Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 15 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 13 mai 2024 par lequel le Premier ministre a accordé son extradition aux autorités algériennes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'extradition entre la France et l'Algérie signée le 27 janvier 2019 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par le décret attaqué, le Premier ministre a accordé aux autorités algériennes l'extradition de M. B..., de nationalité algérienne, au titre d'un mandat d'arrêt délivré le 22 janvier 2019 par le juge d'instruction de la 12ème chambre du tribunal de C... D..., pour des faits qualifiés d'homicide volontaire et destruction de ses traces.
2. En premier lieu, il ressort des mentions de l'ampliation du décret attaqué, certifiée conforme par la secrétaire générale du Gouvernement, que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice.
3. En deuxième lieu, le décret attaqué comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et satisfait ainsi à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 1er du protocole additionnel n° 6 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté ". L'application de la peine de mort à une personne ayant fait l'objet d'une extradition accordée par le gouvernement français serait contraire à l'ordre public français. D'autre part, aux termes de l'article 4 de la convention d'extradition entre la France et l'Algérie : " L'extradition est refusée si : (...) / h) l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée est punie de la peine de mort par la législation de l'Etat requérant à moins que celle-ci ne donne les assurances jugées suffisantes par la Partie requise que cette peine ne sera pas requise et que si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition présentées par les autorités algériennes est fondée sur les dispositions des articles 254 et 263, paragraphe 3, du code pénal algérien qui disposent respectivement : " L'homicide commis volontairement est qualifié de meurtre " et " (...) le coupable de meurtre est puni de la réclusion perpétuelle. / (...) ". Dès lors que la peine susceptible d'être prononcée pour les faits pour lesquels M. B... est poursuivi n'est pas la peine de mort, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué méconnaîtrait les stipulations citées au point précédent, faute pour le Premier ministre d'avoir recherché et obtenu des autorités algériennes l'assurance que la peine de mort ne sera pas requise à son encontre et que, si elle était prononcée, elle ne serait pas exécutée.
6. En dernier lieu, M. B... soutient qu'en cas d'exécution du décret attaqué, il risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en raison du caractère incompressible de la peine de réclusion criminelle à perpétuité à laquelle il risque d'être condamné. Toutefois, l'article 134 du code algérien de l'organisation pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus dispose que " Le détenu ayant accompli la période d'épreuve de la peine prononcée à son encontre peut être admis au bénéfice de la libération conditionnelle s'il justifie d'une bonne conduite et présente des gages réels d'amendement. / Le temps d'épreuve du détenu primaire est fixé à la moitié de la peine pour laquelle il est condamné. / (...) Le temps d'épreuve pour les condamnés à une peine perpétuelle est fixé à quinze (15) ans (...) ". Il résulte de ces dispositions que, si la peine de réclusion criminelle à perpétuité devait être prononcée à l'encontre de M. B..., il pourrait demander à bénéficier d'une liberté conditionnelle après avoir accompli une période probatoire d'au moins quinze ans s'il justifie d'une bonne conduite et présente des gages réels d'amendement. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du h) de l'article 4 de la convention d'extradition entre la France et l'Algérie, ainsi que des dispositions de l'article 696-4 du code de procédure pénale, ne peuvent qu'être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 13 mai 2024 accordant son extradition aux autorités algériennes. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.