La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2025 | FRANCE | N°490168

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 04 avril 2025, 490168


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 490168, par une ordonnance n° 2307136 du 14 décembre 2023, enregistrée le 15 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. C... A....



Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 3 novembre 2023, et deux mémoires en réplique, enregi

strés les 4 novembre 2024 et 24 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 490168, par une ordonnance n° 2307136 du 14 décembre 2023, enregistrée le 15 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. C... A....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 3 novembre 2023, et deux mémoires en réplique, enregistrés les 4 novembre 2024 et 24 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 août 2023 par lequel le ministre de la santé et de la prévention et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche l'ont suspendu à titre conservatoire de ses fonctions universitaires et hospitalières avec maintien de son traitement universitaire et de ses émoluments hospitaliers ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de le rétablir dans ses droits et ses fonctions et de publier un démenti officiel ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 491733, par une ordonnance n° 2303990 du 13 février 2024, enregistrée le 13 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la requête présentée par Mme D... B... au tribunal administratif de Paris et renvoyée par celui-ci au tribunal administratif de Grenoble.

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 30 mai 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 mars 2023 par laquelle le président-directeur général de l'Inserm l'a suspendue à titre conservatoire de ses fonctions pour une durée maximale de quatre mois ;

2°) d'enjoindre à l'Inserm de la rétablir dans ses droits et ses fonctions et de publier un démenti officiel ;

3°) de condamner l'Inserm à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de l'Inserm la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n° 491736, par une ordonnance n° 2307527 du 13 février 2024, enregistrée le 13 février 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 341-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par Mme B....

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 21 novembre 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 septembre 2023, modifiée le 26 octobre 2023, par laquelle le président-directeur général de l'Inserm lui a infligé la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, dont trois avec sursis, à compter du 1er janvier 2024 ;

2°) d'enjoindre à l'Inserm de la rétablir dans ses droits et ses fonctions et de publier un démenti officiel ;

3°) de condamner l'Inserm à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

4°) de mettre à la charge de l'Inserm la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 2021-1645 du 13 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carole Hentzgen, auditrice,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. A... ;

Vu la note en délibéré commune aux trois requêtes, enregistrée le 14 mars 2025, présentée par M. A... et Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 27 avril 2022, le président de l'Université de Grenoble Alpes et le président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), après avoir été destinataires d'un courrier du 25 février 2022 se présentant comme émanant de personnels de l'Inserm et dénonçant anonymement des agissements de M. C... A... et de son épouse, Mme D... B..., ont déchargé à titre temporaire et conservatoire M. A... de ses fonctions de directeur de l'Institut de neurosciences de Grenoble (GIN) à compter du même jour. Puis, par un courrier du 31 août 2023, le ministre de la santé et de la prévention et la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ont saisi de faits relevés à l'encontre de M. A... la juridiction disciplinaire compétente à l'égard des personnels enseignants et hospitaliers et, dans l'attente de la décision de cette juridiction, ont suspendu l'intéressé de ses fonctions par un arrêté pris le même jour. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté. En parallèle, le président-directeur général de l'Inserm, par une décision du 27 mars 2023, a suspendu Mme B... de ses fonctions à titre conservatoire, puis lui a infligé, par une décision du 29 septembre 2023, modifiée le 26 octobre 2023, la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, dont trois avec sursis. Mme B... demande l'annulation pour excès de pouvoir des décisions des 27 mars et 26 octobre 2023.

2. Les requêtes de M. A... et de Mme B... présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur l'arrêté de suspension de M. A... à titre conservatoire :

3. Aux termes de l'article 26 du décret du 13 décembre 2021 relatif au personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers universitaires : " I. - Lorsque l'intérêt du service l'exige, la suspension d'un agent qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire ou d'une procédure pour insuffisance professionnelle peut être prononcée, à titre conservatoire, par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé. / L'arrêté précise si l'intéressé conserve, pendant le temps où il est suspendu, le bénéfice de son traitement universitaire et de ses émoluments hospitaliers ou détermine la quotité de la retenue qu'il subit, qui ne peut être supérieure à la moitié du montant total du traitement universitaire et des émoluments hospitaliers. En tout état de cause, il continue à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. / Sauf s'il fait l'objet de poursuites pénales, lorsqu'aucune décision n'est intervenue dans le délai de trois mois à compter de la suspension, l'intéressé reçoit de nouveau l'intégralité de son traitement universitaire et de ses émoluments hospitaliers et a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement universitaire. (...) / II. - Par dérogation au I, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients ou celle des étudiants, le directeur général du centre hospitalier universitaire et le président de l'université concernée peuvent décider conjointement de suspendre les activités de l'agent mentionnées à l'article 8. / Ils en réfèrent sans délai aux autorités mentionnées au I, qui confirment cette suspension ou y mettent fin. "

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 532-2 du code général de la fonction publique : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. "

En ce qui concerne la légalité externe :

5. En premier lieu, les dispositions citées au point 3 en application desquelles M. A... a été suspendu de ses fonctions n'imposent la mention par l'arrêté pris à ce titre ni de la durée de la suspension prononcée ni de la date à laquelle la juridiction disciplinaire est saisie, M. A... ayant au demeurant été informé de l'engagement de la procédure disciplinaire à son encontre simultanément à la suspension de ses fonctions.

6. En deuxième lieu, la mesure de suspension prise à l'encontre de M. A... par l'arrêté du 31 août 2023 revêt un caractère conservatoire et ne constitue pas, par elle-même, une sanction, de sorte qu'elle n'a pas à être précédée d'une procédure contradictoire.

7. En troisième lieu, pour soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure de nature à porter atteinte à ses droits de la défense, le requérant se prévaut de l'irrégularité de l'enquête administrative diligentée par le président de l'Université et le président-directeur général de l'Inserm aux motifs que celle-ci aurait été trop longue et qu'elle aurait été réalisée en méconnaissance du principe d'impartialité. Pour autant, il n'apporte au soutien de ses allégations aucun élément de nature à établir d'irrégularité en ce qui concerne ni la conduite ni la durée de l'enquête. Si par ailleurs il se plaint de ce que l'enquête n'ait pas permis d'identifier les auteurs du courrier du 25 févier 2022 à l'origine des procédures engagées contre lui, une telle circonstance n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure. Il en va de même du point de savoir si les auteurs de ce courrier sont susceptibles ou non d'être qualifiés de lanceurs d'alerte.

8. En quatrième lieu, si une démarche de médiation interne a été conduite en 2020 au sein de l'Inserm, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que l'administration ait eu la connaissance effective de l'ampleur des faits dénoncés à l'encontre de M. A... avant la réception du courrier du 25 février 2022. Par suite, ainsi qu'il résulte des dispositions citées au point 4, l'intéressé n'est pas fondé à faire état de la prescription des faits qui lui sont reprochés.

9. Enfin, si le requérant soutient, d'une part, que les services des ressources humaines de l'Inserm auraient porté atteinte à sa vie privée, à l'impartialité de l'enquête administrative, à la présomption d'innocence et au principe de neutralité et, d'autre part, que ces mêmes services auraient tenu un raisonnement sexiste et patriarcal à l'encontre de son épouse, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ces allégations.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. D'une part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. Par suite, dès lors que l'arrêté attaqué n'a pas été pris en application de la décision du 27 avril 2022 du président de l'Université de Grenoble Alpes et du président-directeur général de l'Inserm déchargeant le requérant de ses fonctions de directeur du GIN, le moyen tiré de l'illégalité de cette dernière décision est inopérant pour contester l'arrêté pris par les ministres.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la lettre du 31 août 2023 par laquelle les ministres en charge de la santé et de l'enseignement supérieur ont saisi la juridiction disciplinaire compétente retient trois griefs à l'encontre de M. A..., à savoir des comportements abusifs et autoritaires, un management partial en faveur de son équipe ou de celle de son épouse Mme B... et une violation des règles d'intégrité scientifique et déontologique et du droit d'auteur. A cet égard, il ressort du rapport de l'enquête administrative du 31 janvier 2023, qui repose sur l'audition d'une cinquantaine de personnels du GIN, de l'Inserm et de l'université Grenoble Alpes, que M. A... aurait, à plusieurs reprises, adopté une attitude et tenu des propos inappropriés, voire outranciers, à l'encontre de différents collaborateurs, et que l'intéressé s'est également exposé, de manière répétée, à des situations de conflit d'intérêts par des prises de position, notamment sur des choix impliquant son épouse, révélant un manque caractérisé d'impartialité de nature à affecter le fonctionnement du GIN. Le même rapport pointe également des dysfonctionnements notables relatifs à la signature d'articles de recherche. Ces éléments n'étant pas utilement remis en cause par des pièces versées au dossier, il en résulte que les faits reprochés à M. A... sont d'une vraisemblance et d'une gravité suffisantes pour justifier l'édiction d'une mesure de suspension temporaire sur le fondement des dispositions du I de l'article 26 du décret du 13 décembre 2021 citées au point 3. La circonstance que la juridiction disciplinaire compétente a, par une décision du 18 février 2025, relaxé M. A... des poursuites engagées à son encontre, si elle a pour effet que de mettre fin à la mesure conservatoire contestée, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de celle-ci.

Sur la décision infligeant une sanction à Mme B... :

12. Aux termes de l'article L. 530-1 du code général de la fonction publique : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. (... ) ". Aux termes de l'article L. 532-1 du même code : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination ou à l'autorité territoriale (...) ". Aux termes de l'article L. 533-1 du même code : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes : (...) / 3° Troisième groupe : / a) La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par le fonctionnaire ; / b) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans (...) ".

En ce qui concerne la légalité externe :

13. En premier lieu, il résulte des dispositions citées au point 4 que la requérante n'est pas fondée à opposer la prescription des faits qui lui sont reprochés, l'Inserm n'ayant eu effectivement connaissance de l'ampleur des faits litigieux qu'après le 25 février 2022, date à laquelle le courrier de signalements anonymes a été adressé aux directions des administrations concernées, ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 8.

14. En deuxième lieu, si la requérante conteste l'invocation du statut de lanceurs d'alerte par les auteurs du courrier du 25 février 2022, une telle argumentation reste sans incidence sur la légalité de la sanction attaquée.

15. En troisième lieu, si Mme B... soutient ne pas avoir été en mesure de présenter utilement sa défense dans le cadre de l'enquête administrative, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure disciplinaire. En outre, l'intéressée, qui a reçu communication de l'ensemble des documents qu'elle était en droit d'obtenir, en particulier le rapport d'enquête administrative, le 13 juin 2023, soit près de trois mois avant son audition devant la commission de discipline compétente, n'est pas fondée à faire valoir une communication tardive de son dossier. Le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire ne peut, par suite, qu'être écarté.

16. En dernier lieu, les seules circonstances que des membres de la mission d'enquête aient occupé des fonctions aux sein du service des ressources humaines de l'Inserm, que des courriels provenant de ce service aient fait état de la procédure disciplinaire engagée et enfin que le rapport d'enquête ne mentionnerait pas certains documents produits par Mme B... ne sont pas, contrairement à ce que soutient Mme B..., de nature à établir des atteintes au principe d'impartalité.

En ce qui concerne la légalité interne :

17. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

18. Il ressort des énonciations de la décision attaquée que la sanction infligée à Mme B... repose sur deux griefs, à savoir des comportements de management inappropriés qui auraient eu pour effet une dégradation des conditions de travail des chercheurs et des étudiants placés sous son autorité hiérarchique, et une méconnaissance des exigences relatives à l'intégrité scientifique, notamment aux règles encadrant la signature des publications.

19. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'enquête administrative du 31 janvier 2023, que l'intéressée, qui au demeurant n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'exerçait pas de responsabilités managériales au GIN alors qu'il n'est pas contesté qu'elle occupait les fonctions de chef d'équipe, a participé à la dégradation des conditions de travail de ses équipes, eu égard en particulier à son attitude vis-à-vis de plusieurs collaborateurs à qui elle a, selon des témoignages concordants, fait comprendre qu'elle avait le pouvoir de compromettre leur avenir professionnel en cas de désaccord. Il ressort également du rapport d'enquête administrative que de nombreuses personnes auditionnées reprochent à Mme B... d'avoir édicté des règles arbitraires dans la définition des listes de co-auteurs pour les publications scientifiques, alimentant de ce fait un climat de " frustration " et " un sentiment d'injustice ". Il résulte ainsi des pièces du dossier que ces comportements, par leur nature et leur répétition, ont pu porter atteinte au bon fonctionnement du GIN, en contribuant à fragiliser la prise de décisions en comité de direction et à entraîner de nombreux départs de personnels. La circonstance que la juridiction disciplinaire compétente a, ainsi qu'il a été dit au point 11, relaxé M. A... des poursuites engagées à son encontre est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la procédure engagée à l'encontre de Mme B.... Par suite, le président-directeur général de l'Inserm, qui a fait une exacte appréciation de la nature et de la gravité des faits portés à sa connaissance, a pu légalement sanctionner la requérante sur le fondement des dispositions citées au point 12.

20. Compte tenu de la nature et de la gravité de ces faits, et en particulier de leurs conséquences sur les prises de décision et la qualité des travaux scientifiques du GIN ainsi que sur les conditions de travail et la santé de nombreux personnels, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en infligeant à Mme B... la sanction du troisième groupe de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, dont trois avec sursis.

Sur la décision de suspension de Mme B... à titre conservatoire :

21. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 531-1 du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire, auteur d'une faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ".

En ce qui concerne la légalité externe :

22. D'une part, Mme B... n'est pas fondée à faire valoir que la décision de suspension, prise le 27 mars 2023, n'aurait pas permis l'engagement de poursuites disciplinaires dans un délai raisonnable, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'instance disciplinaire a été saisie le 13 juin 2023, soit moins de trois mois après le prononcé de la suspension.

23. D'autre part, pour les mêmes motifs qu'énoncés aux points 6 à 9, la requérante n'est pas fondée à invoquer un vice de procédure tenant à l'irrégularité de l'enquête administrative, à l'absence de contradictoire, à l'illégalité de l'invocation du statut de lanceurs d'alerte par les auteurs du courrier du 25 février 2022, à la partialité des services des ressources humaines de l'Inserm, à l'atteinte à sa vie privée et à la prescription des faits dénoncés à son encontre.

En ce qui concerne la légalité interne :

24. Il résulte des pièces versées au dossier que les faits reprochés à Mme B... sont d'une vraisemblance et d'une gravité suffisantes pour justifier l'édiction d'une mesure de suspension temporaire sur le fondement des dispositions citées au point 21.

25. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées par l'Inserm, que M. A... et Mme B... ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions qu'ils attaquent. Leurs requêtes doivent, dès lors, être rejetées, y compris les conclusions indemnitaires et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les requêtes de M. A... et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... A..., à Mme D... B..., à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à la ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Carole Hentzgen, auditrice-rapporteure.

Rendu le 4 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Carole Hentzgen

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 490168
Date de la décision : 04/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 avr. 2025, n° 490168
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Carole Hentzgen
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490168.20250404
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award