Vu la procédure suivante :
M. C... A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 7 octobre 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié ou subsidiairement, de lui accorder la protection subsidiaire. Par une décision n° 23017662 du 30 août 2023, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 30 octobre 2023, 31 janvier et 1er février 2024, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de renvoyer l'affaire à la Cour nationale du droit d'asile.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967, relatifs au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Alexandra Poirson, auditrice,
- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et à la SCP Lesourd, avocat de M. A... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, par une décision du 7 octobre 2022, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté la demande d'asile de M. A... B... et que, par une décision du 24 février 2023, il a, en application des articles L. 531-32 et L. 531-42 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeté pour irrecevabilité la demande de réexamen de la demande d'asile de l'intéressé. L'OFPRA se pourvoit en cassation contre la décision du 30 août 2023 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a, à la demande de M. A... B..., annulé la décision " du 7 octobre 2022 " de l'Office et accordé à l'intéressé le bénéfice de la protection subsidiaire.
2. Il ressort du rapprochement des pièces du dossier soumis au juge du fond et des termes de la décision attaquée qu'alors que la requête dont la Cour nationale du droit d'asile était saisie, était, sans ambiguïté, dirigée contre la seule décision du 7 octobre 2022 par laquelle l'OFPRA a rejeté la première demande d'asile de l'intéressé, la Cour, après avoir retenu que cette décision était devenue définitive faute d'avoir été contestée, a regardé, dans les motifs de sa décision, la requête comme étant en réalité dirigée contre la décision du 24 février 2023 et accordé à M. A... B... le bénéfice de la protection subsidiaire puis, dans le dispositif de sa décision, annulé la décision du 7 octobre 2022. En se prononçant ainsi, la Cour a, tout à la fois, statué au-delà des conclusions dont elle était saisie et entaché sa décision d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif. L'OFPRA est par suite fondé à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La Cour nationale du droit d'asile, (...), statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 511-1 à L. 511-8, L. 512-1 à L. 512-3, L. 513-1 à L. 513-5, L. 531-1 à L. 531-35, L. 531-41 et L. 531-42. / A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ".
5. D'autre part, l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. L'aide juridictionnelle est sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle de la cour, le délai prévu au second alinéa de l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suspendu et un nouveau délai court, pour la durée restante, à compter de la notification de la décision relative à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ces délais sont notifiés avec la décision de l'office. Le bureau d'aide juridictionnelle de la cour s'efforce de notifier sa décision dans un délai de quinze jours suivant l'enregistrement de la demande ".
6. Il résulte de l'instruction que la demande d'asile de M. A... B... a été rejetée par une décision du 7 octobre 2022 du directeur de l'OFPRA, qui lui a été notifiée le 14 octobre 2022 avec la mention des voies et délais de recours. Sa demande de réexamen a été rejetée par une décision du 24 février 2023 du directeur de l'OFPRA. Si, pour contester cette seconde décision, il a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, la requête qu'il a ensuite présentée à la Cour nationale du droit d'asile, enregistrée le 14 avril 2023 au greffe de cette juridiction, est, au regard de ses termes mêmes et des pièces produites à l'appui de celle-ci, uniquement dirigée contre la décision du 7 octobre 2022. A la date à laquelle ce recours a été introduit, le délai de recours d'un mois contre cette décision était expiré. Il n'a pu être, en tout état de cause, suspendu par la demande d'aide juridictionnelle présentée pour contester la décision du 24 février 2023. Dès lors, le recours enregistré le 14 avril 2023 dirigé contre la décision du 7 octobre 2022 est tardif et doit être rejeté comme irrecevable.
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 30 août 2023 de la Cour nationale du droit d'asile est annulée.
Article 2 : La requête présentée par M. A... B... devant la Cour nationale du droit d'asile est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. C... D... B....
Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et Mme Alexandra Poirson, auditrice-rapporteure.
Rendu le 24 février 2025.
Le président :
Signé : M. Olivier Yeznikian
La rapporteure :
Signé : Mme Alexandra Poirson
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville