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur antérieurement à l'entretien avec l'étranger, la décision rendue par l'Office est réputée l'être à l'égard du demandeur et de l'enfant, sauf si celui-ci établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire.
6. Si cette naissance ou cette entrée intervient postérieurement à l'entretien avec l'étranger, et si l'enfant se prévaut de craintes propres de persécution, il appartient à l'OFPRA de convoquer à nouveau l'étranger afin qu'il puisse, le cas échéant, faire valoir de telles craintes. Lorsque l'Office est informé de ces craintes postérieurement à sa décision sur la demande de l'étranger, il lui appartient en outre de réformer cette décision afin d'en tenir compte. Il en est ainsi y compris après l'enregistrement d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile.
7. Dans ces différents cas, lorsque l'OFPRA n'a pas procédé à un tel examen individuel des craintes propres de l'enfant ou s'est abstenu de convoquer l'étranger à un nouvel entretien, il appartient, en cas de recours, à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision de l'OFPRA et de lui renvoyer l'examen des craintes propres de l'enfant si, d'une part, elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection de l'enfant au vu des éléments établis devant elle et, d'autre part, elle estime que l'absence de prise en compte de l'enfant ou de ses craintes propres par l'Office n'est pas imputable au parent de cet enfant.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, postérieurement à la décision du 31 juillet 2023 par laquelle l'OFPRA a rejeté la demande d'asile de Mme B..., de nationalité guinéenne, l'Office a été informé de la naissance en France, le 10 juin 2023, de son fils D... C... et a été saisi, le 14 août 2023, d'une demande d'asile le concernant, ne faisant toutefois pas état de craintes propres de l'enfant, lesquelles n'ont été invoquées pour la première fois que dans le mémoire introductif du recours présenté par Mme B... devant la Cour nationale du droit d'asile le 12 octobre 2023, soit plus de quatre mois après la naissance de l'enfant. Dès lors, en jugeant que l'OFPRA aurait dû procéder à un nouvel entretien de sa mère, alors que l'absence de prise en compte des craintes propres de l'enfant par l'Office devait être regardée comme imputable à sa mère, la Cour a commis une erreur de droit.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, que l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 21 mai 2024 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à Mme E... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2025 où siégeaient : Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 15 avril 2025.
La présidente :
Signé : Mme Rozen Noguellou
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Leporcq