Vu les procédures suivantes :
1° Sous le numéro 499903, par un mémoire distinct et deux mémoires en réplique, enregistrés le 4 décembre 2024 et les 23 janvier et 10 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. A... B... demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté de la ministre du travail et de l'emploi en date du 24 septembre 2024 ayant procédé à l'extension de l'avenant n° 2 du 29 février 2024 à l'accord du 4 mai 2022 relatif à la mise en œuvre du dispositif prévention et santé au travail, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la branche du secteur des particuliers employeurs et de l'emploi à domicile du 15 mars 2021, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 4625-3 du code du travail.
2° Sous le numéro 499904, par un mémoire distinct et un mémoire en réplique, enregistrés le 4 décembre 2024 et le 23 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le syndicat des particuliers employeurs et des entreprises mandataires (SPEEM) demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté de la ministre du travail et de l'emploi en date du 24 septembre 2024 ayant procédé à l'extension de l'avenant n° 2 du 29 février 2024 à l'accord du 4 mai 2022 relatif à la mise en œuvre du dispositif prévention et santé au travail, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la branche du secteur des particuliers employeurs et de l'emploi à domicile du 15 mars 2021, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 4625-3 du code du travail.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- la loi n° 46-2195 du 11 octobre 1946 ;
- la loi n° 71-996 du 15 décembre 1971 ;
- la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hugo Bevort, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. B... et du syndicat des particuliers employeurs et des entreprises mandataires et à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la fédération des particuliers employeurs de France ;
Considérant ce qui suit :
1. Les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B... et par le syndicat des particuliers employeurs et des entreprises mandataires portent sur les mêmes dispositions du code du travail. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. La loi du 11 octobre 1946 relative à l'organisation des services médicaux du travail a créé, par son article 1er, l'obligation pour certains établissements, sociétés civiles, syndicats professionnels et associations de quelque nature que ce soit occupant des salariés, d'organiser des services médicaux du travail assurés par des " médecins du travail " dont le rôle, exclusivement préventif, consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail et, par son article 2, a mis à la charge de l'employeur les dépenses afférentes et prévu que, dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais seraient répartis proportionnellement au nombre des salariés. Les règles relatives au financement des services de prévention et de santé au travail, qui sont applicables aux " employeurs de droit privé " et à certains établissements mentionnés à l'article L. 4622-1 du code du travail, figurent désormais à l'article L. 4622-6 du code du travail qui dispose que : " Les dépenses afférentes aux services de prévention et de santé au travail sont à la charge des employeurs. / Au sein des services communs à plusieurs établissements ou à plusieurs entreprises constituant une unité économique et sociale, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés comptant chacun pour une unité. / Au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises, les services obligatoires prévus à l'article L. 4622-9-1 font l'objet d'une cotisation proportionnelle au nombre de travailleurs suivis comptant chacun pour une unité. Les services complémentaires proposés et l'offre spécifique de services prévue à l'article L. 4621-3 font l'objet d'une facturation sur la base d'une grille tarifaire. Le montant des cotisations et la grille tarifaire sont approuvés par l'assemblée générale (...) ".
4. La loi du 15 décembre 1971 tendant à faire bénéficier d'une surveillance médicale les employés de maison, gardiens d'immeubles à usage d'habitation et les travailleurs à domicile a étendu aux salariés employés par des particuliers à des travaux domestiques le droit à une surveillance médicale et a prévu que son financement est à la charge des employeurs. L'article L. 4625-4 du code du travail, auquel renvoie l'article L. 7221-2 du code du travail pour les " salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager ", prévoit désormais, pour les salariés des particuliers employeurs, qu'un " accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l'organisation et au choix du service de prévention et de santé au travail ainsi qu'aux modalités de surveillance de l'état de santé des travailleurs dès lors que ces dérogations n'ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code ". Aux termes de l'article L. 4625-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail : " Les particuliers employeurs adhèrent, moyennant une contribution dont le montant est fixé par accord collectif de branche étendu, à un service de prévention et de santé au travail. / L'association paritaire mentionnée au second alinéa de l'article L. 133-7 du code de la sécurité sociale est chargée, au nom et pour le compte des particuliers employeurs d'organiser, la mise en œuvre de la prévention des risques professionnels et de la surveillance médicale des salariés et de désigner le ou les services de prévention et de santé au travail chargés, dans le cadre de conventions conclues avec l'association paritaire, du suivi des salariés sur les territoires. / Elle délègue par voie de convention aux organismes de recouvrement mentionnés au même second alinéa la collecte de la contribution mentionnée au premier alinéa du présent article et le recueil des données, auprès des employeurs et de leurs salariés, nécessaires à la mise en œuvre du deuxième alinéa. "
5. A l'appui de leurs recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de l'arrêté de la ministre du travail et de l'emploi du 24 septembre 2024 portant extension de l'avenant n° 2 du 29 février 2024 à l'accord du 4 mai 2022 relatif à la mise en œuvre du dispositif prévention et santé au travail, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de la branche du secteur des particuliers employeurs et de l'emploi à domicile du 15 mars 2021, qui précise les caractéristiques de la contribution mise à la charge de ces employeurs par l'article L. 4625-3 du code du travail, M. B... et le syndicat des particuliers employeurs et des entreprises mandataires soutiennent que ces dispositions législatives sont entachées d'incompétence négative dans des conditions de nature à affecter le principe d'égalité devant la loi, le principe d'égalité devant les charges publiques et à porter atteinte à l'effectivité du droit au recours, garantis respectivement par les articles 6, 13 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
6. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant : / (...) - l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) ". Il en résulte que le législateur doit déterminer, notamment, les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, lesquelles comprennent les règles régissant le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions applicables à ces impositions.
7. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.
8. En l'espèce, la contribution instituée à l'article L. 4625-3 du code du travail n'a pas pour objet le financement de charges publiques mais constitue une dépense mise à la charge des particuliers employeurs au titre de leur obligation, résultant de l'article L. 4121-1 du code du travail, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, en vue de financer le fonctionnement des services de prévention et de santé au travail bénéficiant à leurs salariés. Ainsi, cette contribution ne relève pas, en dépit de son caractère obligatoire, de la catégorie des impositions de toutes natures dont l'article 34 de la Constitution réserve à la loi la définition des modalités de recouvrement. Dès lors, en s'abstenant d'en fixer les modalités de recouvrement, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.
9. Il résulte de ce qui précède que les questions soulevées par M. B... et par le syndicat des particuliers employeurs et des entreprises mandataires, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. B... et par le syndicat des particuliers employeurs et des entreprises mandataires.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au syndicat des particuliers employeurs et des entreprises mandataires, à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, à la fédération des particuliers employeurs de France, à la fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des activités annexes (FGTA-FO), à la fédération des services (FS-CFDT), à la fédération CGT du commerce, des services et de la distribution (CGT CSD), au syndicat professionnel des assistants maternels et assistants familiaux (SPAMAF), à la fédération des syndicats de services, activités diverses tertiaires et connexes (FESSAD-UNSA), à la confédération de salariés du particulier employeur, assistants familiaux et assistants maternels (CSAFAM).
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.