La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2025 | FRANCE | N°488366

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 21 mars 2025, 488366


Vu la procédure suivante :



Par un déféré, le préfet de la Seine-Saint-Denis a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le maire de Bobigny a titularisé M. A... B... dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux. Par un jugement n° 2012818 du 15 avril 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 22PA02330 du 18 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de la Seine-Saint-Denis, annulé ce jugement et l'arrêté du maire de B

obigny du 12 mars 2020.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complément...

Vu la procédure suivante :

Par un déféré, le préfet de la Seine-Saint-Denis a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 par lequel le maire de Bobigny a titularisé M. A... B... dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux. Par un jugement n° 2012818 du 15 avril 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22PA02330 du 18 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel du préfet de la Seine-Saint-Denis, annulé ce jugement et l'arrêté du maire de Bobigny du 12 mars 2020.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 ;

- le décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui était agent contractuel à temps complet de la commune de Bobigny depuis juin 2014, a été reconnu travailleur handicapé et a été recruté par cette commune en qualité d'attaché territorial par contrat du 18 mars 2019, conclu sur le fondement de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984, et titularisé, à l'expiration de ce contrat à durée déterminée d'un an, par un arrêté du 12 mars 2020. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a déféré cet arrêté au tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 15 avril 2022, a rejeté ce déféré. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 juillet 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel du préfet de la Seine-Saint-Denis, annulé ce jugement et l'arrêté du 12 mars 2020.

2. D'une part, aux termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui est applicable aux agents contractuels en vertu de l'article 32 de la même loi : " I. - Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. / Il est interdit au fonctionnaire : / 1° De créer ou de reprendre une entreprise lorsque celle-ci donne lieu à immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers (...), s'il occupe un emploi à temps complet et qu'il exerce ses fonctions à temps plein ; / 2° De participer aux organes de direction de sociétés ou d'associations à but lucratif (...) II.- Il est dérogé à l'interdiction d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative : / 1° Lorsque le dirigeant d'une société ou d'une association à but lucratif, lauréat d'un concours ou recruté en qualité d'agent contractuel de droit public, continue à exercer son activité privée pendant une durée d'un an, renouvelable une fois, à compter de son recrutement (...). La dérogation fait l'objet d'une déclaration à l'autorité hiérarchique dont l'intéressé relève pour l'exercice de ses fonctions (...) ". Il résulte de ces dispositions, qui sont destinées à éviter tout risque de conflits d'intérêts et à garantir la disponibilité du fonctionnaire pour les tâches qui lui sont confiées par l'administration, que l'exercice d'une activité à titre accessoire par un fonctionnaire constitue une dérogation au principe général selon lequel il consacre à ces tâches l'intégralité de son activité professionnelle.

3. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige, " les personnes mentionnées aux 1° (...) de l'article L. 5212-13 du code du travail ", soit les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, " peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du cadre d'emplois dans lequel elles ont vocation à être titularisées (...). A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de l'alinéa précédent, notamment (...) les modalités d'appréciation, avant la titularisation, de l'aptitude à exercer les fonctions (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 10 décembre 1996 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique, pris pour l'application de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 : " A l'issue du contrat, l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent par l'autorité territoriale est effectuée au vu du dossier de l'intéressé et après un entretien de celui-ci (...) / I. - Si l'agent est déclaré apte à exercer les fonctions, l'autorité territoriale procède à sa titularisation (...) ".

4. En premier lieu, la décision de ne pas titulariser, à l'issue de son contrat, un agent public, y compris lorsqu'il est recruté au titre de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984, est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir. Dans cette appréciation, l'autorité compétente doit prendre en compte, outre les capacités professionnelles de l'agent, le respect par celui-ci des obligations qui s'imposent aux agents publics, telles que l'obligation de consacrer l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées et l'obligation de faire cesser immédiatement ou prévenir les situations de conflit d'intérêts dans lesquelles il se trouve. Par suite, en jugeant que la méconnaissance par M. B... de l'obligation de non cumul d'activité posée par les dispositions de l'article 25 septies de la loi du 13 janvier 1983 devait être prise en compte pour apprécier l'aptitude de l'intéressé à exercer les fonctions d'attaché territorial, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui était agent contractuel à temps complet exerçant ses fonctions à temps plein, a créé, sous la forme d'une société par actions simplifiée dont il est le président, une entreprise de transports de marchandises, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 13 juin 2019, soit trois mois après qu'il a bénéficié du contrat pouvant conduire à sa titularisation. C'est donc par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation que la cour administrative d'appel a relevé que, pendant la période préalable à sa titularisation, et encore à la date de celle-ci, le 12 mars 2020, M. B... exerçait les fonctions de dirigeant de cette société. C'est également sans dénaturation que la cour administrative d'appel a relevé qu'il n'avait jamais déclaré cette activité. Dès lors, c'est sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique que la cour administrative d'appel a jugé que M. B... se trouvait, pendant la période précédant sa titularisation et jusqu'à celle-ci, le 12 mars 2020, en situation de cumul d'activité non autorisé.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la commune de Bobigny.

Délibéré à l'issue de la séance du 5 mars 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, conseillers d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 21 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Géraud Sajust de Bergues

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488366
Date de la décision : 21/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-03-01 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. - ENTRÉE EN SERVICE. - NOMINATIONS. - TITULARISATION. - PRISE EN COMPTE DU RESPECT, PAR L’INTÉRESSÉ, DES OBLIGATIONS QUI S’IMPOSENT AUX AGENTS PUBLICS – RESPECT DES OBLIGATIONS PRÉVUES AUX ARTICLES L. 121-3 ET L. 121-4 DU CGFP LORS DE LA TITULARISATION D’UN AGENT CONTRACTUEL HANDICAPÉ RECRUTÉ AU TITRE DE L’ARTICLE 38 DE LA LOI DU 26 JANVIER 1984 – EXISTENCE.

36-03-03-01 La décision de ne pas titulariser, à l’issue de son contrat, un agent public, y compris lorsqu’il est recruté au titre de l’article 38 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, est fondée sur l’appréciation portée par l’autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir. Dans cette appréciation, l’autorité compétente doit prendre en compte, outre les capacités professionnelles de l’agent, le respect par celui-ci des obligations qui s’imposent aux agents publics, telles que l’obligation de consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées et l’obligation de faire cesser immédiatement ou prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2025, n° 488366
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SARL THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:488366.20250321
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award