Vu la procédure suivante :
Par une requête, un mémoire en réplique et quatre nouveaux mémoires, enregistrés le 29 septembre 2023, les 26 avril, 27 juin, 30 octobre et 8 novembre 2024 et le 29 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice, Mme B... C... et Mme A... D... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites par lesquelles la Première ministre et le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont rejeté leur demande d'édicter toutes les mesures propres à garantir la sécurité des personnes lors du déroulement d'actions de chasse ou de destruction d'animaux d'espèces non domestiques ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au Premier ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de prendre toutes mesures utiles au respect des mêmes obligations, en particulier de :
- conditionner la pratique de la chasse sur toute parcelle à l'autorisation expresse du propriétaire ou du détenteur du droit de chasse et ce, pour chacune des parcelles concernées par l'autorisation, acceptation matérialisée dans un formulaire officiel adressé par eux au préfet du lieu d'implantation des parcelles ;
- créer une cartographie répertoriant toutes les parcelles ayant fait l'objet de cette autorisation expresse, et accessible librement sur le site internet des préfectures ;
- interdire la chasse dans un périmètre de 200 mètres autour des habitations, de tout bâtiment public ou privé, des voies ferrées, des caravanes, des abris de jardins, des stades, des réunions et manifestations publiques ;
- interdire les tirs en direction des voie publiques ou privées ouvertes à la circulation, des voies ferrées, des chemins de randonnée, des habitations et de tout bâtiment public ou privé, ainsi que des installations sportives ;
- fixer les points de contrôle devant faire l'objet d'une appréciation individuelle pour la délivrance du certificat médical accompagnant la demande de permis de chasser en prévoyant des seuils éliminatoires pour la vision et l'audition ;
- conditionner la délivrance du permis de chasser à l'obtention de l'attestation de formation aux gestes de premiers secours PSC1 ;
- conditionner la validation annuelle du permis de chasse à l'obtention chaque année d'une attestation de formation aux gestes de premiers secours PSC1 ;
- confier la délivrance du certificat médical nécessaire au permis de chasser aux seuls experts inscrits sur la liste près des cours d'appel ;
- conditionner la validation annuelle du permis de chasse à l'obtention d'un certificat médical de moins d'un mois répondant aux mêmes exigences que celui prévu pour la délivrance initiale du permis de chasser ;
- renforcer l'examen du permis de chasse ;
- conditionner la validation annuelle du permis de chasse à l'obtention d'un examen annuel portant sur les règles de sécurité ;
- conditionner la délivrance d'une autorisation de chasser à l'obtention d'un certificat médical répondant aux mêmes exigences que celui prévu pour la délivrance initiale du permis de chasser ;
- conditionner la délivrance d'une autorisation de chasser à l'obtention d'un examen validant la formation pratique à la chasse accompagnée ;
- interdire l'emploi dans le cadre de la chasse de certaines armes et certaines munitions présentant une dangerosité particulière, au regard notamment de leur puissance, de leur portée, de leur manipulation, de leurs modalités de recharge ;
- rendre obligatoire le montage et le contrôle d'instruments de visée par un professionnel pour être ajusté à la vision du chasseur lors de l'acquisition et à chaque renouvellement annuel du permis de chasser ;
- rendre obligatoire l'attribution à chaque lunette de visée d'un numéro unique associé au permis de chasser et interdire le prêt de lunette de visée ;
- interdire la chasse sous l'emprise de l'alcool et de stupéfiants quel que soit le taux ;
- instaurer un certificat annuel de capacité pour les organisateurs de chasses collectives, délivré après formation aux règles de sécurité, sanctionné par un examen, et ouvert aux chasseurs justifiant d'au moins cinq années consécutives de détention du permis de chasse et n'ayant jamais été privés du droit d'obtenir ou de détenir un permis de chasse ;
- rendre obligatoire la souscription d'une assurance responsabilité civile " organisateur de chasse " pour les organisateurs de chasses collectives ;
- interdire aux personnes inscrites au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (Finiada) d'obtenir une autorisation de chasser leur permettant de pratiquer la chasse accompagnée, en exigeant que les accompagnateurs aient un permis de chasser valable pour l'année en cours ;
- rendre obligatoire l'information des préfectures en cas de saisie ou de remise d'armes par les officiers de police judiciaire dans le cadre d'une procédure judiciaire, notamment en cas d'enquête portant sur des infractions de violences ;
- rendre obligatoire l'utilisation d'un témoin de chambre vide pour garantir la neutralisation de l'arme et la rendre visible de tous ;
- créer une plateforme en ligne de recueil des incidents et conflits d'usage liés à la chasse placée sous la responsabilité de l'Office français de la biodiversité (OFB), accessible au public, permettant de déposer des déclarations à cet égard et librement consultable ;
- confier à l'OFB l'édition d'un rapport annuel sur ces incidents et conflits d'usage, mentionnant notamment les circonstances, les armes et munitions impliquées, l'existence d'une autorisation expresse de chasser sur les parcelles en cause, les types de chasse concernés, le respect par les chasseurs impliqués des règles de formation, de sécurité et de capacité, et publié au plus tard le 31 janvier de l'année suivante sur le site de l'OFB dans une rubrique dédiée ;
- interdire la chasse et les battues le week-end, les jours fériés et pendant les vacances scolaires, sur tout le territoire français.
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de prendre une nouvelle décision sur leur demande, après nouvelle instruction, dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de la Fédération nationale des chasseurs ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 février 2025, présentée par l'association One Voice et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association One Voice, Mme C... et Mme D... ont demandé au Premier ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de prendre toutes mesures utiles permettant de garantir la sécurité des personnes lors du déroulement d'actions de chasse ou de destruction d'animaux d'espèces non domestiques. Elles demandent au Conseil d'Etat d'annuler le rejet implicite de leur demande et de prononcer les injonctions qu'impliquerait cette annulation.
Sur l'intervention de la Fédération nationale des chasseurs :
2. Eu égard à son objet statutaire et à la nature du litige, la Fédération nationale des chasseurs justifie d'un intérêt suffisant au maintien de la décision attaquée. Son intervention en défense est, par suite, recevable.
Sur les conclusions de la requête :
3. Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête tendant à l'annulation du refus opposé par l'administration à une demande tendant à ce qu'elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale lui incombant, il lui appartient, dans les limites de sa compétence, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité et, si tel est le cas, d'enjoindre à l'administration de prendre la ou les mesures nécessaires. Cependant, et en toute hypothèse, il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire.
4. Les requérantes ont demandé au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles pour garantir la sécurité des personnes lors du déroulement d'actions de chasse, et notamment vingt-cinq mesures dont une part est issue des conclusions du rapport d'information du Sénat, intitulé " La sécurité : un devoir pour les chasseurs, une attente de la société ", publié le 14 septembre 2022.
5. En l'absence d'obligation précisément déterminée par le législateur, la demande des requérantes tend en réalité à la détermination d'une politique publique en matière de sécurité de la chasse. Ainsi qu'il a été dit, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux de se substituer aux pouvoirs publics pour y procéder.
6. Par suite, la requête ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'intervention de la Fédération nationale des chasseurs est admise.
Article 2 : La requête de l'association One Voice et autres est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association One Voice, première dénommée pour l'ensemble des requérantes, à la Fédération nationale des chasseurs, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 février 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat ; M. David Gaudillère, maître des requêtes et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 12 mars 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain