Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 12 décembre 2022 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n° 23002516 du 13 juillet 2023, la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision de l'OFPRA et lui a renvoyé l'examen de la demande de M. A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 13 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour nationale du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 29 avril 2021 relatif aux caractéristiques et exigences techniques du procédé électronique mentionné à l'article R. 531-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Bratos, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'OFPRA ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté, le 12 décembre 2022, la demande de M. A..., ressortissant sri-lankais, tendant à ce que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou, à défaut, lui soit accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. L'OFPRA se pourvoit en cassation contre la décision du 13 juillet 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision de l'Office au motif qu'elle n'avait pas été précédée d'un entretien personnel avec l'intéressé et lui a renvoyé l'examen de la demande de M. A....
2. D'une part, l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'Office convoque le demandeur à un entretien personnel par tout moyen garantissant la confidentialité et la réception personnelle de cette convocation. Il peut s'en dispenser s'il apparait que : 1° L'Office s'apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ; 2° Des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l'intéressé interdisent de procéder à l'entretien ". Aux termes de l'article L. 532-2 du même code : " Saisie d'un recours contre une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la Cour nationale du droit d'asile statue, en qualité de juge de plein contentieux, sur le droit du requérant à une protection au titre de l'asile au vu des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle se prononce ". Aux termes de l'article L. 532-3 : " La Cour nationale du droit d'asile ne peut annuler une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et lui renvoyer l'examen de la demande d'asile que lorsqu'elle juge que l'office a pris cette décision sans procéder à un examen individuel de la demande ou en se dispensant, en dehors des cas prévus par la loi, d'un entretien personnel avec le demandeur et qu'elle n'est pas en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle (...) ".
3. D'autre part, l'article R. 531-17 du même code dispose que la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant sur une demande d'asile " est notifiée à l'intéressé par un procédé électronique dont les caractéristiques techniques garantissent une identification fiable de l'expéditeur et du destinataire ainsi que l'intégrité et la confidentialité des données transmises. (...) / La décision est réputée notifiée à l'intéressé à la date de sa première consultation. Cette date est consignée dans un accusé de réception adressé au directeur général de l'office ainsi qu'à l'autorité administrative par ce même procédé. A défaut de consultation de la décision par l'intéressé, la décision est réputée avoir été notifiée à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de sa mise à disposition. / Le demandeur est informé lors de l'enregistrement de sa demande que la décision du directeur général de l'office lui sera notifiée au moyen du procédé électronique prévu au deuxième alinéa. Il est également informé : 1° Des caractéristiques essentielles de ce procédé électronique ; 2° Des modalités de mise à disposition et de consultation de la décision notifiée ; 3° Des modalités selon lesquelles il s'identifie pour prendre connaissance de la décision ; 4° Du délai au terme duquel, faute de consultation de la décision, celle-ci est réputée lui avoir été notifiée. / Toutefois, la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception lorsque le demandeur établit qu'il n'est pas en mesure d'accéder au procédé électronique (...). L'office peut également ne pas recourir à ce procédé notamment pour des motifs liés à la situation personnelle du demandeur ou à sa vulnérabilité ". Aux termes de l'article R. 531-11 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides convoque le demandeur d'asile à un entretien personnel en application de l'article L. 531-12 dans les conditions prévues à l'article R.531-17 ". Il résulte des dispositions combinées des articles R. 531-17 et R. 531-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le procédé électronique mis en place pour la notification aux demandeurs de la décision de l'OFPRA statuant sur leur demande d'asile s'applique également à la notification de leur convocation à l'entretien prévue par les dispositions de l'article L. 531-12 du même code.
4. L'article 1er de l'arrêté du 29 avril 2021 relatif aux caractéristiques techniques du procédé électronique mentionné à l'article R. 531-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Il est créé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides un procédé électronique dénommé espace personnel numérique sécurisé utilisant le réseau internet ". Aux termes de son article 2 : " Chaque demandeur d'asile (...) se voit remettre en main propre une clé de connexion confidentielle permettant la première connexion au portail usager de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (...) ". Aux termes de son article 3 : " L'activation de l'espace personnel numérique sécurisé est effectuée au moyen du formulaire prévu à cette effet lors de la première connexion (...) ". Son article 4 prévoit que : " (...) L'usager est invité à se connecter à son espace personnel numérique sécurisé de manière régulière et au moins une fois tous les quinze jours à compter de son activation ". Enfin, son article 6 prévoit que : " La date et l'heure de mise à disposition d'un document par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans l'espace personnel numérique sécurisé de l'usager sont garanties par un procédé d'horodatage électronique qualifié et établies par la délivrance d'un "accusé de mise à disposition". L'usager est avisé de la mise à disposition d'un document par une information appropriée sur son espace personnel numérique sécurisé. Un message d'information relatif à cette mise à disposition est en outre envoyé à l'adresse électronique et/ou au numéro de téléphone mobile que, le cas échéant, il a communiqué lors de l'introduction de sa demande d'asile ou sur son espace personnel numérique sécurisé. La date et l'heure de la première consultation d'un document par son destinataire, ou de l'absence de première consultation dans un délai de quinze jours à compter de la mise à disposition, sont établies par la délivrance d'un "accusé de réception" ".
5. Il résulte des dispositions citées au point 3 qu'il incombe à l'OFPRA de ne pas recourir au procédé électronique pour communiquer avec le demandeur d'asile lorsque celui-ci établit, lors de l'enregistrement de sa demande, qu'il n'est pas en mesure d'y accéder et que l'OFPRA peut en outre, de son propre chef, renoncer à y recourir pour des motifs liés à la situation personnelle ou à la vulnérabilité du demandeur. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'intéressé, alors même qu'il n'a pas demandé initialement que l'OFPRA n'utilise pas le procédé électronique pour communiquer avec lui, formule une telle demande dans le cas exceptionnel où il viendrait à être placé durant plus de quinze jours dans l'impossibilité d'accéder à ce procédé. En revanche, l'étranger qui n'établit ni être dans un des cas où l'OFPRA aurait dû ne pas recourir, initialement, au procédé électronique pour communiquer avec lui, ni avoir été placé durant plus de quinze jours dans l'impossibilité d'y accéder et d'en informer l'OFPRA, ne saurait invoquer utilement, à l'appui de son recours formé ultérieurement contre le refus opposé par l'OFPRA à sa demande d'asile, la circonstance qu'il n'aurait pas pu prendre connaissance en temps utile des éléments portés à sa connaissance sur son espace électronique, et en particulier de sa convocation à l'entretien personnel.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que M. A... s'est vu remettre, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, le 11 août 2022, une clé de connexion confidentielle lui permettant de se connecter au " portail usager " de l'OFPRA et qu'il a activé son espace personnel numérique sécurisé le 24 août 2022 en inscrivant son numéro de téléphone portable et son adresse électronique. L'OFPRA a mis à sa disposition, le 13 octobre 2022, dans cet espace personnel numérique sécurisé, la convocation, pour le 29 novembre suivant, à l'entretien personnel prévu par l'article L. 531-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à laquelle a été associée une alerte par SMS. En l'absence d'accusé de réception de cette convocation par M. A... dans le délai imparti de quinze jours à compter de sa mise à disposition, et alors que ce document était réputé avoir été notifié, une nouvelle alerte lui a été adressée par SMS le 25 novembre 2022.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant fondé le moyen tiré de ce que l'absence d'entretien de l'intéressé devant l'OFPRA n'était pas imputable à l'intéressé et constituait un vice affectant le déroulement de la procédure, aux motifs que M. A... n'avait pu accéder au procédé électronique en raison de son analphabétisme, de son incapacité alléguée à utiliser un service numérique et de ce qu'il n'aurait pas été utilement informé des modalités d'accès au procédé électronique, alors que l'intéressé n'avait fait état d'aucune de ces circonstances ni lors de la création de son espace numérique personnel, ni au cours de la procédure d'examen de sa demande, la Cour nationale du droit d'asile a commis une erreur de droit.
8. Au surplus, en relevant que M. A... n'avait activé son espace personnel numérique qu'après l'intervention de la décision de l'OFPRA et que l'information relative à la convocation à son entretien personnel n'avait pas été portée utilement à sa connaissance, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que l'intéressé avait activé son espace personnel numérisé, ainsi qu'il a été dit au point 6, dès le 24 août 2022, que la convocation lui a été adressée sur cet espace et qu'il a également reçu une alerte par SMS à deux reprises aux coordonnées téléphoniques qu'il avait indiquées, la Cour a dénaturé les pièces du dossier.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le dernier moyen de son pourvoi, que l'OFPRA est fondé à demander l'annulation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Le décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 juillet 2023 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... A....