Vu la procédure suivante :
Mme A... Baron a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 29 novembre 2019 par laquelle le jury de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA) organisé par l'université Jean Moulin Lyon III l'a ajournée à cet examen. Par un jugement n° 2002605 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif a annulé cette délibération et enjoint à l'université Jean Moulin Lyon III de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme Baron dans un délai de quatre mois.
Par un arrêt n° 21LY02876 du 29 septembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par l'université Jean Moulin Lyon III contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 29 novembre 2023 et les 21 février et 25 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université Jean Moulin Lyon III demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de Mme Baron, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
- le décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 ;
- l'arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hugo Bevort, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de L'université Jean Moulin Lyon III et à la SCP Foussard, Froger, avocat de Mme Baron ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 29 novembre 2019, le jury de l'examen d'accès au CRFPA organisé par l'université Jean Moulin Lyon III a ajourné Mme Baron à cet examen. Par un jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette délibération et enjoint à l'université Jean Moulin Lyon III de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme Baron dans un délai de quatre mois. L'université Jean Moulin Lyon III se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2023, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 51 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, modifié par le décret du 17 octobre 2016 modifiant les conditions d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats : " (...) pour être inscrits dans un centre régional de formation professionnelle, les candidats doivent avoir subi avec succès l'examen d'accès au centre, dont le programme et les modalités sont fixés par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de l'enseignement supérieur, après avis du Conseil national des barreaux. / Cet examen comporte des épreuves écrites d'admissibilité et une ou plusieurs épreuves d'admission. (...) ". Aux termes de l'article 51-1 du même décret : " Une commission nationale élabore les sujets des épreuves écrites d'admissibilité. Elle est également chargée d'une mission d'harmonisation des critères de correction de ces épreuves et établit à cette fin des recommandations qui peuvent prendre la forme de grilles de notation à destination des jurys et des correcteurs. (...) ". Aux termes de l'article 53 de ce décret : " Le jury de l'examen est composé ainsi qu'il suit : / 1° Deux professeurs des universités ou maîtres de conférences et personnels assimilés, chargés d'un enseignement juridique, dont le président du jury, désignés par le responsable du centre qui organise l'examen ; / 2° Un magistrat de l'ordre judiciaire (...) ainsi qu'un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (...) ; / 3° Trois avocats (...) ; / 4° Des enseignants en langues étrangères. (...) / Les membres du jury, à l'exception de ceux qui sont mentionnés au 4°, ne peuvent siéger plus de cinq années consécutives. / Au cas où le nombre des candidats le justifie, plusieurs jurys peuvent être constitués. / Les sujets des épreuves orales d'admission sont choisis par le jury de chaque centre d'examen. / L'épreuve portant sur la protection des libertés et des droits fondamentaux est subie devant trois examinateurs désignés par le président du jury dans chacune des catégories mentionnées aux 1°, 2° et 3°. / Les épreuves de langues sont subies devant un examinateur désigné par le président du jury dans la catégorie mentionnée au 4°. / Le jury peut s'adjoindre des examinateurs spécialisés avec voix consultative ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 17 octobre 2016 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, du garde des sceaux, ministre de la justice, et du secrétaire d'Etat chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au CRFPA : " (...) Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité. / Ils ne peuvent enseigner dans une formation publique ou privée préparant à l'examen d'accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats, ni être membres d'un jury de l'examen de l'année au titre de laquelle les sujets sont élaborés. (...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté : " Le président de chaque université organisant l'examen désigne le personnel chargé d'assurer le secrétariat du jury prévu à l'article 53 du décret du 27 novembre 1991 susvisé. / Les membres du jury sont tenus à une obligation de confidentialité. / Les examinateurs et les membres du jury ne peuvent enseigner simultanément dans une formation publique et privée préparant à l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats au cours de l'année universitaire au titre de laquelle l'examen est organisé et l'année universitaire précédant celle-ci. ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Les épreuves d'admissibilité sont organisées de manière à préserver l'anonymat des copies (...) ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " Les épreuves orales d'admission comprennent : / 1° Un exposé de quinze minutes, après une préparation d'une heure, suivi d'un entretien de trente minutes avec le jury, sur un sujet relatif à la protection des libertés et des droits fondamentaux permettant d'apprécier les connaissances du candidat, la culture juridique, son aptitude à l'argumentation et à l'expression orale. (...) / 2° Une interrogation d'une durée de quinze minutes, après une préparation de quinze minutes en langue anglaise. (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que si les fonctions de membre de la commission nationale chargée d'élaborer les sujets des épreuves écrites d'admissibilité de l'examen d'accès au CRFPA sont incompatibles avec celles d'enseignant dans une formation préparant à cet examen, qu'elle soit publique ou privée, celles d'examinateur ou de membre du jury d'examen d'accès au CRFPA, auxquels incombe l'évaluation des épreuves d'admissibilité de manière anonyme et des deux épreuves orales mentionnées au point précédent, ne sont incompatibles qu'avec l'exercice de fonctions d'enseignant à la fois dans une formation publique et dans une formation privée, préparant à cet examen, tant s'agissant de l'année universitaire au titre de laquelle l'examen est organisé que s'agissant de l'année universitaire précédant celle-ci.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que la composition du jury de l'examen d'accès au CRFPA Rhône-Alpes organisé par l'université Jean Moulin Lyon III pour l'année 2019 méconnaissait les règles énoncées à l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016, la cour s'est fondée sur ce que cet article devait être interprété comme édictant une règle d'incompatibilité entre les fonctions de membre de ce jury et les fonctions d'enseignement, que ce soit dans une formation publique ou dans une formation privée, préparant à cet examen et en a déduit que le jury en cause, dès lors qu'y participait la directrice de l'institut d'études judiciaires de Lyon, était irrégulièrement composé. En statuant ainsi, alors que, sans préjudice de l'obligation qui incombe à tout membre du jury de s'abstenir de participer, de quelque manière que ce soit, aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat qui aurait avec lui des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation, l'article 4, comme il a été dit au point précédent, fait seulement obstacle à ce que le jury d'examen comporte un membre qui a - ou qui a eu l'année précédente - des fonctions d'enseignement à la fois dans une formation publique et dans une formation privée préparant à cet examen, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de tout ce qui précède que l'université Jean Moulin Lyon III est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme Baron une somme à verser à l'université Jean Moulin Lyon III au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université Jean Moulin Lyon III, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 29 septembre 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme Baron et par l'université Jean Moulin Lyon III au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'université Jean Moulin Lyon III et à Mme A... Baron.
Copie en sera adressée au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré à l'issue de la séance du 4 décembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray, Mme Catherine Brouard-Gallet, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Vincent Mazauric, conseillers d'Etat et M. Hugo Bevort, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 23 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Hugo Bevort
La secrétaire :
Signé : Mme Anna Bahnini