Vu la procédure suivante :
Par un mémoire distinct, enregistré le 20 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s (GISTI), le Syndicat des avocats de France (SAF), l'Association pour le droit des étrangers (ADDE), la Fédération des associations de solidarité avec tou.te.s les immigré.e.s (FASTI), l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les personnes étrangères (ANAFE), la Ligue des droits de l'Homme (LDH), l'association Droit ici et là-bas (DIEL) et la coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM) demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2024-813 du 8 juillet 2024 relatif aux cas d'assignation à résidence ou de placement en rétention des demandeurs d'asile prévu par l'article 41 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 523-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61-1 et 66 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du GISTI ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article L. 523-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, résultant de l'article 41 de la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration : " L'autorité administrative peut assigner à résidence ou, si cette mesure est insuffisante et sur la base d'une appréciation au cas par cas, placer en rétention le demandeur d'asile dont le comportement constitue une menace à l'ordre public. / L'étranger en situation irrégulière qui présente une demande d'asile à une autorité administrative autre que celle mentionnée à l'article L. 521-1 peut faire l'objet des mesures prévues au premier alinéa du présent article afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d'asile. Son placement en rétention ne peut être justifié que lorsqu'il présente un risque de fuite ".
3. A l'appui de leur recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 8 juillet 2024 relatif aux cas d'assignation à résidence ou de placement en rétention des demandeurs d'asile prévu par l'article 41 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, les requérants demandent que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 523-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Ces dispositions sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève une question qui présente un caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 523-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, premier requérant dénommé et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 3 mars 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 6 mars 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Jérôme Goldenberg
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard