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17/02/2025 | FRANCE | N°497486

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 17 février 2025, 497486


Vu la procédure suivante :



L'association " Ginko Ophtalmologique " a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 9 juillet 2024 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde a suspendu pour une durée de cinq ans à compter du 2 septembre 2024, sans sursis, la possibilité pour elle d'exercer dans le cadre conventionnel. Par une ordonnance n° 2404857 du 19 août 2024, le juge des réf

érés du tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande....

Vu la procédure suivante :

L'association " Ginko Ophtalmologique " a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 9 juillet 2024 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde a suspendu pour une durée de cinq ans à compter du 2 septembre 2024, sans sursis, la possibilité pour elle d'exercer dans le cadre conventionnel. Par une ordonnance n° 2404857 du 19 août 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 et 18 septembre 2024 et le 15 janvier 2025, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de l'association " Ginko Ophtalmologique " ;

3°) de mettre à la charge de l'association " Ginko Ophtalmologique " la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- l'accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d'assurance maladie du 8 juillet 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à la SCP Duhamel, avocat de l'association " Ginko ophtalmologique " ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux que, par une décision du 9 juillet 2024, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde a, à la suite d'un contrôle réalisé le 11 septembre 2023, suspendu pour une durée de cinq ans à compter du 2 septembre 2024, sans sursis, la possibilité pour l'association " Ginko Ophtalmologique " d'exercer dans le cadre conventionnel. La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 19 août 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de cette décision.

3. Aux termes de l'article L. 162-32-1 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les centres de santé sont définis par un accord national conclu pour une durée au plus égale à cinq ans par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations représentatives des centres de soins infirmiers, ainsi qu'une ou plusieurs organisations représentatives des centres de soins médicaux, dentaires et polyvalents / Cet accord détermine notamment : /1° Les obligations respectives des caisses primaires d'assurance maladie et des centres de santé (...) ". L'article L. 162-32-3 du même code prévoit que : " La caisse primaire d'assurance maladie peut décider de placer un centre de santé hors de la convention pour violation des engagements prévus par l'accord national ; cette décision doit être prononcée selon les conditions prévues par cet accord et permettre au centre de présenter ses observations (...) ".

4. Les articles 59 et 60 de l'accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d'assurance maladie du 8 juillet 2015 précisent la procédure applicable et les sanctions encourues en cas de constatation, par une caisse d'assurance maladie, du non-respect des dispositions de l'accord national par un centre de santé. En vertu de l'article 59 de cet accord, toute sanction doit ainsi être précédée d'une procédure contradictoire mettant à même le centre de santé de présenter des observations écrites et, le cas échéant, orales, et ne peut être prise qu'après consultation de la commission paritaire régionale devant laquelle le centre peut également présenter des observations ou être entendu. L'article 60 de cet accord prévoit qu'un centre de santé qui ne respecte pas les dispositions de l'accord encourt notamment une suspension de la possibilité d'exercer dans le cadre conventionnel avec ou sans sursis " pour une durée ne pouvant excéder 5 ans, selon l'importance des griefs ".

5. Si les dispositions mentionnées aux points 3 et 4 imposent que les faits reprochés soient établis et caractérisent un manquement, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que la caisse puisse, lorsque la nature du manquement en cause le permet, dresser le relevé de ces faits, dont le constat motivé est adressé au centre de santé et sur lesquels ce dernier doit en toute hypothèse pouvoir faire valoir ses observations, en se fondant, pour déterminer l'ampleur des manquements, sur une extrapolation des résultats obtenus sur un échantillon d'actes représentatif. Il en va notamment ainsi dans le cas où, opérant un contrôle sur un très grand nombre d'actes, elle a été conduite à identifier sur cet échantillon un nombre significatif d'anomalies récurrentes.

6. Il ne ressort toutefois d'aucune des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde aurait mis en œuvre une méthode d'extrapolation, ce qu'elle-même dément par ailleurs. Par suite, en jugeant qu'étaient propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la sanction prononcée les moyens tirés de ce que l'utilisation par la caisse d'une telle méthode de contrôle était dépourvue de base légale et ne permettait ni d'attester de la matérialité des faits reprochés ni de s'assurer de la proportionnalité de la sanction, le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les faits de l'espèce et les pièces du dossier qui lui était soumis et commis une erreur de droit.

7. Il s'ensuit que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

9. Les moyens invoqués par l'association " Ginko Ophtalmologique " à l'appui de sa demande de suspension et tirés de ce que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale relatif au contrôle médical et de l'article 59 de l'accord national du 8 juillet 2015 en l'absence de mise en demeure, de ce que la matérialité des faits n'est pas établie et que la facturation d'actes redondants ou d'actes dont la facturation cumulée n'est pas autorisée ne pouvait être retenue dès lors que l'interdiction correspondante n'est prévue par la nomenclature générale des actes professionnels que depuis le 4 novembre 2022, qu'elle procède par extrapolation des irrégularités constatées à l'ensemble de l'activité sur la période contrôlée alors qu'aucun texte ne permet de fonder ainsi une sanction et qu'elle méconnaît le principe d'individualisation des sanctions dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un accompagnement de la caisse primaire d'assurance maladie dans les six mois suivant son conventionnement comme le prévoit l'accord national et qu'aucun avertissement ne lui a été signifié au préalable, ainsi que le principe de proportionnalité des sanctions, ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

10. Par suite, l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par l'association " Ginko Ophtalmologique " tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 9 juillet 2024 doit être rejetée.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Ginko Ophtalmologique " une somme de 3 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 19 août 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.

Article 2 : La demande présentée par l'association " Ginko Ophtalmologique " devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : L'association " Ginko Ophtalmologique " versera une somme de 3 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'association " Ginko Ophtalmologique " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à l'association " Ginko Ophtalmologique ".

Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Édouard Geffray, conseiller d'Etat et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 février 2025.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

La rapporteure :

Signé : Mme Isabelle Tison

Le secrétaire :

Signé : M. Hervé Herber


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 497486
Date de la décision : 17/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2025, n° 497486
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Tison
Rapporteur public ?: M. Thomas Janicot
Avocat(s) : SCP DUHAMEL ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:497486.20250217
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