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24/02/2025 | FRANCE | N°493056

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 24 février 2025, 493056


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 31 mai 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n° 22061025 du 31 octobre 2023, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.



Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregist

rés les 2 avril 2024 et 21 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B....

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 31 mai 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, le bénéfice de la protection subsidiaire. Par une décision n° 22061025 du 31 octobre 2023, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 avril 2024 et 21 janvier 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros à verser à la SARL Cabinet Munier-Apaire, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alexandra Poirson, auditrice,

- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme B... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des refugies et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 31 mai 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile présentée, en son nom et celui de ses trois enfants mineurs, par Mme B... qui soutenait être exposée, ainsi que ses enfants, à des persécutions en cas de retour dans son pays d'origine du fait de son mari et de la famille de celui-ci. Mme B... se pourvoit en cassation contre la décision du 31 octobre 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'OFPRA.

2. Aux termes du 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est reconnue à " toute personne qui (...), craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'elle courrait dans son pays un risque réel de subir l'une des atteintes graves suivantes : / (...) / 2° La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; / (...) ".

3. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la minute de la décision attaquée ne comporterait pas les signatures prévues par les dispositions applicables à la date de cette décision, qui ne sont d'ailleurs pas celles invoquées par le pourvoi de l'article R. 741-7 du code de justice administrative mais celles de l'article R. 532-52 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquelles la minute doit être signée du président de la formation de jugement qui a rendu la décision et par le secrétaire général de la cour ou par un chef de service, manque en fait.

4. En deuxième lieu, après avoir rappelé les violences conjugales, qu'elle a regardé comme établies, subies de la part de son époux par Mme B... lorsqu'elle vivait en Géorgie, la Cour nationale du droit d'asile s'est, tout d'abord, interrogée sur les conditions dans lesquelles l'intéressée se serait installée seule avec ses enfants et aurait vécu dans un foyer à Tbilissi qui lui sont apparues floues, a, ensuite, estimé qu'elle n'avait pas été capable d'expliquer les raisons pour lesquelles, d'une part, elle n'avait pas demandé le divorce et, d'autre part, n'avait pas dénoncé les agissements de son époux aux autorités géorgiennes, alors même qu'il était connu des services de police et de la justice en raison de sa consommation de stupéfiants et s'est, enfin, appuyée sur plusieurs sources publiques disponibles, toujours d'actualité, pour considérer que les autorités géorgiennes avaient adopté un cadre législatif pour lutter contre les violences domestiques et la prégnance des comportements patriarcaux, en mettant en œuvre des mesures de protection juridiques et administratives afin de protéger les victimes. Elle en a déduit qu'aucun élément du dossier ne permettait de considérer que les autorités refuseraient ou ne seraient pas en mesure de lui apporter une protection dès lors qu'elle serait de nouveau menacée par son mari. Elle a, par ailleurs, regardé comme non établi le caractère personnel et actuel des craintes énoncées en cas de retour dans son pays d'origine.

5. D'une part, en s'abstenant de tirer de la seule existence de violences conjugales subies la nécessité d'octroyer à l'intéressée la protection subsidiaire, la Cour n'a pas, par un jugement qui est suffisamment motivé, commis d'erreur de droit.

6. D'autre part, en estimant, au vu des sources qu'elle a citées, que le dossier ne permettait pas de considérer que les autorités auraient refusé ou n'auraient pas été en mesure d'apporter à l'intéressée une protection en cas de nouvelles menaces de la part de son mari, la Cour, qui n'a ni entendu nier que la requérante avait été exposée à des violences répétées, au caractère systématique, la visant personnellement, ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, n'a pas davantage commis d'erreur de droit en particulier au regard des dispositions citées au point 2 et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, si, après avoir mentionné que l'intéressée avait indiqué avoir saisi les autorités en vain, elle s'est interrogée sur les raisons pour lesquelles Mme B... n'avait pas dénoncé les agissements de son époux aux autorités géorgiennes, la Cour n'a pas entaché sa décision de contradiction de motifs en procédant à sa propre analyse des pièces du dossier qui lui était soumis.

8. En quatrième lieu, en s'abstenant de reproduire, pour statuer sur la situation de Mme B..., la solution adoptée dans une autre affaire, présentant des similarités, la Cour nationale du droit d'asile, qui n'a pas entendu procéder à un revirement de jurisprudence, n'a, en tout état de cause, pas porté atteinte au principe de sécurité juridique garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme B... doit être rejeté, y compris les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et Mme Alexandra Poirson, auditrice-rapporteure.

Rendu le 24 février 2025.

Le président :

Signé : M. Olivier Yeznikian

La rapporteure :

Signé : Mme Alexandra Poirson

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 493056
Date de la décision : 24/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 fév. 2025, n° 493056
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Alexandra Poirson
Rapporteur public ?: M. Frédéric Puigserver
Avocat(s) : CABINET MUNIER-APAIRE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:493056.20250224
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