Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance du 7 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Valence a sursis à statuer sur la demande de M. A... F... et Mme E... D... épouse F... tendant à la nullité de la promesse de vente conclue avec M. C... H... et Mme B... G... épouse H... portant sur un terrain situé à Montélier (Drôme) jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée, d'une part, sur la caducité de l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le maire de Montélier ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de division d'un terrain initialement cadastré section YA n° 1 et, d'autre part, sur les conséquences, le cas échéant, de cette caducité sur la possibilité d'obtenir un permis de construire sur le terrain en litige.
Par un jugement n° 2306535 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Grenoble a déclaré, d'une part, que la déclaration préalable de division présentée pour M. et Mme H... était caduque le 3 mars 2021, date de signature de la promesse de vente, et que le projet de M. et Mme F... ne bénéficiait pas des dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme et, d'autre part, que le projet de M. et Mme F... était réalisable en zone UD du plan local d'urbanisme, sous réserve du respect des règles spécifiques d'urbanisme édictées par ce document.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 avril, 3 mai et 23 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme H... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il déclare que la déclaration préalable de division présentée le 10 septembre 2012 était caduque le 3 mars 2021, date de signature de leur promesse de vente avec M. et Mme F..., et que le projet de ces derniers ne bénéficiait pas des dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ;
2°) réglant l'affaire au fond, de déclarer que leur déclaration préalable de division n'était pas caduque à la date du 3 mars 2021 et que le projet de construction de M. et Mme F... bénéficiait des dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme F... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Gury, Maître, avocat de M. et Mme H... et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, Goulet, avocat de M. et Mme F... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme H..., propriétaires d'un tènement supportant une maison d'habitation à Montélier, ont déposé le 10 septembre 2012 une déclaration préalable de division de ce tènement en quatre lots, dont trois à bâtir, et ont consenti le 3 mars 2021 une promesse unilatérale de vente à M. et Mme F... pour un de ces terrains, sous la condition suspensive de l'obtention par les bénéficiaires d'un permis de construire purgé de tout recours et de tout retrait administratif avant le 30 septembre 2021 pour la construction d'une maison individuelle à usage d'habitation de plain-pied avec garage d'une surface de plancher maximum de 150 mètres carrés. La demande de permis de construire présentée par M. et Mme F... ayant été refusée le 15 juillet 2021, ces derniers ont saisi le tribunal judiciaire de Valence d'une action en nullité de la promesse de vente. Par une ordonnance du 7 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Valence a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la caducité de l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le maire de Montélier ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de division d'un terrain initialement cadastré section YA n° 1 et, d'autre part, sur les conséquences, le cas échéant, de cette caducité sur la possibilité d'obtenir un permis de construire sur le terrain en litige. Par un jugement du 19 mars 2023, le tribunal administratif de Grenoble a jugé, en son article 1er, que la déclaration préalable de division était caduque le 3 mars 2021, date de signature de la promesse de vente et que le projet de M. et Mme F... ne bénéficiait pas des dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme et, en son article 2, que le projet était réalisable en zone UD du plan local d'urbanisme, sous réserve du respect des règles spécifiques d'urbanisme édictées par ce document. M. et Mme H... demandent l'annulation de l'article 1er de ce jugement.
2. D'une part, l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme dispose que : " lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire ". Aux termes de l'article R. 423-23 de ce code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations préalables (...). ". Enfin, aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de la décision d'opposition ou de sursis à statuer rendue sur une à déclaration préalable de division impose à l'administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer. En revanche, un nouveau délai de nature à faire naître une autorisation tacite ne commence à courir qu'à dater du jour de la confirmation de sa demande par l'intéressé. En vertu des dispositions, citées au point précédent, de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, la confirmation de la déclaration préalable de division par l'intéressé fait courir un délai d'un mois, à l'expiration duquel le silence gardé par l'administration fait naître une décision tacite de non opposition à déclaration préalable de division.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ". Le premier alinéa de l'article L. 442-14 de ce code dispose que : " Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date. " Enfin, l'article R. 424-18 du même code prévoit que : " Lorsque la déclaration porte sur un changement de destination ou sur une division de terrain, la décision devient caduque si ces opérations n'ont pas eu lieu dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de la cristallisation pendant cinq ans des règles d'urbanisme prévue par l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme est subordonné à la division effective de l'unité foncière par le transfert, avant l'expiration du délai de trois ans suivant la non-opposition à la déclaration préalable, de la propriété ou de la jouissance d'au moins un des lots créés, ce transfert fût-il assorti d'une condition suspensive telle que celle tenant à l'obtention d'un permis de construire. La seule modification du cadastre ou la seule mise en vente de tout ou partie des terrains ne permet pas, en revanche, de regarder cette condition de division effective comme remplie.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après que le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 9 avril 2015 confirmé par un arrêt du 18 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Lyon, annulé l'arrêté du 5 octobre 2012 du maire de Montélier opposant un sursis à statuer à la déclaration préalable, présentée par M. et Mme H..., pour la création d'un lotissement par la division de leur terrain en quatre lots dont trois à bâtir, ceux-ci ont confirmé leur déclaration préalable par un courrier du 19 décembre 2017. La décision tacite de non-opposition à cette déclaration de division, née le 19 janvier 2018, a ensuite été confirmée par un arrêté du 5 février 2018. En l'absence de tout transfert de propriété ou de jouissance dans le délai de trois ans à compter du 19 janvier 2018, et sans qu'ait d'incidence la circonstance que M. et Mme H... aient pu manifester leur intention de vendre la parcelle avant le terme de ce délai de caducité, l'arrêté du 5 février 2018 était caduc le 3 mars 2021, date de signature de la promesse de vente entre M. et Mme H... et M. et Mme F.... Par suite, le projet de ces derniers ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme.
6. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en en jugeant ainsi. Il n'a pas méconnu son office en statuant sur la caducité de la décision tacite de non opposition qui était née antérieurement à celle prise par le maire de Montélier par l'arrêté du 5 février 2018, donnant ainsi dans la réponse qu'il a faite au tribunal judiciaire sa portée utile à la question qu'il lui avait posée, à laquelle il a, implicitement mais nécessairement, également, ce faisant, répondu.
7. Par suite, M. et Mme H... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'article 1er du jugement qu'ils attaquent.
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme H... une somme à verser à M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par M. et Mme F....
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme H... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... H... et Mme B... G... épouse H..., à M. A... F... et Mme E... D... épouse F... et au président du tribunal judiciaire de Valence.
Copie en sera adressée à la commune de Montélier.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Édouard Geffray, conseiller d'Etat et M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 17 février 2025.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Luc Matt
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber