Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 30 mai et 16 novembre 2023 et le 10 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion du 31 mars 2023 portant extension de l'avenant du 2 juillet 2020 relatif aux indemnités de licenciement et de retraite, à la convention collective nationale de la plasturgie ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur (Plastalliance) ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de la convention collective nationale de la plasturgie, trois organisations syndicales, la Fédération chimie énergie CFDT, la Fédération nationale de la Chimie CGT-FO et la Fédération nationale du personnel d'encadrement de la chimie CFE-CGC, et une organisation professionnelle d'employeurs, la Fédération de la plasturgie et des composites, ont conclu le 2 juillet 2020 un avenant relatif aux indemnités de licenciement et de retraite. Le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion du 31 mars 2023 portant extension de cet avenant.
Sur la légalité externe :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué ne comporterait pas la signature de son auteur manque en fait.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 2261-15 du code du travail : " Les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, répondant aux conditions particulières déterminées par la sous-section 2, peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle ". En vertu de l'article R. 2272-10 du même code, les missions dévolues à la Commission nationale peuvent être exercées par des sous-commissions, telle que la sous-commission des conventions et accords, cette dernière comportant, comme le prévoit l'article R. 2272-12, onze membres. Aux termes de l'article R. 2272-17 du même code : " Les avis émis par les sous-commissions définies à l'article R. 2272-10 le sont valablement si plus de la moitié (...) des membres ayant voix délibérative sont présents ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été pris après avis motivé de la sous-commission des conventions et accords de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 30 mars 2023, en présence de neuf des onze membres de cette sous-commission, soit plus de la moitié de ses membres. Par suite, le moyen tiré de ce que cet avis aurait été rendu en méconnaissance des règles de quorum fixées par l'article R. 2272-17 du code du travail ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité interne :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'assemblée générale extraordinaire du 24 novembre 2020 de la Fédération de la plasturgie et des composites a décidé de regrouper les organisations qui en étaient membres, dont le syndicat Allizé-Plasturgie Auvergne-Rhône-Alpes, au sein d'un syndicat unifié, cette réorganisation impliquant la dissolution de la Fédération de la plasturgie et des composites à la suite du transfert de son activité et de son patrimoine au syndicat Allizé-Plasturgie Auvergne-Rhône-Alpes, lequel a modifié concomitamment ses statuts pour devenir le syndicat Polyvia au 1er janvier 2021, cette modification ayant été adoptée lors de l'assemblée générale extraordinaire du syndicat Allizé-Plasturgie Auvergne-Rhône-Alpes du 17 décembre 2020.
6. Si le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur soutient, en se fondant sur les circonstances mentionnées au point précédent, que l'arrêté en litige serait entaché d'illégalité en ce que l'avenant qu'il étend, signé par la Fédération de la plasturgie et des composites, devait être regardé comme mis en cause à la date de sa signature en regard des dispositions de l'article L. 2261-14 du code du travail, il ressort des pièces du dossier que la création du syndicat Polyvia concomitante à la dissolution de la Fédération de la plasturgie et des composites, laquelle procède en l'espèce d'une simple réorganisation de cette organisation professionnelle d'employeurs, est demeurée sans incidence sur l'application de l'accord en cause aux entreprises relevant de la convention collective nationale de la plasturgie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait illégal au motif que l'avenant qu'il étend aurait été mis en cause en application de l'article L. 2261-14 du code du travail ne soulève pas de question sérieuse et doit, en tout état de cause, être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2261-8 du code du travail : " L'avenant portant révision de tout ou partie d'une convention ou d'un accord se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie. Il est opposable, dans des conditions de dépôt prévues à l'article L. 2231-6, à l'ensemble des employeurs et des salariés liés par la convention ou l'accord ". Si antérieurement à l'extension de l'avenant du 2 juillet 2020 relatif aux indemnités de licenciement et de retraite, les mêmes stipulations de la convention collective ou d'accords ou avenants conclus en son sein que celles modifiées par cet avenant ont fait l'objet d'un avenant du 25 octobre 2018, ensuite dénoncé par la Fédération de la plasturgie et des composites, seule organisation professionnelle d'employeurs signataire, et ayant cessé d'être en vigueur le 25 juillet 2020, il ressort des pièces du dossier que l'avenant du 2 juillet 2020 a procédé à la révision des stipulations en cause, non pas dans leur rédaction issue de l'avenant du 25 octobre 2018, mais dans leur rédaction antérieure, en vigueur à la date à laquelle l'avenant du 2 juillet 2020 est entré en vigueur, soit le lendemain de la publication de l'arrêté d'extension. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'illégalité au motif que l'avenant du 2 juillet 2020 qu'il étend " était privé d'objet " et ne constituait pas un avenant de révision ne soulève pas de question sérieuse et ne peut qu'être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 2261-23-1 du code du travail : " Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel doivent, sauf justifications, comporter, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, les stipulations spécifiques mentionnées à l'article L. 2232-10-1 ". Aux termes de l'article L. 2232-10-1 du même code : " Un accord de branche peut comporter, le cas échéant sous forme d'accord type indiquant les différents choix laissés à l'employeur, des stipulations spécifiques pour les entreprises de moins de cinquante salariés. / Ces stipulations spécifiques peuvent porter sur l'ensemble des négociations prévues par le présent code. / L'employeur peut appliquer cet accord type au moyen d'un document unilatéral indiquant les choix qu'il a retenus après en avoir informé le comité social et économique, s'il en existe dans l'entreprise, ainsi que les salariés, par tous moyens ".
9. Il ressort des pièces du dossier que l'avenant du 2 juillet 2020 étendu par l'arrêté attaqué prévoit, en son article 5, qu'eu égard à son objet, l'élaboration de stipulations spécifiques à destination des entreprises de moins de cinquante salariés n'est pas nécessaire. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal au motif que les dispositions de l'article L. 2261-23-1 du code du travail auraient été méconnues par l'avenant du 2 juillet 2020 ne soulève pas de contestation sérieuse et ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 31 mars 2023 du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qu'il attaque.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur, à la Fédération chimie énergie CFDT, à la Fédération de la Chimie FO, à la Fédération nationale du personnel d'encadrement de la chimie CFE-CGC, au syndicat Polyvia et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Article 1er : La requête du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur, à la Fédération chimie énergie CFDT, à la Fédération de la Chimie FO, à la Fédération nationale du personnel d'encadrement de la chimie CFE-CGC, au syndicat Polyvia et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.