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27/03/2025 | FRANCE | N°496397

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 27 mars 2025, 496397


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler la décision n° CS-2024-25 du 28 mai 2024 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) lui a interdit, pendant une durée de quatre ans, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de compétitions et manifestations sportiv

es, aux entraînements y préparant ainsi qu'à des activités sportives, et d'exercer de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° CS-2024-25 du 28 mai 2024 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) lui a interdit, pendant une durée de quatre ans, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de compétitions et manifestations sportives, aux entraînements y préparant ainsi qu'à des activités sportives, et d'exercer des fonctions d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération sportive, d'une ligue professionnelle, d'une organisation signataire du code mondial antidopage ou de l'un de leurs membres ;

2°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- le décret n° 2022-1583 du 16 décembre 2022 portant publication de l'amendement à l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport, adopté à Paris le 15 novembre 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de l'agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que M. B... a fait l'objet d'un contrôle antidopage, le 25 juillet 2023, à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), à l'occasion de sa participation à un entraînement de l'équipe première du Biarritz Olympique, évoluant en championnat de France de rugby professionnel de deuxième division. L'analyse effectuée, confirmée par l'analyse de contrôle réalisée à la demande de l'intéressé, a révélé la présence dans son sang d'hormone de croissance, substance de la classe S2 des " hormones peptidiques, facteurs de croissance, substances apparentées et mimétiques " qui figure sur la liste des substances interdites en permanence, annexée au décret du 16 décembre 2022 portant publication de l'amendement à l'annexe I de la convention internationale contre le dopage dans le sport, qui la répertorie parmi les substances dites " non spécifiées ". Par une décision du 28 mai 2024, dont M. B... demande l'annulation, la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre à son encontre une sanction d'interdiction de participer, pendant quatre ans, directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de compétitions et manifestations sportives, aux entraînements y préparant ainsi qu'à des activités sportives, et d'exercer des fonctions d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération sportive, d'une ligue professionnelle, d'une organisation signataire du code mondial antidopage ou de l'un de leurs membres.

Sur la régularité de la procédure :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 232-12-1 du code du sport : " (...) Le président de la commission des sanctions convoque les séances de la commission et de ses sections. Il fixe leur ordre du jour. / La commission des sanctions établit son règlement intérieur (...) ". Selon le premier alinéa de l'article 4 de la délibération n° 2021-03 du 18 octobre 2021portant règlement intérieur de la commission des sanctions de l'AFLD, prise pour l'application de ces dispositions : " La convocation est adressée par tout moyen aux membres de la commission cinq jours au moins avant la séance, sauf cas d'urgence. Elle est accompagnée de l'ordre du jour ". Il résulte de l'instruction que les membres de la commission des sanctions de l'AFLD ont été convoqués le 23 mai 2024 en vue de la séance du 28 mai suivant, soit dans les délais impartis, par un courrier électronique auquel était joint l'ordre du jour de la séance.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 232-93 du code du sport : " L'intéressé et son conseil, (...) ainsi que le représentant du collège de l'agence (...) peuvent présenter devant la commission des sanctions des observations écrites ou orales. Lorsqu'elles sont écrites, ces observations doivent parvenir au siège de l'agence dans un délai de six jours au moins avant l'audience. / (...) Les observations écrites régulièrement reçues par la commission sont transmises sans délai aux parties ". Il résulte de l'instruction que le représentant du collège de l'AFLD a adressé des observations écrites à la commission des sanctions par un courriel en date du 22 mai 2024 et que, parallèlement, ces observations ont été transmises au requérant. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le délai prévu à l'article R. 232-93, qui, contrairement à ce qu'il soutient, n'est pas un délai franc, n'aurait pas été respecté, ni qu'il n'aurait pas été mis à même de se défendre utilement.

Sur la régularité des opérations de contrôle :

4. En premier lieu, en se bornant à soutenir que la commission des sanctions ne pouvait pas écarter l'application des dispositions du standard international pour les contrôles et les enquêtes de l'Agence mondiale antidopage et des lignes directrices pour le prélèvement d'échantillons sans indiquer quelles dispositions auraient été méconnues, il n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

5. En deuxième lieu, le premier alinéa de l'article L. 232-11 du code du sport dispose que : " sont habilitées à procéder aux contrôles diligentés par l'Agence française de lutte contre le dopage ou demandés par les personnes mentionnées à l'article L. 232-13 les personnes agréées par l'Agence et assermentées (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 232-12 du même code : " Les opérations de contrôle sont diligentées par le directeur du département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage qui peut donner délégation aux agents placés sous son autorité hiérarchique. Les personnes mentionnées à l'article L. 232-11 peuvent procéder à des prélèvements biologiques destinés à mettre en évidence l'usage de procédés prohibés ou à déceler la présence dans l'organisme de substances interdites. Seules les personnes mentionnées à l'article L. 232-11 et qui y sont autorisées par le code de la santé publique peuvent procéder à des prélèvements sanguins (...) ". Aux termes de l'article R. 232-54 de ce code : " la personne chargée du contrôle peut être assistée, dans les opérations énumérées aux articles R. 232-49 et R. 232-50, soit par une autre personne agréée, soit par une personne qui suit la formation préalable à la délivrance de l'agrément ".

6. Il résulte de l'instruction que M. D... a procédé, en sa qualité de préleveur agréé et assermenté, au contrôle dont a fait l'objet le requérant. La circonstance que Mme C..., infirmière diplômée d'Etat, ait assisté M. D..., au titre de sa formation et comme le permet l'article R. 232-54 du même code, et ait réalisé des prélèvements sous la responsabilité de celui-ci n'est pas de nature à affecter la régularité du contrôle.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 232-58 du code du sport : " La personne contrôlée doit assister à l'ensemble des opérations de contrôle. / La personne chargée du contrôle dresse sans délai procès-verbal des conditions dans lesquelles elle a procédé aux prélèvements et opérations de dépistage. / Les observations que la personne chargée du contrôle ou le sportif contrôlé souhaite présenter sur les conditions de déroulement du contrôle sont consignées dans le procès-verbal. / (...) Le sportif contrôlé peut préciser sur le procès-verbal s'il a récemment utilisé une spécialité pharmaceutique ou suivi un traitement médical. / Le procès-verbal est signé par la personne chargée du contrôle et par le sportif (...) ". Il résulte de l'instruction que M. B... a eu la possibilité de faire mentionner sur le procès-verbal de contrôle antidopage s'il avait récemment eu recours à une spécialité pharmaceutique, et qu'il l'a signé sans faire d'observation ni exprimer aucune réserve. Par suite, alors qu'en tout état de cause, il n'établit pas avoir été dans l'incapacité de comprendre le document présenté, dont toutes les mentions sont accompagnées d'une traduction en anglais, il n'est pas fondé à soutenir que le contrôle se serait déroulé de façon irrégulière et l'aurait privé des garanties prévues par les dispositions du code du sport.

Sur la conservation et le transport des échantillons :

8. Aux termes de l'article R. 232-51 du code du sport : " Les conditions de prélèvement et de transport des échantillons sont précisées dans un référentiel de bonnes pratiques établi par le département des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage ". Aux termes de l'article R. 232-63 du même code " L'acheminement des échantillons au laboratoire auquel il a été fait appel en application de l'article L. 232-18 et leur conservation par celui-ci s'effectuent dans des conditions de température adaptées, spécifiées par l'agence. Ils doivent assurer l'intégrité des échantillons, la sécurité des personnels et la confidentialité des procédures ". Par une décision n° DC-2022-07 du 16 novembre 2022, l'AFLD s'est dotée, comme le prévoient les dispositions précitées, d'un référentiel de bonnes pratiques pour le prélèvement et le transport des échantillons, incluant la définition des conditions de température pour l'acheminement et la conservation de ces derniers, dont une conservation des échantillons de sang au frais.

9. Il résulte de l'instruction que si des variations de température ont pu être observées, celles-ci sont restées mesurées et le laboratoire chargé de l'analyse n'a constaté aucune anomalie ni dégradation des échantillons de sang transmis. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des conditions de conservation et de transport des échantillons dans des conditions affectant la fiabilité des analyses effectuées ne peut qu'être écarté.

Sur la régularité des analyses et l'existence d'un manquement :

10. M. B... ne saurait sérieusement soutenir que la raison de la présence dans son sang d'hormone de croissance exogène, dite " recombinante ", qui ne peut être administrée que par injection, serait le résultat de la prise de compléments alimentaires ou d'exercices musculaires intenses et d'un épisode inflammatoire, lesquels ne sont susceptibles que d'augmenter la sécrétion d'hormone de croissance endogène. Par suite, le moyen tiré de l'absence de fiabilité des résultats des analyses pratiquées et donc de caractérisation du manquement ne peut qu'être écarté.

Sur la sanction :

11. Aux termes du I de l'article L. 232-9 du code du sport : " Est interdite la présence, dans l'échantillon d'un sportif, des substances figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article, de leurs métabolites ou de leurs marqueurs. Il incombe à chaque sportif de s'assurer qu'aucune substance interdite ne pénètre dans son organisme. / La violation de l'interdiction mentionnée à l'alinéa précédent est établie par la présence, dans un échantillon fourni par le sportif, d'une substance interdite, de ses métabolites ou de ses marqueurs, sans qu'il y ait lieu de faire la preuve que l'usage de cette substance a revêtu un caractère intentionnel ou a résulté d'une faute ou d'une négligence du sportif ". Selon le I de l'article L. 232-23 du même code : " La commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage peut prononcer à l'encontre des personnes ayant enfreint les dispositions des articles L. 232 9 (...) : (...) / 2° Une suspension temporaire ou définitive : / a) De participer, à quelque titre que ce soit, à une compétition autorisée ou organisée par une organisation signataire du code mondial antidopage ou l'un de ses membres, par une ligue professionnelle ou une organisation responsable de manifestations internationales ou nationales non signataires, par une fédération sportive, ou donnant lieu à remise de prix en argent ou en nature ; / b) De participer à toute activité, y compris les entraînements, stages ou exhibitions, autorisée ou organisée par une organisation signataire du code mondial antidopage ou l'un de ses membres, par une ligue professionnelle ou une organisation responsable de manifestations internationales ou nationales non signataires, ou par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l'un de leurs membres, à moins que ces activités ne s'inscrivent dans des programmes reconnus d'éducation ou de réhabilitation en lien avec la lutte contre le dopage ; / c) D'exercer les fonctions de personnel d'encadrement ou toute activité administrative au sein d'une fédération sportive, d'une ligue professionnelle, d'une organisation signataire du code mondial antidopage ou de l'un de leurs membres ; / d) Et de prendre part à toute activité sportive impliquant des sportifs de niveau national ou international et financée par une personne publique. / (...) ". En vertu du I de l'article L. 232-23-3-3 du même code : " (...) la durée des mesures de suspension mentionnées au 2° du I de l'article L. 232-23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 (...) : (...) 1° Est de quatre ans lorsque ce manquement implique une substance ou méthode non spécifiée. Cette durée est ramenée à deux ans lorsque le sportif démontre qu'il n'a pas eu l'intention de commettre ce manquement. / (...) ". Aux termes du dernier alinéa du II de l'article L. 232-23-3-10 de ce code : " La durée des mesures de suspension prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-9 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité. "

12. Il résulte de l'instruction que l'analyse effectuée à la suite du contrôle auquel le requérant a été soumis le 25 juillet 2023, confirmée par l'analyse de contrôle réalisée à sa demande, a révélé la présence dans son sang d'hormone de croissance, d'origine exogène. Si l'intéressé fait valoir le caractère irréprochable jusqu'ici de sa pratique sportive, l'absence de contrôle positif antérieur et les conséquences sur sa carrière, dont l'impossibilité de rejouer à un niveau professionnel, la durée de quatre ans des interdictions prononcées par la commission des sanctions de l'AFLD n'apparaît pas disproportionnée eu égard à la nature des substances détectées et à la gravité du manquement constaté ainsi qu'à l'expérience du requérant qui exerce son sport à titre professionnel.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'AFLD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros à verser à l'Agence au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à l'Agence française de lutte contre le dopage la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'Agence française de lutte contre le dopage.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 496397
Date de la décision : 27/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2025, n° 496397
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Eche
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX ; CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:496397.20250327
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