Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 septembre 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, a annulé, sur saisine du Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance, la décision du 21 avril 2021 de l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 17 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son employeur à procéder à ce licenciement pour motif disciplinaire. Par un jugement n° 2124498/3-3 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA03961 du 29 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 17 septembre 2021.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 février, 3 mai et 18 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance et à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 21 avril 2021, l'inspectrice du travail de l'unité de contrôle Paris 17 a refusé d'autoriser le groupement d'intérêt économique Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance à licencier pour motif disciplinaire M. B..., salarié protégé. Saisie par un recours hiérarchique formé par le groupement d'intérêt économique, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a, par une décision du 17 septembre 2021, annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement de M. B.... Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision. Le Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de M. B..., annulé le jugement du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Paris et la décision de la ministre du travail du 17 septembre 2021.
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. Lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre chargé du travail doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision. Dans le cas où le ministre, ainsi saisi d'un recours hiérarchique, annule la décision par laquelle un inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, il est tenu de motiver l'annulation de cette décision ainsi que le prévoit l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et en particulier, lorsqu'il estime que le ou les motifs fondant une décision de refus d'autorisation de licenciement sont illégaux, d'indiquer les considérations pour lesquelles il estime que ce motif ou, en cas de pluralité de motifs, chacun des motifs fondant la décision de l'inspecteur du travail, est illégal.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par sa décision du 21 avril 2021, l'inspectrice du travail a refusé d'accorder au Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance l'autorisation de licencier, pour motif disciplinaire, M. B... en raison de ce que certains faits reprochés à l'intéressé étaient prescrits, que le climat de dégradation des conditions de travail n'était pas imputable à l'intéressé, que les faits établis et non prescrits retenus à l'appui du grief tiré de ce que M. B... avait adopté un comportement humiliant, insultant et menaçant à l'encontre de ses collègues ne revêtaient pas en eux-mêmes un caractère insultant ou menaçant et ne constituaient pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement et que les faits allégués à l'appui du grief tiré d'un comportement et de propos diffamants, déloyaux et irrespectueux à l'encontre de la direction ne pouvaient être retenus dès lors que ces agissements se rattachaient à l'exécution normale de son mandat de représentant syndical.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ministre du travail a indiqué dans sa décision du 17 septembre 2021 que les faits reprochés à M. B... n'étaient pas prescrits, qu'il ressortait des nombreux témoignages circonstanciés et autres preuves matérielles que M. B... avait adopté un comportement insultant et menaçant et tenu des propos à caractère raciste et homophobe, ces agissements ayant pour effet une dégradation des conditions de travail, et que, par son comportement irrespectueux envers la direction, il avait méconnu les obligations de loyauté et de sécurité qui découlent de l'exécution de son contrat de travail. La ministre en a conclu que l'ensemble de ces faits revêtaient le caractère d'une faute d'une gravité suffisante justifiant le licenciement de M. B..., a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement.
6. En jugeant, dans ces circonstances, que la ministre du travail avait méconnu l'obligation de motivation qui s'imposait à elle, en vertu des règles mentionnées au point 3, alors que les motifs de sa décision faisaient apparaître tant les raisons pour lesquelles elle avait porté sur les faits reprochés au salarié protégé une appréciation différente de celle de l'inspectrice du travail sur les différents points relevés par celle-ci, la conduisant à annuler la décision de cette dernière, que celles pour lesquelles, en l'absence de changement dans les circonstances de fait et de droit à la date à laquelle elle s'était à son tour prononcée sur la demande d'autorisation de licenciement, elle avait autorisé le Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance à licencier M. B... pour motif disciplinaire, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, le Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que réclame, au titre des mêmes dispositions, le Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 29 décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance et à M. A... B....
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.