Vu la procédure suivante :
La société TDA a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2014 à 2016. Par un jugement n° 1902352 du 8 juillet 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 22NT02932 du 9 février 2023, la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du b du I de l'article 219 du code général des impôts.
Par un arrêt n° 22NT02932 du 9 juin 2023, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société TDA contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 13 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société TDA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 ;
- la loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Gury et Maître, avocat de la société TDA ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société ITEC, qui est la tête d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, est également à la tête d'un groupe de sociétés n'ayant pas opté pour l'intégration fiscale comprenant notamment la société TDA dont elle détient l'intégralité du capital. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice du taux réduit d'impôt sur les sociétés dont s'était prévalue la société TDA au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 au motif que, pour apprécier le respect par la société ITEC de la condition, prévue par le b du I de l'article 219 du code général des impôts, tenant au chiffre d'affaires de la société détenant celle éligible au taux réduit, il convenait de prendre en compte l'ensemble du chiffre d'affaire du groupe fiscalement intégré, quand bien même la société TDA n'était pas membre de ce groupe. La société TDA demande l'annulation de l'arrêt du 9 juin 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 8 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de cette rectification.
2. Aux termes de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux exercices en litige : " I. (...) / Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. / Toutefois : (...) / b. Par exception au deuxième alinéa du présent I (...), pour les redevables ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 7 630 000 € au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené s'il y a lieu à douze mois, le taux de l'impôt applicable au bénéfice imposable est fixé, dans la limite de 38 120 € de bénéfice imposable par période de douze mois (...) à 15 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2002. / Pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, le chiffre d'affaires est apprécié en faisant la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés mentionnées au premier alinéa du présent b doit être entièrement libéré et détenu de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 7 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 dont elles sont issues, que le législateur a entendu réserver le bénéfice du taux réduit d'impôt sur les sociétés à celles qui satisfont à la définition des petites et moyennes entreprises pour l'application de la réglementation européenne sur les aides d'Etat. A cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de l'arrêt du 29 avril 2004 République italienne c/ Commission (aff. 91/01), que l'objectif poursuivi par l'encadrement des aides d'Etat aux petites et moyennes entreprises est de réserver les mesures de faveur aux entreprises dont la taille constitue un handicap, à l'exclusion de celles qui appartiennent à un groupe économique et qui ont donc accès aux moyens et aux soutiens dont ne disposent pas leurs concurrentes de taille équivalente.
4. Dès lors, pour apprécier le respect de la condition de chiffre d'affaires de la société qui détient le capital de celle éligible au taux réduit prévu au b du I de l'article 219 du code général des impôts, il y a lieu, le cas échéant, de tenir compte de ses participations dans les conditions prévues pour l'application de la réglementation européenne sur les aides d'Etat, sans qu'ait d'incidence à cet égard l'appartenance ou non à un groupe fiscalement intégré.
Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :
5. La société requérante soutenait devant la cour que les dispositions du b du I de l'article 219 du code général des impôts méconnaissaient les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, du fait de la différence de traitement qui en découlerait, pour le bénéfice du taux réduit d'impôt sur les sociétés, entre les sociétés selon que leur société mère est la tête d'un groupe fiscalement intégré ou qu'elle se trouve à la tête d'un groupe de sociétés n'ayant pas opté pour le régime de l'intégration fiscale dès lors que, pour l'appréciation du respect de la condition de chiffre d'affaires de la société mère, il n'y aurait lieu de prendre en compte le chiffre d'affaires de l'ensemble du groupe que dans le seul premier cas.
6. Il résulte cependant de ce qui a été dit au point 4 que pour les sociétés mères qui constituent la tête d'un groupe fiscalement intégré comme pour les sociétés mère placées à la tête d'un groupe de sociétés n'ayant pas opté pour le régime de l'intégration fiscale, le respect du seuil de chiffre d'affaires de la société détenant la société éligible, prévu au b du I de l'article 219 du code général des impôts, est apprécié en tenant compte du chiffre d'affaires de l'ensemble du groupe. Ce motif, qui n'appelle l'appréciation par le juge de cassation d'aucune circonstance de fait, justifie le refus de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité et doit être substitué à celui retenu par la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Nantes. Dès lors, la société TDA n'est pas fondée à demander l'annulation du refus de transmission opposé par la cour.
Sur le pourvoi :
7. Il ressort des énonciations, non arguées de dénaturation, de l'arrêt attaqué que le chiffre d'affaires de la société ITEC, société mère de la société requérante, apprécié en tenant compte des chiffres d'affaires des sociétés membres du groupe fiscalement intégré dont elle constituait la tête, était d'ores et déjà supérieur, pour chacun des exercices en litige, au seuil de 7 630 000 euros prévu au b du I de l'article 219 du code général des impôts. Par suite, en jugeant que la société requérante ne pouvait pas bénéficier du taux réduit d'impôt sur les sociétés, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société TDA n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société TDA est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société TDA et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 février 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,
Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Vincent Daumas,
Mme Rozen Noguellou, M. Nicolas Polge, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 13 mars 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Planchette
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :