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28/02/2025 | FRANCE | N°488375

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 28 février 2025, 488375


Vu la procédure suivante :



La société Saint Loup a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2019 et 2020 dans les rôles de la commune d'Ecully (Rhône). Par un jugement n° 2110225 du 11 juillet 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,

la société Saint Loup demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

La société Saint Loup a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2019 et 2020 dans les rôles de la commune d'Ecully (Rhône). Par un jugement n° 2110225 du 11 juillet 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Saint Loup demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, notamment son article 34 ;

- l'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 18 février 2013 relatif au modèle de déclaration à souscrire dans le cadre de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Saint Loup ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Saint Loup est propriétaire d'un ensemble immobilier sis sur le territoire de la commune d'Ecully (Rhône), dans lequel l'association Valpré exploite une activité d'hôtellerie, de restauration et d'organisation de séminaires. Dans la déclaration qu'elle a souscrite en vue de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux commerciaux, elle a classé cet immeuble dans le sous-groupe des " hôtels et locaux assimilables " et, au sein de celui-ci, dans la catégorie 4 " foyers d'hébergement, centres d'accueil et auberges de jeunesse ". Pour l'établissement des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties dues au titre des années 2019 et 2020, l'administration fiscale n'a pas retenu la catégorie ainsi déclarée mais la catégorie 2 " hôtels supérieur ". Par un jugement du 11 juillet 2023 dont société Saint Loup demande l'annulation, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

2. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Aux termes de l'article 1498 du même code : " I. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article. / Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 310 Q de l'annexe II à ce code : " Pour l'application du second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts, les propriétés bâties mentionnées au premier alinéa de ce même I sont classées selon les sous-groupes et catégories suivants : / (...) / Sous-groupe V : hôtels et locaux assimilables : / (...) / Catégorie 2 : hôtels supérieur (2 ou 3 étoiles, ou confort identique). / (...) / Catégorie 4 : foyers d'hébergement, centres d'accueil, auberges de jeunesse (...) ".

3. Aux termes du XVII de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 : " Pour l'exécution de la révision des valeurs locatives des locaux commerciaux ainsi que des locaux affectés à une activité professionnelle non commerciale au sens de l'article 92 du code général des impôts, les propriétaires des biens mentionnés au I sont tenus de souscrire en 2012 une déclaration précisant les informations relatives à chacune de leurs propriétés. Les modalités d'application du présent XVII sont fixées par arrêté des ministres chargés de l'économie et du budget ". L'arrêté du ministre de l'économie et des finances du 18 février 2013 relatif au modèle de déclaration à souscrire dans le cadre de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels prévoyait, pour l'application de ces dispositions, que la déclaration afférente aux locaux dont les contribuables étaient propriétaires au 1er janvier 2013 devait être souscrite par ceux-ci pour chaque propriété ou fraction de propriété détenue, conformément à un formulaire qu'il désignait. Ce formulaire prévoyait la déclaration par le contribuable de la catégorie dans laquelle était classé le local, parmi celles qui sont énumérées, dans chaque sous-groupe, à l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts cité au point 2. Pour la déclaration des constructions nouvelles et des changements de consistance ou d'affectation postérieurs au 1er janvier 2013, les dispositions de l'article 1406 du code général des impôts et des articles 321 E à 321 G bis de l'annexe III à ce code prévoient des obligations analogues.

4. Lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le contribuable, l'administration fiscale ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations. Il en va ainsi lorsque l'administration établit l'imposition de locaux professionnels à la taxe foncière sur les propriétés bâties en retenant, pour déterminer la valeur locative de ces locaux, un des sous-groupes ou une des catégories mentionnés à l'article 310 Q de l'annexe II au code général des impôts différents de celui ou de celle dans lesquels le bien concerné a été régulièrement déclaré par le contribuable. En revanche, l'administration n'est pas tenue de respecter cette obligation lorsque, sans remettre en cause aucun élément qu'il aurait incombé au contribuable de déclarer, elle prend en compte les bases retenues au titre de l'année précédente qu'elle reconduit sans changement.

5. Il appartient au juge de l'impôt qui constate la méconnaissance, par l'administration fiscale, de l'obligation mentionnée au point 4, de prononcer la décharge de la part de l'imposition affectée par l'irrégularité, c'est-à-dire celle excédant l'imposition qui aurait résulté des éléments déclarés par le contribuable.

6. Après avoir relevé que les impositions en litige, établies sur la base d'un classement de l'ensemble immobilier en cause dans une catégorie différente de celle qu'avait déclarée la société Saint Loup, l'avaient été à la suite d'une procédure irrégulière faute pour la contribuable d'avoir été mise à même de présenter préalablement ses observations, le tribunal administratif de Lyon a jugé qu'il relevait de son office de se prononcer lui-même sur la rubrique à retenir pour déterminer la valeur locative des locaux en litige et que ces locaux relevaient de la catégorie 2 " Hôtels supérieur ", soit celle que l'administration fiscale avait retenue. Il a déduit que la demande de la société Saint Loup tendant à la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2019 et 2020 devait être rejetée.

7. En statuant ainsi, alors qu'il lui incombait, conformément à ce qui est dit au point 5, de tirer les conséquences de cette irrégularité en prononçant la décharge de la part des impositions contestée excédant les cotisations qui auraient résulté des éléments portés dans la déclaration de la contribuable, le tribunal a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Saint Loup est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Saint Loup au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon

Article 3 : L'Etat versera à la société Saint Loup la somme de 3 000 euros au titre de l'article

761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Saint Loup et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 février 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge,

M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat, Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 28 février 2025.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 488375
Date de la décision : 28/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 fév. 2025, n° 488375
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mazauric
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:488375.20250228
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