La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/12/2024 | FRANCE | N°476884

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 27 décembre 2024, 476884


Vu la procédure suivante :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 2 décembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer l'a informée du retrait de six points sur le capital de points de son permis de conduire à la suite d'une infraction commise le 20 juillet 2022 et, d'autre part, d'enjoindre à ce ministre de rétablir le capital de points de son permis de conduire dans le délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 eu

ros par jour de retard.



Par un jugement n° 2300608 du 7...

Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, d'annuler la décision du 2 décembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer l'a informée du retrait de six points sur le capital de points de son permis de conduire à la suite d'une infraction commise le 20 juillet 2022 et, d'autre part, d'enjoindre à ce ministre de rétablir le capital de points de son permis de conduire dans le délai d'un mois courant à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2300608 du 7 juin 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision du 2 décembre 2022 et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de rétablir six points sur le capital du permis de conduire de Mme B... dans le délai de deux mois suivant la notification de son jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 1er août 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la route ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Soltner, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, le 20 juillet 2022, Mme A... B... a commis une infraction au code de la route en conduisant sous l'empire d'un état alcoolique, pour laquelle elle a été entendue par les services de la gendarmerie nationale le 9 août 2022. Le 27 septembre 2022, elle a accepté d'exécuter une composition pénale, proposée par la déléguée du procureur de la République, consistant dans le versement d'une amende de composition au Trésor public d'un montant de 300 euros, dont l'intéressée s'est acquittée le même jour. Par une décision référencée " 48M " du 2 décembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer l'a informée du retrait de six points de son permis de conduire en conséquence de l'exécution de cette mesure de composition pénale. Le ministre se pourvoit en cassation contre le jugement du 7 juin 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de Mme B..., annulé cette décision et lui a enjoint de rétablir six points sur le capital du permis de conduire de l'intéressée dans le délai de deux mois suivant la notification de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 223-1 du code de la route : " Le permis de conduire est affecté d'un nombre de points. Celui-ci est réduit de plein droit si le titulaire du permis a commis une infraction pour laquelle cette réduction est prévue. / (...) La réalité d'une infraction entraînant retrait de points est établie par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'émission du titre exécutoire de l'amende forfaitaire majorée, l'exécution d'une composition pénale ou par une condamnation définitive. / (...) " L'article L. 223-2 du même code prévoit que, pour les délits, le retrait de points est égal à la moitié du nombre maximal de points, que, pour les contraventions, ce retrait est, au plus, égal à la moitié du nombre maximal de points, et, enfin, que dans le cas où plusieurs infractions entraînant retrait de points sont commises simultanément, les retraits de points se cumulent dans la limite des deux tiers du nombre maximal de points. Aux termes de l'article L. 223-3 du même code : " Lorsque l'intéressé est avisé qu'une des infractions entraînant retrait de points a été relevée à son encontre, il est informé des dispositions de l'article L. 223-2, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès conformément aux articles L. 225-1 à L. 225-9. / Lorsqu'il est fait application de la procédure de l'amende forfaitaire ou de la procédure de composition pénale, l'auteur de l'infraction est informé que le paiement de l'amende ou l'exécution de la composition pénale entraîne le retrait du nombre de points correspondant à l'infraction reprochée, dont la qualification est dûment portée à sa connaissance ; il est également informé de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour lui d'exercer le droit d'accès. / Quand il est effectif, le retrait de points est porté à la connaissance de l'intéressé par lettre simple ou, sur sa demande, par voie électronique. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent alinéa. " Enfin, l'article R. 223-3 du même code dispose que :

" I.- Lors de la constatation d'une infraction entraînant retrait de points, l'auteur de celle-ci est informé qu'il encourt un retrait de points si la réalité de l'infraction est établie dans les conditions définies à l'article L. 223-1. / II.- Il est informé également de l'existence d'un traitement automatisé des retraits et reconstitutions de points et de la possibilité pour lui d'accéder aux informations le concernant. Ces mentions figurent sur le document qui lui est remis ou adressé par le service verbalisateur. Le droit d'accès aux informations ci-dessus mentionnées s'exerce dans les conditions fixées par les articles L. 225-1 à L. 225-9. / (...) " La délivrance, au titulaire du permis de conduire à l'encontre duquel est relevée une infraction donnant lieu à retrait de points, de l'information prévue aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route constitue une garantie essentielle donnée à l'auteur de l'infraction pour lui permettre, avant d'en reconnaître la réalité par le paiement d'une amende forfaitaire ou l'exécution d'une composition pénale, d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis et éventuellement d'en contester la réalité devant le juge pénal. Elle revêt le caractère d'une formalité substantielle et conditionne la régularité de la procédure au terme de laquelle le retrait de points est décidé.

3. D'autre part, l'article 41-2 du code de procédure pénale prévoit que le procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes, qui peut consister en l'exécution d'une ou plusieurs mesures, notamment le versement d'une amende de composition au Trésor public. Lorsque la mesure, acceptée par l'auteur des faits, porte sur une amende de composition n'excédant pas le montant prévu au premier alinéa de l'article 131-13 du code pénal, soit 3 000 euros, la proposition de composition n'est pas soumise à la validation du président du tribunal judiciaire. L'exécution de la composition pénale éteint l'action publique. Aux termes de l'article R. 15-33-43 du même code : " Lorsque la composition pénale intervient à la suite d'un délit prévu aux articles 222-19-1 ou 222-20-1 du code pénal ou aux articles L. 234-1 ou L. 234-8 du code de la route ou de tout autre délit donnant lieu au retrait des points du permis de conduire, le procès-verbal mentionné à l'article R. 15-33-40 comporte une mention informant la personne de la perte de points qui résultera de l'exécution de la composition pénale, de l'existence d'un traitement automatisé de ces points et de la possibilité pour elle d'exercer son droit d'accès. "

4. Pour retenir que la décision du 2 décembre 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur et de l'outre-mer a informé Mme B... du retrait de six points du capital de points de son permis de conduire avait été prise au terme d'une procédure irrégulière, le tribunal administratif a relevé, d'une part, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que Mme B... se soit vue remettre le procès-verbal prévu par les dispositions précitées du code de procédure pénale à l'occasion de la proposition de composition pénale afférente à l'infraction du 20 juillet 2022 de conduite sous l'empire d'un état alcoolique supérieur à 0,40 mg/l, d'autre part, que le procès-verbal d'audition par la gendarmerie nationale et la notice d'information notifiée à l'intéressée à cette occasion, dont se prévalait le ministre de l'intérieur et des outre-mer, datés du 9 août 2022, étaient postérieurs à la constatation de l'infraction, et, enfin, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la composition pénale ait été validée par un jugement devenu définitif. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, en premier lieu, que les résultats de la prise de sang qui ont seuls permis, le test par éthylomètre réalisé lors de l'interception du véhicule ayant été infructueux, de caractériser et de qualifier l'infraction commise n'ont pu être notifiés à Mme B... que lors de son audition par la gendarmerie nationale le 9 août 2022, en deuxième lieu, que l'intéressée avait bien été informée, à l'occasion de cette audition, qu'elle encourait un retrait de points de son permis de conduire, et, enfin, au demeurant, que la composition pénale n'avait pas à être validée par le président du tribunal judiciaire ainsi qu'il résulte de l'article 41-2 du code de procédure pénale rappelé au point précédent, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu de régler l'affaire au fond par application de l'article

L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de l'instruction que si, comme le soutient Mme B..., le procès-verbal de composition pénale qu'elle a signé le 27 septembre 2022 ne comporte pas, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 15-33-43 du code de procédure pénale cité au point 3, de mention l'informant notamment de la perte de points qui résulterait de l'exécution de la composition pénale, Mme B... a reçu, le 9 août 2022, lors son audition par les services de gendarmerie, l'ensemble des informations requises en application des dispositions citées au point 2. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'intérieur et des outre-mer a retiré six points du capital de points de son permis de conduire. Sa demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat tant en première instance qu'en cassation. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande le ministre de l'intérieur et des outre-mer au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1 : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans du 7 juin 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 17 décembre 2024 où siégeaient : M. Alain Seban, assesseur, présidant ; Mme Laurence Helmlinger, conseillère d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 27 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Alain Seban

La rapporteure :

Signé : Mme Coralie Albumazard

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 476884
Date de la décision : 27/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 déc. 2024, n° 476884
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:476884.20241227
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award