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13/03/2025 | FRANCE | N°488080

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 13 mars 2025, 488080


Vu la procédure suivante :



La société Rubis a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution exceptionnelle sur cet impôt et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1906995 du 25 février 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 21PA02267 du 7 juillet 2023, la cour administrative

d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Rubis contre ce jugement.



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Vu la procédure suivante :

La société Rubis a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution exceptionnelle sur cet impôt et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1906995 du 25 février 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA02267 du 7 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Rubis contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre et 7 décembre 2023 et le 10 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Rubis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'île Maurice tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signé à Port-Louis le 23 juin 2011 ;

- la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Rubis ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Rubis Energie, membre d'un groupe fiscalement intégré dont la tête est la société Rubis, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que son bénéfice devait, pour ces exercices, être rehaussé des revenus de capitaux mobiliers qu'elle était, en application de l'article 209 B du code général des impôts, réputée avoir reçu de sa filiale mauricienne, la société Eccleston Co. Par un jugement du 25 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Rubis, en sa qualité de société mère du groupe fiscalement intégré, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution exceptionnelle sur cet impôt et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, en conséquence de cette rectification. La société Rubis se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 209 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1. Lorsqu'une personne morale établie en France et passible de l'impôt sur les sociétés exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique : personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, établie ou constituée hors de France et que cette entreprise ou entité juridique est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A, les bénéfices ou revenus positifs de cette entreprise ou entité juridique sont imposables à l'impôt sur les sociétés. Lorsqu'ils sont réalisés par une entité juridique, ils sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers imposable de la personne morale établie en France dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement. / (...) II. - Les dispositions du I ne sont pas applicables : / - si l'entreprise ou l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat de la Communauté européenne et / - si l'exploitation de l'entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l'entité juridique par la personne morale passible de l'impôt sur les sociétés ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française. / III.- En dehors des cas mentionnés au II, le I ne s'applique pas lorsque la personne morale établie en France démontre que les opérations de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de bénéfices dans un Etat ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié./ Cette condition est réputée remplie notamment lorsque l'entreprise ou l'entité juridique établie ou constituée hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective exercée sur le territoire de l'Etat de son établissement ou de son siège ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 238 A du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ".

3. La cour administrative d'appel de Paris a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que la filiale mauricienne de la société Rubis, la société Eccleston Co, dont il n'est pas contesté qu'elle était soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts, n'exerçait aucune activité industrielle ou commerciale effective à l'Île Maurice, que l'allégation selon laquelle elle exerçait une activité d'animation de ses filiales n'était pas établie, qu'il était constant qu'aucun collaborateur de cette société ne demeurait ni n'exerçait à l'Île Maurice, que les produits de cession de titres de filiales représentaient 80 % et 85,7 % de ses recettes au titre des exercices clos, respectivement, en 2011 et 2012 et que ces produits avaient été exonérés à l'Île Maurice. En jugeant, d'une part, sur la base de ces constatations, que la société mauricienne avait comme activité principale la réalisation de plus-values de cession de titres de sociétés, exonérées du fait de sa localisation à l'Île Maurice, et, d'autre part, que la société Rubis n'établissait pas que la localisation dans cet Etat de cette filiale de la société Rubis Energie avait un objet et un effet autres que principalement fiscal, la cour a également porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine non entachée de dénaturation. En en déduisant que la société mauricienne ne relevait pas, au titre des exercices vérifiés, de la clause de sauvegarde prévue au III de l'article 209 B du code général des impôts citées au point 2, la cour administrative d'appel de Paris, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ni donné aux faits qui lui étaient soumis une inexacte qualification juridique. Est dépourvue d'incidence à cet égard la circonstance que la cour ait relevé, de manière erronée, que les contrats produits par la société Rubis étaient rédigés en langue étrangère et que 15 à 20 % des autres recettes de la société mauricienne provenaient de dividendes versés par ses filiales alors qu'elles incluaient également des prestations de services réalisées auprès de ces dernières.

Sur l'application de la convention fiscale bilatérale :

4. Aux termes du 2 de l'article 3 de la convention fiscale franco-mauricienne, toute expression qui n'est pas définie dans la convention a, pour son application par l'un des deux Etats contractants, " le sens que lui attribue le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s'applique la Convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente ". Aux termes du 1 de l'article 7 de cette même convention : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat ne sont imposables que dans cet Etat (...) ". Aux termes du 6 de l'article 10 de cette convention : " Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus d'autres parts sociales soumis au même régime fiscal que les revenus d'actions par la législation de l'Etat dont la société distributrice est un résident ". Aux termes du 1 de l'article 22 de la même convention : " Les éléments du revenu d'un résident d'un Etat, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention, ne sont imposables que dans cet Etat ".

5. Il résulte des termes mêmes des dispositions du 1 du I de l'article 209 B du code général des impôts citées au point 2, issues de l'article 104 de la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, qu'elles ont pour objet de permettre l'imposition en France, à l'impôt sur les sociétés, dans les conditions qu'elles prévoient, des bénéfices réalisés par une entité juridique étrangère soumise à un régime fiscal privilégié, réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de la personne morale résidente de France, à proportion des droits qu'elle détient dans cette entité. Dès lors qu'aucune stipulation de la convention fiscale franco-mauricienne, notamment ni l'article 7 de cette convention relatif aux bénéfices des entreprises, ni son article 10 relatif aux produits distribués en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale des actionnaires, n'est relative aux revenus de capitaux mobiliers de la nature de ceux visés par l'article 209 B du code général des impôts, de tels revenus relèvent des stipulations du 1 de l'article 22 de cette convention et, à ce titre, ne sont imposables que dans l'Etat de résidence du bénéficiaire.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en se fondant, pour écarter le moyen tiré de ce que les impositions en litige avaient été établies en méconnaissance des stipulations de la convention fiscale franco-mauricienne selon lesquelles les bénéfices réalisés par la société Eccleston Co n'étaient imposables qu'à l'Ile Maurice, sur ce que les revenus en litige, imposables en France sur le fondement de l'article 209 B du code général des impôts comme revenus mobiliers de la société Rubis Energie, relevaient des stipulations du 1 de l'article 22 de la convention fiscale de sorte que leur imposition était attribuée à la France, la cour, qui n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis, n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Rubis doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Rubis est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Rubis et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Vincent Daumas,

Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 13 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Planchette

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488080
Date de la décision : 13/03/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2025, n° 488080
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: M. Bastien Lignereux
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:488080.20250313
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