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03/03/2025 | FRANCE | N°473769

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 03 mars 2025, 473769


Vu la procédure suivante :



Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 2 mai 2023 et les 17 janvier, 1er octobre et 5 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan, l'association Les amis du Golfe du Morbihan, l'Union des associations de navigateurs du Morbihan, le Club subaquatique Les Vénètes, l'association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques (AAPPMA) du Pays de Vannes - La Gaule Vannetaise, e

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés le 2 mai 2023 et les 17 janvier, 1er octobre et 5 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan, l'association Les amis du Golfe du Morbihan, l'Union des associations de navigateurs du Morbihan, le Club subaquatique Les Vénètes, l'association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques (AAPPMA) du Pays de Vannes - La Gaule Vannetaise, et la Fédération du Morbihan pour la pêche et la protection du milieu aquatique demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 2 janvier 2023 du préfet du Morbihan portant autorisation environnementale en vue de l'installation et de l'exploitation de deux hydroliennes expérimentales entre la pointe de Monteno (commune d'Arzon) et l'île Longue (commune de Larmor-Baden) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan et autres et à la SARL cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la société Morbihan Hydro Energies (MHE) ;

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan (FAPEGM) et autres demandent l'annulation de l'arrêté du 2 janvier 2023 par lequel le préfet du Morbihan a délivré à la société Morbihan Hydro Energies une autorisation environnementale au titre de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, en vue de l'installation et de l'exploitation de deux hydroliennes expérimentales entre la pointe de Monteno (commune d'Arzon) et l'île Longue (commune de Larmor-Baden).

Sur la recevabilité de la requête :

2. La Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan, l'association Les amis du Golfe du Morbihan, l'Union des associations de navigateurs du Morbihan, le Club subaquatique Les Vénètes, l'association agréée de pêche et de protection des milieux aquatiques (AAPPMA) du Pays de Vannes - La Gaule Vannetaise, et la Fédération du Morbihan pour la pêche et la protection du milieu aquatique justifient, eu égard à leur objet statutaire, d'un intérêt leur donnant qualité pour former un recours contre l'autorisation environnementale qu'ils contestent. La fin de non-recevoir tirée de leur défaut d'intérêt pour agir, opposée par la société Morbihan Hydro Energies, doit, dès lors, être rejetée.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. D'une part, en vertu de l'article L. 181-1 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale (...) est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu'ils ne présentent pas un caractère temporaire : / 1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l'article L. 214-3 (...) ". Aux termes du I de l'article L. 181-3 du même code : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) selon les cas (...) ". Selon l'article L. 181-23 du même code, qui concerne les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles d'avoir des incidences sur l'eau et les milieux aquatiques : " Lorsque des installations, ouvrages, travaux ou activités sont définitivement arrêtés, l'exploitant ou, à défaut, le propriétaire remet le site dans un état tel qu'aucune atteinte ne puisse être portée aux intérêts protégés mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". En vertu de l'article D. 181-15-1 du même code : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 1° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / (...) VI. - Lorsqu'il s'agit d'installations utilisant l'énergie hydraulique, la demande comprend : / (...) 2° Une note justifiant les capacités techniques et financières du pétitionnaire et la durée d'autorisation proposée (...) ". Et en vertu du III de l'article R. 181-47 du même code, pris pour l'application de l'article L. 181-15, le transfert d'une autorisation environnementale portant sur des installations utilisant de l'énergie hydraulique fait l'objet d'une déclaration adressée au préfet par le nouveau bénéficiaire " préalablement au transfert. Elle comprend (...) des pièces justifiant les capacités techniques et financières du nouveau bénéficiaire ".

4. D'autre part, en vertu de l'article L. 640-1 du code de commerce : " Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. / La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ". Selon le I de l'article L. 641-9 de ce code : " Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée (...) ". Dans le cas où le tribunal de commerce n'a pas autorisé de maintien de l'activité dans les conditions prévues à l'article L. 641-10 du même code, le jugement ouvrant la liquidation judiciaire a pour effet la cessation totale et définitive de l'activité de l'entreprise.

5. Il résulte de l'instruction que postérieurement à la délivrance, le 2 janvier 2023, de l'autorisation contestée, le tribunal de commerce de Quimper a, par un jugement du 15 novembre 2024, prononcé la liquidation judiciaire de la société Morbihan Hydro Energies, après avoir relevé que cette dernière se trouve " dans l'impossibilité de poursuivre son activité ". Ni la société ou son liquidateur, ni le ministre défendeur n'ont apporté d'indications quant aux perspectives de maintien ou de reprise de cette activité par un transfert de l'autorisation attaquée. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la société pétitionnaire justifie, à la date de la présente décision, pouvoir mener à bien le projet autorisé et assumer l'ensemble des exigences susceptibles de découler du fonctionnement, de la cessation éventuelle de l'exploitation et de la remise en état du site dans des conditions de nature à prévenir les dangers et inconvénients mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. L'autorisation attaquée méconnaît, ainsi, les dispositions de l'article L. 181-3 de ce code.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan et autres sont fondées à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral qu'elles attaquent.

Sur l'application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

7. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés (...) : / (...) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation (...) / Le refus par le juge de faire droit à une demande (...) de sursis à statuer est motivé. (...) ". Lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement si les vices qu'il retient apparaissent, au vu de l'instruction, régularisables.

8. Ainsi qu'il a été dit, l'autorisation attaquée méconnaît, à la date de la présente décision, les dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement. Ni le ministre défendeur, ni la société pétitionnaire ou son liquidateur ne faisant état, à cette même date, de perspectives de maintien ou de reprise de l'activité par le transfert de l'autorisation, cette illégalité n'est pas susceptible d'être régularisée. Dès lors, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer en vue d'une éventuelle régularisation sur le fondement des dispositions citées au point précédent.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan (FAPEGM) et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Morbihan Hydro Energies tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des requérants.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté du 2 janvier 2023 du préfet du Morbihan est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan et autres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Morbihan Hydro Energies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération d'associations de protection de l'environnement du Golfe du Morbihan, première dénommée pour l'ensemble des requérantes, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à la société Morbihan Hydro Energies (MHE) et à la SELARL EP et associés, agissant en qualité de liquidateur de cette société.

Copie en sera adressée au préfet du Morbihan.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 janvier 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 3 mars 2025.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Cédric Fraisseix

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 473769
Date de la décision : 03/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE DU CONSEIL D'ETAT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT - CONTENTIEUX DES DÉCISIONS RELATIVES AUX INSTALLATIONS DE PRODUCTION D’ÉNERGIE RENOUVELABLE EN MER (ART - L - 311-13 ET R - 311-1-1 DU CJA) – INCLUSION – DEMANDE D’ANNULATION DE L’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE RELATIVE AU PROJET D’INSTALLATION ET D’EXPLOITATION D’HYDROLIENNES (SOL - IMPL - ).

17-05-02 Le Conseil d’Etat est compétent pour connaître, en premier et dernier ressort, du recours dirigé contre une autorisation environnementale relative à un projet d’installation et d’exploitation d’hydroliennes en mer, lesquelles constituent des ouvrages de production d’énergie renouvelable en mer au sens et pour l’application de l’article R. 311-1-1 du code de justice administrative (CJA).

ENERGIE - ÉNERGIE HYDRAULIQUE - CONTENTIEUX DES DÉCISIONS RELATIVES AUX INSTALLATIONS DE PRODUCTION D’ÉNERGIE RENOUVELABLE EN MER RELEVANT EN PREMIER ET DERNIER RESSORT DE LA COMPÉTENCE DU CONSEIL D’ETAT (ART - L - 311-13 ET R - 311-1-1 DU CJA) – INCLUSION – DEMANDE D’ANNULATION DE L’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE RELATIVE AU PROJET D’INSTALLATION ET D’EXPLOITATION D’HYDROLIENNES (SOL - IMPL - ).

29-02 Le Conseil d’Etat est compétent pour connaître, en premier et dernier ressort, du recours dirigé contre une autorisation environnementale relative à un projet d’installation et d’exploitation d’hydroliennes en mer, lesquelles constituent des ouvrages de production d’énergie renouvelable en mer au sens et pour l’application de l’article R. 311-1-1 du code de justice administrative (CJA).


Publications
Proposition de citation : CE, 03 mar. 2025, n° 473769
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cédric Fraisseix
Rapporteur public ?: Mme Maïlys Lange
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD, BONICHOT ET ASSOCIES ; SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:473769.20250303
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