Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile, à titre principal, d'annuler la décision du 8 décembre 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et, à titre subsidiaire, d'annuler cette décision et de renvoyer l'affaire à l'Office pour examen. Par une décision n° 23036971 du 24 avril 2024, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à cette demande d'annulation et renvoyé l'affaire à l'Office pour examen.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 juin et 24 septembre 2024, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, par une décision du 8 décembre 2022, prise sur le fondement des seules déclarations écrites de l'intéressé, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile de M. B... A.... L'Office se pourvoit en cassation contre la décision du 24 avril 2024 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et lui a renvoyé l'affaire pour examen.
2. D'une part, l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'Office convoque le demandeur à un entretien personnel par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle de cette convocation. Il peut s'en dispenser s'il apparaît que : 1° L'Office s'apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ; 2° Des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l'intéressé interdisent de procéder à l'entretien ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 532-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Saisie d'un recours contre une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d'asile statue, en qualité de juge de plein contentieux, sur le droit du requérant à une protection au titre de l'asile au vu des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle se prononce ". L'article L. 532-3 du même code dispose que : " La Cour nationale du droit d'asile ne peut annuler une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile que lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle. (...) ".
4. Enfin, l'article R. 531-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant sur une demande d'asile " est notifiée à l'intéressé par un procédé électronique dont les caractéristiques techniques garantissent une identification fiable de l'expéditeur et du destinataire ainsi que l'intégrité et la confidentialité des données transmises. (...) / La décision est réputée notifiée à l'intéressé à la date de sa première consultation. Cette date est consignée dans un accusé de réception adressé au directeur général de l'office ainsi qu'à l'autorité administrative par ce même procédé. A défaut de consultation de la décision par l'intéressé, la décision est réputée avoir été notifiée à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de sa mise à disposition. / Le demandeur est informé lors de l'enregistrement de sa demande que la décision du directeur général de l'office lui sera notifiée au moyen du procédé électronique prévu au deuxième alinéa. Il est également informé : 1° Des caractéristiques essentielles de ce procédé électronique ; 2° Des modalités de mise à disposition et de consultation de la décision notifiée ; 3° Des modalités selon lesquelles il s'identifie pour prendre connaissance de la décision ; 4° Du délai au terme duquel, faute de consultation de la décision, celle-ci est réputée lui avoir été notifiée. / Toutefois, la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception lorsque le demandeur établit qu'il n'est pas en mesure d'accéder au procédé électronique (...). L'office peut également ne pas recourir à ce procédé notamment pour des motifs liés à la situation personnelle du demandeur ou à sa vulnérabilité ". Aux termes de l'article R. 531-11 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides convoque le demandeur d'asile à un entretien personnel en application de l'article L. 531-12 dans les conditions prévues à l'article R.531-17 ". L'article 1er de l'arrêté du 29 avril 2021 relatif aux caractéristiques techniques du procédé électronique mentionné à l'article R. 531-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Il est créé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides un procédé électronique dénommé espace personnel numérique sécurisé utilisant le réseau internet ". Son article 6 prévoit que : " La date et l'heure de mise à disposition d'un document par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans l'espace personnel numérique sécurisé de l'usager sont garanties par un procédé d'horodatage électronique qualifié et établies par la délivrance d'un " accusé de mise à disposition ". L'usager est avisé de la mise à disposition d'un document par une information appropriée sur son espace personnel numérique sécurisé. Un message d'information relatif à cette mise à disposition est en outre envoyé à l'adresse électronique et/ou au numéro de téléphone mobile que, le cas échéant, il a communiqué lors de l'introduction de sa demande d'asile ou sur son espace personnel numérique sécurisé. La date et l'heure de la première consultation d'un document par son destinataire, ou de l'absence de première consultation dans un délai de quinze jours à compter de la mise à disposition, sont établies par la délivrance d'un " accusé de réception ".
5. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile qu'à la suite du dépôt d'une demande d'asile par M. A..., l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis à sa disposition, le 6 octobre 2022, dans l'espace personnel numérique sécurisé qu'il avait créé pour l'intéressé, sa convocation, le 18 novembre suivant, à l'entretien individuel prévu par les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à laquelle a été associée une alerte par SMS. L'Office a ensuite reçu un accusé de réception automatique l'informant que cette convocation, n'ayant pas été consultée par M. A..., dans le délai imparti de quinze jours à compter de sa mise à disposition, était réputée lui avoir été notifiée. Une nouvelle alerte a été adressée à l'intéressé par SMS le 14 novembre 2022.
6. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 531-17 et R. 531-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 4, qu'un procédé électronique a été mis en place pour la notification aux demandeurs d'asile non seulement de la décision de l'OFPRA statuant sur leur demande d'asile, mais aussi pour la notification de leur convocation à l'entretien exigé par les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 531-12 du même code. Il est notamment prévu qu'en l'absence de consultation par le demandeur d'asile de la convocation mise à sa disposition par l'OFPRA par l'intermédiaire de l'espace personnel numérique sécurisé auquel l'intéressé est chargé de se connecter lui-même, conformément aux informations qui lui sont fournies, cette dernière est réputée lui avoir été notifiée à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de sa mise à disposition.
7. Il s'ensuit, en premier lieu, qu'en jugeant qu'une telle procédure de notification sur l'espace personnel numérique sécurisé n'était pas prévue pour les convocations à l'entretien individuel, la Cour nationale du droit d'asile a entaché sa décision d'une erreur de droit.
8. Il s'ensuit également, en second lieu, qu'en jugeant que l'OFPRA, qui ne s'était ainsi pas assuré de manière certaine de ce que la convocation avait bien été notifiée à l'intéressé, ne pouvait se dispenser de convoquer à nouveau celui-ci à l'entretien individuel, alors que la convocation était réputée lui avoir été notifiée, faute pour lui d'avoir consulté l'espace personnel numérique sécurisé dans le délai de quinze jours à compter de sa mise à disposition, et qu'il avait également reçu une alerte par SMS à deux reprises, la Cour nationale du droit d'asile a entaché sa décision d'une seconde erreur de droit.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est fondé à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 24 avril 2024 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2025 où siégeaient : Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 15 avril 2025.
La présidente :
Signé : Mme Rozen Noguellou
Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt
La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Leporcq