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05/02/2025 | FRANCE | N°476399

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 05 février 2025, 476399


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de cette même année pour un montant de 1 273 799 euros. Par un jugement n° 1800411 du 1er décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par un arrêt n° 21PA00433 du 5 avr

il 2023, la cour administrative d'appel de Paris, saisie de l'appel formé par M. A... con...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de cette même année pour un montant de 1 273 799 euros. Par un jugement n° 1800411 du 1er décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA00433 du 5 avril 2023, la cour administrative d'appel de Paris, saisie de l'appel formé par M. A... contre ce jugement, a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 26 juillet et 28 octobre 2023 et le 3 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a transféré son domicile fiscal en Belgique le 15 avril 2011 et a souscrit, le 28 juin 2012, conformément aux dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, une déclaration faisant état, d'une part, d'une plus-value latente et, d'autre part, d'une plus-value en report d'imposition. Par un jugement du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de M. A... tendant à la décharge des impositions d'impôt sur le revenu et de contributions sociales afférentes à ces plus-values et bénéficiant du sursis d'imposition. Saisie de l'appel formé par M. A... contre ce jugement, la cour administrative d'appel de Paris, par un arrêt du 5 avril 2023, a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement d'impôt sur le revenu afférent à la plus-value latente à raison de la conservation des titres en cause au moins huit ans après le transfert du domicile fiscal, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. A... se pourvoit, dans cette mesure, contre cet arrêt.

Sur l'étendue du litige en cassation :

2. Par une décision du 23 avril 2024, postérieure à l'introduction du pourvoi, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des contributions sociales en litige afférentes à la plus-value latente, à hauteur de la somme de 787 120 euros. Les conclusions du pourvoi sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions du pourvoi, relatif à la plus-value placée en report d'imposition :

3. Aux termes de l'article 167 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-1. Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France sont imposables lors de ce transfert au titre des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, valeurs, titres ou droits mentionnés au présent 1 qu'ils détiennent, directement ou indirectement, à la date du transfert hors de France de leur domicile (...) / II.- Lorsqu'un contribuable transfère son domicile fiscal hors de France, les plus-values de cession ou d'échange de droits sociaux, valeurs, titres ou droits mentionnés au 1 du I du présent article dont l'imposition a été reportée en application du II de l'article 92 B, de l'article 92 B decies et des I ter et II de l'article 160, dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000, de l'article 150-0 C, dans sa rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2006, et de l'article 150-0 B bis sont imposables lors de ce transfert au taux d'imposition mentionné au 4 du I du présent article. / III.- Pour l'application du présent article, le transfert hors de France du domicile fiscal d'un contribuable est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d'être soumis en France à une obligation fiscale sur l'ensemble de ses revenus. / IV.- Lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans un Etat membre de l'Union européenne (...), il est sursis au paiement de l'impôt afférent aux plus-values constatées dans les conditions prévues au I du présent article ou aux plus-values imposables en application du II. / (...) / VII. (...) / 2. A l'expiration d'un délai de huit ans suivant le transfert de domicile fiscal hors de France ou lorsque le contribuable transfère de nouveau son domicile fiscal en France si cet événement est antérieur, l'impôt établi dans les conditions du I du présent article (...) est dégrevé d'office, ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert de domicile fiscal hors de France (...) ". Aux termes du IV de l'article 48 de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, ayant institué ces dispositions : " Le présent article est applicable aux transferts du domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011 ". Ces dispositions ont pour effet de déterminer, en ce qui concerne les plus-values qu'elles mentionnent, un fait générateur de l'impôt sur le revenu spécifique, attaché à la date du transfert du domicile fiscal hors de France et non à la situation existant à la fin de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie.

4. Aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites (...) ".

5. D'une part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la situation d'une personne qui transfère sa résidence d'un État membre vers un autre État membre est similaire à celle d'une personne maintenant sa résidence dans le premier État membre, en ce qui concerne l'imposition des plus-values afférentes aux actifs qui ont été générées dans le premier État membre antérieurement au transfert de résidence. Il s'ensuit que la différence de traitement à laquelle est soumis, en matière d'imposition sur les plus-values résultant d'un échange des parts sociales, un contribuable qui transfère sa résidence en dehors du territoire national par rapport à un contribuable qui maintient sa résidence sur ce territoire constitue une restriction à la liberté d'établissement, au sens de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Cette restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, sous réserve, dans une telle hypothèse, que celle-ci soit propre à garantir la réalisation de l'objectif en cause et qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. La nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d'imposition entre les États membres, conformément au principe de territorialité, constitue une raison impérieuse d'intérêt général.

6. D'autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les principes généraux du droit de l'Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l'Union et qu'ils doivent, ainsi, notamment, être respectés lorsqu'une réglementation nationale entre dans le champ d'application de ce droit. Or, tel est le cas lorsqu'une réglementation nationale est de nature à entraver une liberté fondamentale garantie par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et que l'État membre concerné invoque des raisons impérieuses d'intérêt général reconnues par le droit de l'Union pour justifier une telle entrave. En pareille hypothèse, la réglementation nationale concernée ne peut bénéficier des exceptions ainsi prévues que si elle est conforme aux principes généraux du droit de l'Union.

7. Les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts citées au point 3 qui prévoient d'imposer les plus-values latentes en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat de l'Union même si elles n'ont pas encore effectivement été réalisées ainsi que de mettre un terme au report de l'imposition des plus-values réalisée antérieurement, sans exiger, lors du transfert de la résidence fiscale, le recouvrement immédiat de l'imposition due ni assortir cette dispense de la constitution de garanties, ne sont pas contraires à la liberté d'établissement dès lors que la restriction qu'elles apportent à cette liberté est justifiée par la raison impérieuse d'intérêt général, reconnue par le droit de l'Union, tenant à la nécessité de préserver le pouvoir d'imposition de la France, et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

8. Mais il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que l'imposition des plus-values latentes et en report d'imposition sur le fondement des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts doit être regardée comme régie par le droit de l'Union. Par suite, en écartant comme inopérant le moyen tiré de l'atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique au motif que, dès lors que les dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts n'étaient pas contraires à la liberté d'établissement, les impositions en litige étaient uniquement régies par la loi française et non par le droit de l'Union européenne, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il se prononce sur les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 à raison de la plus-value dont le report d'imposition a pris fin consécutivement au transfert de son domicile fiscal hors de France.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

11. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, en particulier de son arrêt du 26 avril 2005, Goed Wonen (C-376/02), que les principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique ne s'opposent pas à ce qu'un État membre, à titre exceptionnel et afin d'éviter que soient utilisés à grande échelle, pendant le processus législatif, des montages destinés à minimiser la charge fiscale contre lesquels une loi de modification vise précisément à lutter, donne à cette loi un effet rétroactif, lorsque les contribuables effectuant des actes tels que ceux visés par la loi ont été avertis de la prochaine adoption de cette loi et de l'effet rétroactif envisagé de manière telle qu'ils soient en mesure de comprendre les conséquences de la modification législative envisagée sur les actes qu'ils pratiquent ou qu'ils projettent.

12. Il résulte de l'instruction que la date du 3 mars 2011 retenue par le législateur pour fixer la date d'application des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts, antérieure à l'adoption par le conseil des ministres et le dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 11 mai 2011, du projet de loi de finances rectificative pour 2011 comportant la proposition de rétablissement de ce dispositif fiscal, correspond à celle à laquelle le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a prononcé, en clôture d'un colloque sur la fiscalité du patrimoine, une allocution dans laquelle il a exposé les scénarii de réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune envisagés par le Gouvernement en vue de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative avant l'été 2011. Dans ce cadre, le ministre a fait brièvement état, à la fin de son propos, d'une autre réflexion en cours relative à la manière d'" appréhender le revenu du contribuable qui s'expatrie non pour des raisons professionnelles mais seulement le temps d'échapper à la taxation de sa plus-value " et a conclu son intervention en rappelant qu'aucun décision n'avait encore été prise et que le projet de loi à venir serait le fruit " d'un travail de concertation et de réflexion ". De tels propos, eu égard à leur caractère prospectif, ne peuvent être regardés comme annonçant le rétablissement d'une imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, l'application des dispositions de l'article 167 bis du code général des impôts aux transferts du domicile fiscal dans un autre Etat membre de l'Union, réalisés à compter du 3 mars 2011 jusqu'au 11 mai 2011, date à laquelle les contribuables ont eu connaissance du dispositif tel qu'adopté par le conseil des ministres et soumis à la discussion parlementaire, doit être regardée comme portant atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique.

13. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête d'appel, M. A..., qui a transféré son domicile fiscal en Belgique le 15 avril 2011, est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à payer à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les contributions en litige à hauteur de la somme de 787 120 euros.

Article 2 : L'arrêt du 5 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il se prononce sur les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. A... a été assujetti au titre de l'année 2011 à raison de la plus-value dont le report d'imposition a pris fin consécutivement au transfert de son domicile fiscal en Belgique.

Article 3 : M. A... est déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mentionnées à l'article 2.

Article 4 : Le jugement du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : l'Etat versera à M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2025 où siégeaient :

M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 5 février 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 476399
Date de la décision : 05/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - CHAMP D’APPLICATION – RÉGLEMENTATION NATIONALE ENTRANT DANS LE CHAMP DU DROIT DE L’UNION [RJ1] – INCLUSION – RÉGLEMENTATION DE NATURE À ENTRAVER UNE LIBERTÉ FONDAMENTALE GARANTIE PAR LE TFUE - JUSTIFIÉE PAR L’ETAT MEMBRE CONCERNÉ PAR DES RAISONS IMPÉRIEUSES D’INTÉRÊT GÉNÉRAL [RJ2].

15-05-002 Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que les principes généraux du droit de l’Union ont vocation à être appliqués dans toutes les situations régies par le droit de l’Union et qu’ils doivent, ainsi, notamment, être respectés lorsqu’une réglementation nationale entre dans le champ d’application de ce droit. Or, tel est le cas lorsqu’une réglementation nationale est de nature à entraver une liberté fondamentale garantie par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et que l’État membre concerné invoque des raisons impérieuses d’intérêt général reconnues par le droit de l’Union pour justifier une telle entrave. En pareille hypothèse, la réglementation nationale concernée ne peut bénéficier des exceptions ainsi prévues que si elle est conforme aux principes généraux du droit de l’Union.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - LÉGALITÉ ET CONVENTIONNALITÉ DES DISPOSITIONS FISCALES - LOIS - IMPOSITION DES PLUS-VALUES EN CAS DE TRANSFERT DU DOMICILE FISCAL HORS DE FRANCE (ART - 167 BIS DU CGI - DANS SA VERSION ISSUE DE LA LOI DU 29 JUILLET 2011) – 1) RÉGLEMENTATION NATIONALE ENTRANT DANS LE CHAMP D’APPLICATION DU DROIT DE L’UE [RJ1] – EXISTENCE - EN RAISON DE L’ENTRAVE À LA LIBERTÉ D’ÉTABLISSEMENT [RJ2] – CONSÉQUENCE – OPÉRANCE DU PRINCIPE DE CONFIANCE LÉGITIME – 2) APPLICATION RÉTROACTIVE DE CETTE IMPOSITION AUX TRANSFERTS DE DOMICILE FISCAL DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE DE L’UE À COMPTER DE LA DATE D’UNE ANNONCE PAR LE MINISTRE DU RÉTABLISSEMENT DE CETTE IMPOSITION – ATTEINTE À CE PRINCIPE – EXISTENCE - EN L’ESPÈCE - EU ÉGARD À LA TENEUR DE CETTE ANNONCE [RJ3].

19-01-01-01-01 1) Les dispositions de l’article 167 bis du code général des impôts (CGI) qui prévoient d’imposer les plus-values latentes en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat de l'Union même si elles n'ont pas encore effectivement été réalisées ainsi que de mettre un terme au report de l’imposition des plus-values réalisée antérieurement, sans exiger, lors du transfert de la résidence fiscale, le recouvrement immédiat de l’imposition due ni assortir cette dispense de la constitution de garanties, ne sont pas contraires à la liberté d'établissement dès lors que la restriction qu’elles apportent à cette liberté est justifiée par la raison impérieuse d’intérêt général, reconnue par le droit de l’Union, tenant à la nécessité de préserver le pouvoir d’imposition de la France, et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. ...Il en résulte que l’imposition des plus-values latentes et en report d’imposition sur le fondement des dispositions de l’article 167 bis du CGI doit être regardée comme régie par le droit de l’Union. ...Dès lors, est opérant le moyen tiré de ce qu’une imposition établie en application de ces dispositions porterait atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique....2) Date d’application des dispositions de l’article 167 bis du CGI correspondant à celle d’une allocution du ministre du budget faisant état d’une réflexion en cours sur l’appréhension du revenu du contribuable s’expatriant pour échapper à la taxation d’une plus-value, tout en rappelant qu’aucune décision n’avait été prise et que le projet de loi à venir ferait l’objet de concertations et de réflexions....De tels propos, eu égard à leur caractère prospectif, ne peuvent être regardés comme annonçant le rétablissement d’une imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. ...Par suite, l’application des dispositions de l’article 167 bis du CGI aux transferts du domicile fiscal dans un autre Etat membre de l’Union, réalisés à compter de la date de cette allocution et jusqu’à la date de l’adoption du projet de loi de finances rectificative, à laquelle les contribuables ont eu connaissance du dispositif tel qu’adopté par le conseil des ministres et soumis à la discussion parlementaire, doit être regardée comme portant atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - PLUS-VALUES DES PARTICULIERS - PLUS-VALUES MOBILIÈRES - IMPOSITION DES PLUS-VALUES EN CAS DE TRANSFERT DU DOMICILE FISCAL HORS DE FRANCE (ART - 167 BIS DU CGI - DANS SA VERSION ISSUE DE LA LOI DU 29 JUILLET 2011) – 1) RÉGLEMENTATION NATIONALE ENTRANT DANS LE CHAMP D’APPLICATION DU DROIT DE L’UE [RJ1] – EXISTENCE - EN RAISON DE L’ENTRAVE À LA LIBERTÉ D’ÉTABLISSEMENT [RJ2] – CONSÉQUENCE – OPÉRANCE DU PRINCIPE DE CONFIANCE LÉGITIME – 2) APPLICATION RÉTROACTIVE DE CETTE IMPOSITION AUX TRANSFERTS DE DOMICILE FISCAL DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE DE L’UE À COMPTER DE LA DATE D’UNE ANNONCE PAR LE MINISTRE DU RÉTABLISSEMENT DE CETTE IMPOSITION – ATTEINTE À CE PRINCIPE – EXISTENCE - EN L’ESPÈCE - EU ÉGARD À LA TENEUR DE CETTE ANNONCE [RJ3].

19-04-02-08-01 1) Les dispositions de l’article 167 bis du code général des impôts (CGI) qui prévoient d’imposer les plus-values latentes en cas de transfert du domicile fiscal dans un autre Etat de l'Union même si elles n'ont pas encore effectivement été réalisées ainsi que de mettre un terme au report de l’imposition des plus-values réalisée antérieurement, sans exiger, lors du transfert de la résidence fiscale, le recouvrement immédiat de l’imposition due ni assortir cette dispense de la constitution de garanties, ne sont pas contraires à la liberté d'établissement dès lors que la restriction qu’elles apportent à cette liberté est justifiée par la raison impérieuse d’intérêt général, reconnue par le droit de l’Union, tenant à la nécessité de préserver le pouvoir d’imposition de la France, et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. ...Il en résulte que l’imposition des plus-values latentes et en report d’imposition sur le fondement des dispositions de l’article 167 bis du CGI doit être regardée comme régie par le droit de l’Union. ...Dès lors, est opérant le moyen tiré de ce qu’une imposition établie en application de ces dispositions porterait atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique....2) Date d’application des dispositions de l’article 167 bis du CGI correspondant à celle d’une allocution du ministre du budget faisant état d’une réflexion en cours sur l’appréhension du revenu du contribuable s’expatriant pour échapper à la taxation d’une plus-value, tout en rappelant qu’aucune décision n’avait été prise et que le projet de loi à venir ferait l’objet de concertations et de réflexions....De tels propos, eu égard à leur caractère prospectif, ne peuvent être regardés comme annonçant le rétablissement d’une imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France. ...Par suite, l’application des dispositions de l’article 167 bis du CGI aux transferts du domicile fiscal dans un autre Etat membre de l’Union, réalisés à compter de la date de cette allocution et jusqu’à la date de l’adoption du projet de loi de finances rectificative, à laquelle les contribuables ont eu connaissance du dispositif tel qu’adopté par le conseil des ministres et soumis à la discussion parlementaire, doit être regardée comme portant atteinte aux principes de protection de la confiance légitime et de la sécurité juridique.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 fév. 2025, n° 476399
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Mazauric
Rapporteur public ?: M. Bastien Lignereux
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:476399.20250205
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