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05/03/2025 | FRANCE | N°498093

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 05 mars 2025, 498093


Vu la procédure suivante :



Par une ordonnance n° 2304331 du 24 septembre 2024, enregistrée le 24 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l'association Comité aéronautique régional Océan indien.



Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 27 février 2023, l'association demande a

u Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note DSAC/PN...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2304331 du 24 septembre 2024, enregistrée le 24 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l'association Comité aéronautique régional Océan indien.

Par cette requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 27 février 2023, l'association demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la note DSAC/PN 22-129 du directeur des personnels navigants de la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) du 22 décembre 2022 relative à la régularisation de la situation des pilotes titulaires d'une licence de pilote privé restreinte à l'espace aérien de La Réunion ou de Mayotte ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 1178/2011 de la Commission du 3 novembre 2011 ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement du 5 avril 2012 relatif à l'application du règlement (UE) n° 1178/2011 de la Commission du 3 novembre 2011 ;

- la décision du directeur de la sécurité de l'aviation civile du 2 novembre 2021 portant organisation de l'échelon central de la DSAC ;

- la décision du directeur de la sécurité de l'aviation civile du 12 mai 2022 portant délégation de signature ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament, Robillot, avocat du Comité régional aéronautique océan indien, du syndicat aéronautique de Pierrefonds et de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

Sur le cadre juridique national et européen applicable :

1. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés visés ci-dessus : " (...) les pilotes (...) doivent être pourvus d'un brevet d'aptitude dans les conditions qui sont déterminées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et, le cas échéant, du ministre de la défense ". Les articles FCL 1.110 et FCL 1.125 issus de l'arrêté du ministre de la défense et du ministre de l'équipement, des transports et du logement du 29 mars 1999 relatif aux licences et qualifications de membre d'équipage de conduite d'avions (FCL 1) et FCL 2.110 et FCL 2.125 issus de l'arrêté du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer du 12 juillet 2005 relatif aux licences et qualifications de membre d'équipage de conduite d'hélicoptères (FCL 2), pris en application de ces dispositions, ont prévu que tout candidat à une licence de pilote privé, dite PPL(A) pour les avions et PPL(H) pour les hélicoptères, devait notamment avoir réalisé au moins un vol de navigation d'au moins 270 kilomètres pour la première et 185 kilomètres pour la seconde, comportant deux atterrissages complets sur deux aérodromes différents de celui de départ. Toutefois, le candidat qui suivait sa formation dans un territoire dont la situation géographique ne lui permettant pas de respecter cette exigence était dispensé d'effectuer ce vol. En contrepartie, il n'avait le privilège de piloter un avion ou un hélicoptère que dans l'espace aérien correspondant. Il ressort des pièces du dossier que ce dispositif dérogatoire visait à traiter la situation particulière de La Réunion, où il n'y a que deux aérodromes, et de Mayotte, où il n'y en a qu'un seul, en dispensant les pilotes ayant suivi leur formation dans ces territoires et disposés à ne voler que dans l'espace aérien correspondant d'une exigence qui leur imposait en pratique de compléter celle-ci en métropole.

2. Ce cadre juridique a été modifié par le règlement (UE) n° 1178/2011 de la Commission du 3 novembre 2011 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel de l'aviation civile conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil, qui a fixé les exigences à respecter par les pilotes d'aéronefs à compter du 8 avril 2012 ainsi que les règles de reconnaissance des licences de pilote nationales délivrées antérieurement à cette date.

3. D'une part, en application de l'article 3, paragraphe 1, du règlement, les pilotes d'aéronefs doivent respecter les exigences techniques et les procédures administratives énoncées à son annexe I, dite " partie FCL ". Si les articles FCL.210.A et FCL.210.H de cette annexe reprennent respectivement, pour les licences PPL(A) et les licences PPL(H), l'exigence tenant à la réalisation d'un vol de navigation d'au moins 270 kilomètres ou 185 kilomètres comportant deux atterrissages complets sur deux aérodromes différents de celui de départ, ils ne prévoient désormais aucune dérogation du type de celles prévues dans les arrêtés mentionnés au point 1.

4. D'autre part, en application des articles 4 et 12 du règlement, les licences conformes aux exigences de navigabilité communes, dites JAR, pour " joint aviation requirements ", délivrées ou reconnues par un Etat membre avant le 8 avril 2012 sont réputées avoir été délivrées conformément au règlement et remplacées par des licences conformes à celui-ci ; en revanche, les licences non conformes aux JAR devaient être converties en licences " partie FCL ", sous réserve, pour les pilotes concernés, de vérifier les conditions fixées soit dans l'annexe II au règlement, soit dans un rapport de conversion établi par l'Etat ayant délivré la licence, les Etats membres pouvant toutefois décider de ne pas convertir les licences délivrées jusqu'au 8 avril 2014.

5. En application des dispositions du règlement (UE) n° 1178/2011, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, par un arrêté du 5 avril 2012, a autorisé les titulaires de licences d'avions et d'hélicoptères à exercer les privilèges attachés à leur licence sans avoir à la convertir jusqu'au 8 avril 2014 et indiqué qu'ils ne pourraient continuer à exercer ces privilèges au-delà de cette échéance qu'à condition de convertir leur licence conformément à l'article 4 de ce règlement.

Sur le litige :

6. L'association Comité aéronautique régional Océan indien doit être regardée comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de la note DSAC/PN 22-129 du 22 décembre 2022 en ce qu'elle procèderait, selon eux, au retrait des licences, délivrées en application des dispositions mentionnées au point 1, dont le champ d'application est restreinte à l'espace aérien de La Réunion ou de Mayotte, qu'elle dispose qu'aucune licence de ce type ne sera plus délivrée et qu'elle fixe les conditions de conversion de ces licences.

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". L'association requérante ne saurait utilement invoquer ces dispositions à l'encontre de la note attaquée, qui, en rappelant que des licences ne seraient pas délivrées à des pilotes qui ne remplissent pas les conditions fixées par les dispositions du règlement (UE) n° 1178/2011 mentionnées au point 4 et en précisant les conditions de conversion de ces licences, ne saurait être regardée comme procédant au retrait de décisions individuelles créatrices de droits.

8. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 410-13 du code de l'aviation civile, qui était en vigueur à la date d'édiction de la note : " I. - (...) le directeur de la sécurité de l'aviation civile est l'autorité compétente chargée de l'application des règles relatives à l'aptitude technique et médicale des personnels navigants conformément aux dispositions du règlement (UE) n° 1178/2011 de la Commission du 3 novembre 2011. / II. - Le directeur de la sécurité de l'aviation civile met en œuvre les exigences applicables aux autorités pour le personnel navigant prévues par le règlement (UE) n° 1178/2011 de la Commission du 3 novembre 2011. / (...) le directeur de la sécurité de l'aviation civile : / - convertit une licence de pilote pour les opérations, essais et réceptions dans les conditions prévues aux articles 4 et 6 du règlement (UE) n° 1178/2011 de la Commission du 3 novembre 2011 ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le directeur de la sécurité de l'aviation civile est compétent pour rappeler aux titulaires d'une licence de pilote privé ou aux pilotes en formation les conditions de l'octroi et de la conversion de licences résultant du règlement (UE) n° 1178/2011 et pour en préciser les modalités.

9. D'autre part, il résulte de la combinaison des articles 1er et 4 de la décision du directeur de la sécurité de l'aviation civile du 2 novembre 2021 portant organisation de l'échelon central de la DSAC et de l'article 7 de la décision du directeur de la sécurité de l'aviation civile du 12 mai 2022 portant délégation de signature que M. A... B..., directeur des personnels navigants de la DSAC, avait délégation pour signer tous les actes, à l'exception des décrets, relatifs à la gestion des licences aéronautiques. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la note attaquée doit être écarté.

10. En troisième lieu, la note attaquée ne compte pas parmi les actes qui, en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ou de dispositions spéciales, doivent être motivés. Le moyen tiré de ce que la note attaquée serait insuffisamment motivée ne peut, dès lors, qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, il résulte des dispositions du règlement (UE) n° 1178/2011 mentionnées aux points 4 et 5 que l'octroi d'une licence de pilote privé est notamment subordonné à la réalisation d'un vol de navigation d'au moins 270 kilomètres pour la licence PPL(A) ou 185 kilomètres pour la licence PPL(H), comportant deux atterrissages complets sur deux aérodromes différents de celui de départ, sans dérogation possible, y compris sur les territoires de La Réunion et de Mayotte, et que les titulaires de licences non conformes à ces exigences doivent les convertir en licences " partie FCL ", sous peine de ne plus pouvoir exercer les privilèges qui y sont attachés. Dès lors, le directeur des personnels navigants de la DSAC, pour le compte de son directeur, qui a la charge de l'application de ces dispositions, a compétence liée pour refuser de délivrer une licence à un candidat ne remplissant pas ces conditions. Par suite, le moyen tiré de ce que la note attaquée serait entachée d'une erreur d'appréciation en ce qu'elle indique qu'aucune licence PPL(A) ou PPL(H) ne saurait être délivrée à un candidat ne remplissant pas ces conditions doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le Comité aéronautique régional Océan indien n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la note attaquée. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du Comité aéronautique régional Océan indien est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Comité aéronautique régional Océan indien et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Délibéré à l'issue de la séance du 6 février 2025 où siégeaient : Mme Anne Courrèges, assesseure, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 5 mars 2025.

La présidente :

Signé : Mme Anne Courrèges

La rapporteure :

Signé : Mme Pierra Mery

Le secrétaire :

Signé : M. Guillaume Auge


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 498093
Date de la décision : 05/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2025, n° 498093
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pierra Mery
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498093.20250305
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