Vu la procédure suivante :
Par une demande, enregistrée le 9 août 2022 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'enjoindre à l'Etat de prendre, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, les mesures qu'implique l'exécution de la décision n° 439869 du 29 décembre 2021 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation du décret du 2 décembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Chablis ", en tant que le 3° du IV du chapitre Ier du cahier des charges qu'il homologue délimite une aire de proximité immédiate ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet François Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-5 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'une décision rendue par une juridiction administrative, le Conseil d'Etat peut, même d'office, prononcer une astreinte contre les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public pour assurer l'exécution de cette décision ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 931-2 du même code : " Les parties intéressées peuvent demander au Conseil d'Etat de prescrire les mesures nécessaires à l'exécution d'une de ses décisions (...), en assortissant le cas échéant ces prescriptions d''une astreinte ".
2. Par une décision du 29 décembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, après avoir estimé que le choix de l'aire de proximité immédiate délimitée par le cahier des charges que le décret du 2 décembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Chablis " homologue n'était pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les facteurs naturels et humains propres à cette AOC, a jugé que ce décret était entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit en tant qu'il prévoyait cette aire de proximité immédiate et a en conséquence annulé pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur la demande présentée par M. A... tendant à l'abrogation de ce décret en tant que le 3° du IV du chapitre Ier du cahier des charges qu'il homologue délimite une aire de proximité immédiate. M. A... a saisi le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 911-5 du code de justice administrative, d'une demande d'injonction et d'astreinte pour assurer l'exécution de cette décision.
3. Il résulte de l'instruction, d'une part, que si le décret du 2 décembre 2011 relatif à l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Chablis " a été abrogé et si un arrêté ministériel a été adopté le 11 décembre 2023 pour homologuer le cahier des charges de cette même AOC, l'aire de proximité immédiate délimitée au 3° du IV du chapitre Ier du cahier des charges homologué par cet arrêté, dont le ministre chargé de l'agriculture admet au demeurant qu'il n'a pas eu pour objet de tirer les conséquences des motifs de l'annulation mentionnés au point 2, ne présente toutefois que des différences marginales avec l'aire de proximité délimitée par le cahier des charges homologué par le décret du 2 décembre 2011. Dans ces conditions, l'arrêté du 11 décembre 2023 ne saurait être considéré comme assurant l'exécution de la décision du 29 décembre 2021 du Conseil d'Etat.
4. D'autre part, par deux décisions du 30 novembre 2022 et du 28 mars 2023, la commission permanente du comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a décidé la révision de l'aire géographique de l'AOC " Chablis " en définissant, au sein de celle-ci, une zone de production de raisins ainsi qu'une zone d'élaboration du vin et la suppression de l'aire de proximité immédiate et nommé une commission d'experts chargée de proposer des principes de délimitation et d'étudier particulièrement la question des usages de vinification. Cette démarche préalable à une modification du cahier des charges, dont le ministre soutient qu'elle devrait aboutir courant 2025, ne saurait toutefois être regardée comme assurant, à la date de la présente décision, l'exécution de la décision du 29 décembre 2021.
5. Il résulte de tout ce qui précède qu'à la date de la présente décision, l'Etat n'a pas pris les mesures propres à assurer l'exécution de la décision du 29 décembre 2021, de sorte qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer à son encontre, à défaut pour lui de justifier de cette exécution dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle cette décision aura reçu exécution.
6. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Une astreinte de 100 euros par jour de retard est prononcée à l'encontre de l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans le délai de six mois suivant la notification de la présente décision, exécuté la décision du Conseil d'Etat du 29 décembre 2021.
Article 2 : La ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la décision mentionnée à l'article 1er.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au Premier ministre.
Copie en sera adressée à la section des études, de la prospective et de la coopération du Conseil d'Etat et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 février 2025 où siégeaient : M. Philippe Ranquet, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et M. Nicolas Jau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 12 mars 2025.
Le président :
Signé : M. Philippe Ranquet
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Elisabeth Ravanne