La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2025 | FRANCE | N°497853

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 17 février 2025, 497853


Vu la procédure suivante :



L'association " Issy ophtalmologique " a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 18 juillet 2024 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine a suspendu pour une durée de cinq ans prenant effet au 2 septembre 2024, sans sursis, la possibilité pour elle d'exercer dans le cadre conventionnel. Par une ordonnance n° 2411094 du 29 août 2024, le

juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait d...

Vu la procédure suivante :

L'association " Issy ophtalmologique " a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 18 juillet 2024 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine a suspendu pour une durée de cinq ans prenant effet au 2 septembre 2024, sans sursis, la possibilité pour elle d'exercer dans le cadre conventionnel. Par une ordonnance n° 2411094 du 29 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 30 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de l'association " Issy ophtalmologique " ;

3°) de mettre à la charge de l'association " Issy ophtalmologique " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- l'accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d'assurance maladie du 8 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique

- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine et à la SCP Duhamel, avocat de l'association " Issy ophtalmologique " ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise que, par une décision du 18 juillet 2024, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine a, à la suite d'un contrôle réalisé le 12 septembre 2023, suspendu pour une durée de cinq ans prenant effet au 2 septembre 2024, sans sursis, la possibilité pour l'association " Issy ophtalmologique " d'exercer dans le cadre conventionnel. La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 29 août 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suspendu l'exécution de cette décision.

3. Aux termes de l'article L. 162-32-1 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les centres de santé sont définis par un accord national conclu pour une durée au plus égale à cinq ans par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations représentatives des centres de soins infirmiers, ainsi qu'une ou plusieurs organisations représentatives des centres de soins médicaux, dentaires et polyvalents / Cet accord détermine notamment : /1° Les obligations respectives des caisses primaires d'assurance maladie et des centres de santé (...) ". L'article L. 162-32-3 du même code prévoit que : " La caisse primaire d'assurance maladie peut décider de placer un centre de santé hors de la convention pour violation des engagements prévus par l'accord national ; cette décision doit être prononcée selon les conditions prévues par cet accord et permettre au centre de présenter ses observations (...) ".

4. Les articles 59 et 60 de l'accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d'assurance maladie du 8 juillet 2015 précisent la procédure applicable et les sanctions encourues en cas de constatation, par une caisse d'assurance maladie, du non-respect des dispositions de l'accord national par un centre de santé. En vertu de l'article 59 de cet accord, toute sanction doit ainsi être précédée d'une procédure contradictoire mettant à même le centre de santé de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales, et ne peut être prise qu'après consultation de la commission paritaire régionale devant laquelle le centre peut également présenter des observations ou être entendu. L'article 60 de cet accord prévoit qu'un centre de santé qui ne respecte pas les dispositions de l'accord encourt notamment une suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel avec ou sans sursis " pour une durée ne pouvant excéder 5 ans, selon l'importance des griefs ".

5. Si les dispositions mentionnées aux points 3 et 4 imposent que les faits reprochés soient établis et caractérisent un manquement, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que la caisse puisse, lorsque la nature du manquement en cause le permet, dresser le relevé de ces faits, dont le constat motivé est adressé au centre de santé et sur lesquels ce dernier doit en toute hypothèse pouvoir faire valoir ses observations, en se fondant, pour déterminer l'ampleur des manquements, sur une extrapolation des résultats obtenus sur un échantillon d'actes représentatif. Il en va notamment ainsi dans le cas où, opérant un contrôle sur un très grand nombre d'actes, elle a été conduite à identifier sur cet échantillon un nombre significatif d'anomalies récurrentes.

6. Par suite, en jugeant, après avoir relevé que les manquements reprochés reposaient sur les constatations de la caisse primaire d'assurance maladie résultant d'un contrôle de l'activité du centre de santé sur la période de soins du 3 novembre 2021 au 29 août 2023, par extrapolation des résultats de l'examen d'un échantillon de 91 dossiers, constitué au vu d'anomalies récurrentes de facturations sur la période qui ont conduit la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine à estimer que plusieurs dizaines de milliers d'actes étaient affectés par des anomalies relatives à l'activité ophtalmologique, qu'étaient propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la sanction prononcée les moyens tirés de ce que l'utilisation d'une telle méthode de contrôle était dépourvue de base légale et ne permettait ni d'attester de la matérialité des faits reprochés ni de s'assurer de la proportionnalité de la sanction, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit.

7. Il s'ensuit que la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

9. Les moyens invoqués par l'association " Issy ophtalmologique " à l'appui de sa demande de suspension et tirés de ce que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale relatif au contrôle médical et de l'article 59 de l'accord national du 8 juillet 2015 dès lors que la caisse primaire d'assurance maladie ne l'a pas mise en demeure et que l'avis de la commission paritaire régionale ne lui a pas été adressé, de ce que la matérialité des faits n'est pas établie et que la facturation d'actes redondants ou d'actes dont la facturation cumulée n'est pas autorisée ne pouvait être retenue dès lors que l'interdiction correspondante n'est prévue par la nomenclature générale des actes professionnels que depuis le 4 novembre 2022, qu'elle procède par extrapolation des irrégularités constatées à l'ensemble de l'activité sur la période contrôlée alors qu'aucun texte ne permet de fonder ainsi une sanction et qu'elle méconnaît le principe d'individualisation des sanctions dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un accompagnement de la caisse primaire d'assurance maladie dans les six mois suivant son conventionnement comme le prévoit l'accord national, ainsi que le principe de proportionnalité des sanctions, ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

10. Par suite, l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par l'association " Issy ophtalmologique " tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 18 juillet 2024 doit être rejetée.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Issy ophtalmologique " une somme de 3 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 29 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.

Article 2 : La demande présentée par l'association " Issy ophtalmologique " devant le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : L'association " Issy ophtalmologique " versera une somme de 3 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'association " Issy ophtalmologique " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine et à l'association " Issy ophtalmologique ".

Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Edouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 février 2025.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Tison

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 497853
Date de la décision : 17/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2025, n° 497853
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Tison
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP DUHAMEL ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:497853.20250217
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award