La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2025 | FRANCE | N°472854

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 19 février 2025, 472854


La société Spiess a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 à 2020 dans les rôles de la commune de Benfeld (Bas-Rhin). Par un jugement nos 2005149, 2005150, 2005151, 2100024 du 9 février 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 avril et 30 mai 2023 et le 26 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conse

il d'Etat, la société Spiess demande au Conseil d'Etat :



1°) d...

La société Spiess a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 à 2020 dans les rôles de la commune de Benfeld (Bas-Rhin). Par un jugement nos 2005149, 2005150, 2005151, 2100024 du 9 février 2023, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 avril et 30 mai 2023 et le 26 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Spiess demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Gury et Maître, avocat de la société Spiess ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Spiess a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2017 à 2020 dans les rôles de la commune de Benfeld (Bas-Rhin). La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 février 2023 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Aux termes de l'article 1494 du code général des impôts : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". Aux termes de l'article 324 A de l'annexe III à ce code : " Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts, on entend : / 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : / a) En ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels, l'ensemble des sols, terrains et bâtiments qui font partie du même groupement topographique et sont normalement destinés à être utilisés par un même occupant en raison de leur agencement ; / b) En ce qui concerne les établissements industriels, l'ensemble des sols, terrains, bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique ; / 2° Par fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte, lorsqu'ils sont situés dans un immeuble collectif ou un ensemble immobilier : / a) Le local normalement destiné, à raison de son agencement, à être utilisé par un même occupant ; / b) L'établissement industriel dont les éléments concourent à une même exploitation. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, hors le cas des immeubles de grande hauteur, les parties d'un ensemble immobilier constituent des " fractions de propriété normalement destinées à une utilisation distincte " au sens de l'article 1494 du code général des impôts lorsqu'elles sont susceptibles de faire chacune l'objet d'une utilisation distincte par un même occupant, quand bien même elles feraient l'objet d'une exploitation commune. Par suite, la circonstance que des immeubles fassent l'objet d'une exploitation commune est sans incidence pour apprécier s'ils peuvent chacun faire l'objet d'une utilisation distincte et, par suite, relever de la même unité d'évaluation foncière. En revanche, des immeubles faisant l'objet d'une exploitation séparée ne peuvent relever d'une même unité d'évaluation.

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 1389 du code général des impôts : " Les contribuables peuvent obtenir le dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d'une maison normalement destinée à la location ou d'inexploitation d'un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel (...). / Le dégrèvement est subordonné à la (...) condition que la vacance ou l'inexploitation (...) affecte soit la totalité de l'immeuble, soit une partie susceptible de location ou d'exploitation séparée ". Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'un ensemble immobilier relevant d'une même unité d'évaluation foncière, et donc insusceptible d'une exploitation séparée, ne peut donner lieu à un dégrèvement partiel.

4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal a jugé que la société requérante ne pouvait prétendre au bénéfice du dégrèvement prévu par les dispositions de l'article 1389 du code général des impôts citées au point 3 pour une fraction de sa propriété au motif que cet ensemble immobilier constituait un groupement topographique unique dès lors qu'il faisait l'objet d'une exploitation commune, alors même qu'une partie des locaux serait demeurée inutilisée.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en se fondant sur la circonstance que l'ensemble immobilier en litige faisait l'objet d'une exploitation commune pour en déduire son appartenance à la même unité foncière et par suite refuser à la société requérante le bénéfice du dégrèvement sollicité, le tribunal a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 9 février 2023 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Spiess au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Spiess et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 janvier 2025 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et M. Cyril Martin de Lagarde, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 26 février 2025.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

Le rapporteur :

Signé : M. Cyril Martin de Lagarde

Le secrétaire :

Signé : M. Gilles Ho

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 472854
Date de la décision : 19/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 fév. 2025, n° 472854
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyril Martin de Lagarde
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SARL GURY & MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:472854.20250219
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award