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20/12/2024 | FRANCE | N°492185

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 20 décembre 2024, 492185


Vu les procédures suivantes :



1° Sous le n° 492185, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 29 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques demande au Conseil d'Etat :



1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie créé par la

loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouv...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 492185, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 29 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-1366 du 28 décembre 2023 pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie créé par la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables et de l'article 12 de la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative aux installations nucléaires ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le décret attaqué :

- a été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute de nouvelle consultation du public alors que le texte adopté diffère substantiellement du projet qui avait été soumis à la participation du public en application des articles L. 120-1 et L. 123-19-1 du code de l'environnement ;

- est dépourvu de base légale dès lors que l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie qui institue une présomption de " raison impérative d'intérêt public majeur ", dont ce décret fait application, est incompatible avec les exigences du droit de l'Union relatives au maintien ou au rétablissement de la continuité écologique des cours d'eau, notamment avec les objectifs fixés par la " directive cadre sur l'eau " et avec les dispositions du règlement portant sur la reconstitution du stock d'anguilles européennes et, faute de subordonner cette présomption à des conditions propres à assurer la protection de la biodiversité, méconnaît l'article 3 du règlement 2022/2577 du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables ;

- méconnaît l'obligation de préservation de la continuité écologique des cours d'eau et est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, ou d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'il inclut dans son champ d'application les installations sises sur des cours d'eau mentionnés au 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie ou est entaché d'une erreur d'appréciation en ce que les dispositions contestées fixent à 1 mégawatt seulement le seuil de puissance au-delà duquel les projets d'installations hydroélectriques peuvent être réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie ou est, à tout le moins, entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'il se réfère, pour l'application de la condition tenant à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, à la puissance totale du parc raccordé à la date de la demande de dérogation " espèces protégées ", au lieu de se référer à la puissance totale du parc autorisé à cette date.

2° Sous le n° 492205, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février, 23 mai et 4 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Fédération Environnement Durable, l'association Sites et Monuments, les associations Fédération Vienne Environnement Durable, Fédération Vent Contraire en Touraine et Berry, Aubrac Avenir, Echauffour Environnement, Vivre en Boischaut, Vivre en Boischaut Nord, l'association des Vrais Amis de la Forêt d'Arne, l'association Fédération Européenne Ecologie dite "Garder le Vivant", enfin l'association pour la Défense de l'Environnement de Villentrois-Faverolles en Berry demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret du 28 décembre 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que le décret attaqué :

- a été pris au terme d'une procédure irrégulière en ce que la note de présentation du projet mise à la disposition du public n'était pas accompagnée des avis rendus par le Conseil supérieur de l'énergie et par le Conseil national de la protection de la nature, en méconnaissance de l'exigence de sincérité de la procédure de participation du public et de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ;

- a été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le Gouvernement d'avoir publié ou rendu accessibles les observations et contributions du public tant, pendant la procédure de participation du public qu'à la date de publication du décret litigieux, en méconnaissance du dernier alinéa du II de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement et des exigences de sincérité de la procédure de participation du public ;

- a été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédé d'une évaluation environnementale au titre des plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, en méconnaissance de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 et des dispositions de l'article L. 122-4 du code de l'environnement ;

- méconnaît le principe de non-régression posé au 9° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- méconnaît l'article 3 du règlement 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 modifié établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables, en ce qu'il ne subordonne la présomption d'une " raison impérative d'intérêt public majeur " à aucune considération environnementale relative à la protection de la biodiversité ;

- méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie en ce qu'il se réfère, pour l'application de la condition tenant à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, aux seuls objectifs nationaux, alors que ces objectifs se déclinent régionalement en application de l'article L. 141-5-1 du code de l'énergie et devraient être pris en compte pour attribuer aux projets concernés le bénéfice de la présomption d'une " raison impérative d'intérêt public majeur " ;

- est entaché d'incompétence négative, faute de préciser la nature de la présomption instituée, les mesures appropriées de conservation des espèces, la date de référence d'une cessation d'activité permettant de libérer de la puissance et les modalités d'arbitrage entre projets concurrents, méconnaissant ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ;

- est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il fixe à 9 mégawatts seulement le seuil de puissance au-delà duquel un projet de parc éolien peut être réputé répondre à une " raison impérative d'intérêt public majeur " et en ce qu'il se réfère, pour l'application de la condition tenant à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, à la puissance totale du parc raccordé à la date de la demande de dérogation " espèces protégées " au lieu de se référer à la puissance totale du parc autorisé à cette date.

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3° Sous le n° 492248, par une requête, un mémoire en réplique et deux autres mémoires, enregistrés les 29 février, 9 août, 30 septembre et 3 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association française d'étude et de protection des poissons demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 2 du même décret du 28 décembre 2023.

Elle soutient que le décret attaqué :

- a été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute de nouvelle consultation du public, alors que le texte adopté diffère substantiellement du projet qui avait été soumis à la participation du public en application des articles L. 120-1 et L. 123-19-1 du code de l'environnement ;

- a été pris au terme d'une procédure irrégulière en ce que la note de présentation du projet mise à la disposition du public était insuffisamment précise, en méconnaissance des exigences du II de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement ;

- est dépourvu de base légale, dès lors que l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie dont il fait application est incompatible avec les objectifs et exigences de la directive " habitats " ;

- méconnaît le c) du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement en faisant obstacle à l'examen au cas par cas, lors de l'instruction des demandes de dérogation " espèces protégées ", de la condition tenant à l'existence d'une " raison impérative d'intérêt public majeur " pour le projet considéré ;

- méconnaît l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que les dispositions contestées de l'article 2, relatives aux projets d'installations hydroélectriques, fixent à 1 mégawatt seulement le seuil de puissance au-delà duquel ces projets peuvent être réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 ;

- le règlement (UE) n° 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 ;

- la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 ;

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- la directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 ;

- le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocats de l'association Fédération Environnement Durable et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle (...) de ces espèces (...) ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique (...) ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / (...) ". Aux termes du I de l'article L. 411-2 de ce code, un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées les modalités de mise en œuvre de ces interdictions, ainsi que : " 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante (...) et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : / (...) c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2-1 du même code, créé par l'article 19 de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables : " Sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du présent code, les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, issu de l'article 19 de cette loi : " Les projets d'installations de production d'énergies renouvelables au sens de l'article L. 211-2 du présent code ou de stockage d'énergie dans le système électrique, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d'énergie, sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dès lors qu'ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Ces conditions sont fixées en tenant compte du type de source d'énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés aux 1° et 2° du présent article : / 1° Pour le territoire métropolitain, la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-2, en particulier les mesures et les dispositions du volet relatif à la sécurité d'approvisionnement et les objectifs quantitatifs du volet relatif au développement de l'exploitation des énergies renouvelables, mentionnés aux 1° et 3° du même article L. 141-2 ; / 2° Pour le territoire de chacune des collectivités mentionnées à l'article L. 141-5, la programmation pluriannuelle de l'énergie qui lui est propre (...) ".

2. L'article 2 du décret en Conseil d'Etat du 28 décembre 2023, pris pour l'application, sur le territoire métropolitain continental, de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, fixe aux articles R. 211-1 à R. 211-6 du code de l'énergie, pour chaque type de source d'énergie renouvelable, les conditions dans lesquelles un projet d'installation est réputé répondre à une " raison impérative d'intérêt public majeur ". S'agissant de l'hydroélectricité, les articles R. 211-5 et R. 211-6 du code de l'énergie, applicables respectivement aux projets d'installations de production hydroélectrique gravitaire et aux projets de stations de transfert d'énergie par pompage, prévoient qu'un tel projet, situé sur le territoire métropolitain continental, satisfait aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 si sa puissance prévisionnelle totale, entendue comme la puissance maximale brute s'agissant des installations gravitaires, est supérieure ou égale à 1 mégawatt et si la puissance totale du parc correspondant, raccordé à ce territoire à la date de la demande de la dérogation " espèces protégées ", est inférieure à l'objectif maximal de puissance défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-1du code de l'énergie. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux installations sises sur des cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux mentionnés au 1° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement. S'agissant des projets d'installations éoliennes terrestres, l'article R. 211-2 du code de l'énergie prévoit qu'un tel projet situé sur le territoire métropolitain continental satisfait aux conditions prévues à l'article L. 211-2-1 si sa puissance prévisionnelle totale est supérieure ou égale à 9 mégawatts et si la puissance totale du parc éolien terrestre raccordé à la date de la demande de dérogation " espèces protégées " est inférieure à l'objectif maximal de puissance défini par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

3. Les trois requêtes visées ci-dessus tendent à l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de ce décret du 28 décembre 2023. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la légalité externe du décret attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". Si les dispositions des articles L. 120-1 et L. 123-19-1 du code de l'environnement, qui précisent les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux actes réglementaires de l'Etat ayant une incidence directe et significative sur l'environnement, impliquent que ces projets d'acte fassent l'objet d'une publication préalable permettant au public de formuler des observations, elles n'imposent de procéder à une nouvelle publication pour recueillir des observations du public sur les modifications qui sont ultérieurement apportées au projet de décision, au cours de son élaboration, que lorsque celles-ci ont pour effet de dénaturer le projet sur lequel ont été initialement recueillies les observations du public.

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet de décret litigieux a fait l'objet d'une consultation du public du 30 octobre au 24 novembre 2023, à l'issue de laquelle les auteurs du décret lui ont apporté, s'agissant des installations hydroélectriques, deux modifications consistant, d'une part, à distinguer les installations de production hydroélectrique gravitaire et les stations de transfert d'énergie par pompage, alors que le texte initial visait globalement les installations de production hydroélectrique, et, d'autre part, à réduire de 3 à 1 mégawatt la puissance prévisionnelle exigée pour que ces installations soient réputées répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur tant que les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie ne sont pas atteints. Il ressort des pièces du dossier que, pour la première de ces modifications, le pouvoir réglementaire s'est borné à expliciter le champ d'application des dispositions contestées, les stations de transfert d'énergie par pompage faisant l'objet d'objectifs spécifiques de développement dans le domaine de l'hydroélectricité en application du décret du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie, et que, pour la seconde, l'abaissement du seuil de puissance des installations de production hydroélectrique a entendu prendre en compte des observations faites au cours des consultations. Aucune de ces modifications, eu égard à leur nature et à leur portée, n'a eu pour effet de dénaturer le projet sur lequel ont été recueillies les observations du public. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret serait entaché d'irrégularité en l'absence de nouvelle consultation du public doit être écarté.

6. En deuxième lieu, le II de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement dispose que le projet de décision soumis à la consultation du public doit être " accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet ". Il ressort des pièces du dossier que la note de présentation du projet de décret, mise en ligne dans le cadre de la procédure de participation du public, rappelait le contexte énergétique et juridique dans lequel s'inscrivait ce texte, en particulier les conditions de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées, et indiquait l'objectif poursuivi, consistant à faciliter, au titre de la transition énergétique, la concrétisation de projets d'énergie renouvelable de taille modeste. Cette note précisait également la situation du parc de petite hydroélectricité et le champ d'application des dispositions projetées dans ce domaine. Par suite, alors même que la note de présentation ne précisait pas la contribution globale attendue des installations concernées à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, le moyen tiré de ce qu'elle aurait méconnu les dispositions du II de l'article L. 123-19-6 du code de l'environnement doit être écarté.

7. En troisième lieu, le II de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement prévoit que : " Les observations et propositions du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter de la mise à disposition prévue au même premier alinéa. / Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l'expiration d'un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d'une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d'absence d'observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation. / (...) / Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l'autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l'indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la consultation du public sur le projet de décret litigieux, qui s'est déroulée du 30 octobre au 24 novembre 2023, a donné lieu à une synthèse des observations et propositions du public, établie le 26 décembre 2023. Si les requérantes font valoir que l'absence de communication de l'avis défavorable émis par le Conseil national de la protection de la nature le 19 octobre 2023 et des avis émis par le Conseil supérieur de l'énergie les 26 septembre et 12 octobre 2023 aurait affecté la sincérité de la consultation et la régularité de la procédure de participation du public, il ne résulte pas des dispositions du II de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement que l'autorité procédant à la consultation soit tenue de communiquer au public les avis qu'elle a précédemment recueillis, ni qu'elle soit tenue de se conformer aux avis exprimés lors de la consultation. De même, la circonstance que les observations et propositions formulées pendant la durée de la consultation n'aient pas été rendues accessibles au public au fur et à mesure n'est pas de nature à affecter la sincérité de celle-ci et ne méconnaît aucune disposition régissant la procédure de participation du public. Enfin, la circonstance que la synthèse des observations et propositions du public n'aurait pas été rendue publique antérieurement ou concomitamment à la publication du décret attaqué est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de ce décret. Ainsi, alors que les requérantes ne font valoir aucun élément précis de nature à établir que les observations ou contributions du public n'auraient pas été prises en considération, les moyens tirés du défaut de sincérité et de l'irrégularité de la consultation du public ne peuvent qu'être écartés.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 2 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, cette évaluation est applicable aux " plans et programmes (...) : / - élaborés et/ou adoptés par une autorité au niveau national, régional ou local (...) et /- exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives (...) ". L'article 3 de cette directive prévoit qu'une évaluation environnementale est nécessaire " 2. (...) pour tous les plans et programmes: / a) qui sont élaborés pour les secteurs de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l'énergie, (...) de la gestion de l'eau, (...) et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE pourra être autorisée à l'avenir ; ou / b) pour lesquels, étant donné les incidences qu'ils sont susceptibles d'avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE. / (...) / 4. Pour les plans et programmes, autres que ceux visés au paragraphe 2, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l'avenir, les Etats membres déterminent s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ". Ces objectifs ont été transposées en droit interne par les dispositions du III de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, aux termes desquelles : " Font l'objet d'une évaluation environnementale systématique ou après examen au cas par cas par l'autorité environnementale (...) / 2° Les plans et programmes, autres que ceux mentionnés au II, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre de projets pourra être autorisée si ces plans sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement (...) ". Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment ses arrêts du 27 octobre 2016, D'Oultremont e.a. (C 290/15), du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C 671/16), du 12 juin 2019, Terre Wallonne (C-321/18) et du 25 juin 2020 A. e.a (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C-24/19), la notion de " plans et programmes " soumis à évaluation environnementale en application du paragraphe 2 de l'article 3 de la directive 2001/42/CE se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l'autorisation et la mise en œuvre d'un ou de plusieurs projets, mentionnés par la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. Sont également soumis à évaluation environnementale les plans et programmes mentionnés au paragraphe 4 de l'article 3, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre d'autres projets pourra être autorisée à l'avenir, lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement.

10. Le décret attaqué, qui se borne à préciser, en application de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, les deux conditions dans lesquelles un projet dans le domaine des énergies renouvelables est réputé répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur au sens de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, dans l'hypothèse où l'autorisation environnementale sollicitée suppose l'obtention d'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats, ne peut être regardé comme établissant un ensemble significatif de critères et de modalités au respect desquels serait subordonnée l'autorisation de tels projets, ni comme définissant un " cadre " au sens et pour l'application de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué, faute d'avoir été précédé d'une évaluation environnementale, aurait méconnu les exigences de cette directive et les dispositions de l'article L. 122-4 du code de l'environnement doit être écarté.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

11. Il résulte des dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, citées au point 1, que l'autorité administrative peut déroger à l'interdiction de destruction des espèces protégées ou de leurs habitats dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés, parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu notamment des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

12. Le décret attaqué, en ce qu'il précise les conditions dans lesquelles, pour chacune des sources d'énergie concernées, sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens et pour l'application du c du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, certains projets d'installations dans le domaine des énergies renouvelables, a été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, citées au point 1, qui ont renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir, sur la base des critères prévus par le législateur, les cas dans lesquels un projet est réputé répondre à un intérêt public majeur.

13. La présomption instituée, quant à la reconnaissance d'une telle raison impérative d'intérêt public majeur, par les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, mises en œuvre par le décret attaqué, présente, pour cette reconnaissance, un caractère irréfragable pour les projets d'installations auxquels elle s'applique qui satisfont aux critères édictés. Elle ne dispense toutefois pas ces projets du respect des autres conditions prévues pour la délivrance de la dérogation par l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'autorité administrative compétente devant s'assurer, sous le contrôle du juge, qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.

En ce qui concerne les moyens tirés du droit de l'Union :

14. En premier lieu, l'article 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages prévoit que : " 1. À condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) : / (...) / c) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique (...) ". Cet article, qui définit les conditions dans lesquelles les Etats-membres peuvent prévoir des dérogations à l'interdiction de destruction des espèces protégées ou de leurs habitats, ne fait pas obstacle à ce que le législateur définisse des critères permettant de considérer que certains projets sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, une telle présomption ne dispensant pas les projets concernés, ainsi qu'il a été dit précédemment, du respect des autres conditions prévues à l'article L. 411-2 du code de l'environnement pour la délivrance d'une dérogation.

15. En outre, le règlement 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 établissant un cadre en vue d'accélérer le déploiement des énergies renouvelables qui, aux termes de son article 1er, " établit des règles temporaires d'urgence " à cette fin, dispose, au paragraphe 1 de son article 3 : " La planification, la construction et l'exploitation d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables, le raccordement de ces installations au réseau (...) ainsi que les actifs de stockage, sont présumés relever de l'intérêt public supérieur et de l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans chaque cas, aux fins de l'article 6, paragraphe 4 et de l'article 16, paragraphe 1, point c), de la directive 92/43/CEE du Conseil, (...). Les États membres peuvent restreindre l'application de ces dispositions à certaines parties de leur territoire ainsi qu'à certains types de technologies ou de projets présentant certaines caractéristiques techniques, conformément aux priorités définies dans leurs plans nationaux intégrés en matière d'énergie et de climat. ". L'article 3 de ce règlement a ainsi lui-même institué une présomption selon laquelle les projets dans le domaine des énergies renouvelables relèvent de l'intérêt public supérieur aux fins de la législation environnementale pertinente de l'Union, notamment pour la mise en œuvre de la dérogation prévue à l'article 16 de la directive 92/43/CEE. Si ces dispositions n'étaient initialement applicables que pour une durée de 18 mois, elles ont été ultérieurement reprises par la directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 qui insère un nouvel article 16 septies à la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et fait obligation aux Etats-membres de prévoir, de façon désormais pérenne, un régime de présomption selon les mêmes règles. Dans ces conditions, les requérantes ne sont fondées à soutenir ni que les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie seraient incompatibles avec les objectifs de la directive 92/43/CEE, ni que le décret qu'elles attaquent serait pour ce motif privé de base légale.

16. En deuxième lieu, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie, qui se borne à établir une présomption de reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeure pour certains projets, serait incompatible avec les termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022, qui ne fait qu'énoncer que les Etats membres doivent veiller " au moins pour les projets reconnus comme présentant un intérêt public supérieur, à ce que, dans le cadre du processus de planification et d'octroi des permis, la construction et l'exploitation d'installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables et le développement de l'infrastructure du réseau connexe soient prioritaires lors de la mise en balance des intérêts juridiques dans chaque cas ", dès lors que des mesures appropriées de conservation des espèces sont prises. Ne peut, de même, qu'être écarté le moyen tiré de ce que le décret attaqué, en ce qu'il ne subordonne la présomption de raison impérative d'intérêt public majeur à aucune considération environnementale relative à la protection de la biodiversité, méconnaîtrait le paragraphe 2 de l'article 3 de ce règlement.

17. En troisième lieu, si les requérantes entendent se prévaloir des objectifs poursuivis par l'article 4 de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui fixe les objectifs environnementaux de la politique communautaire intégrée dans le domaine de l'eau, afin notamment de préserver et d'améliorer l'état des écosystèmes aquatiques et de promouvoir une utilisation durable de l'eau, transposés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, ainsi que de l'article 2 du règlement 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d'anguilles européennes, il résulte des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie qu'elles n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les projets d'installations hydroélectriques du respect des exigences relatives à la préservation des continuités écologiques des cours d'eau, ou de méconnaître le règlement relatif à la reconstitution du stock d'anguilles européennes. Les moyens tirés de l'invocation de cette directive et de ce règlement ne peuvent, par suite, qu'être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne la méconnaissance alléguée du principe de non-régression :

18. Les dispositions du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement énoncent au nombre des principes qui, " dans le cadre des lois qui en définissent la portée ", inspirent les politiques de l'environnement : " 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment (...) ". Ce principe s'impose au pouvoir réglementaire lorsqu'il détermine des règles relatives à l'environnement. Il ne peut toutefois être utilement invoqué lorsque le législateur a entendu en écarter l'application dans un domaine particulier ou lorsqu'il a institué un régime protecteur de l'environnement et confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de dérogations qu'il a lui-même prévues à ce régime.

19. Au cas présent, la présomption de reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur pour certains projets résulte de dispositions législatives dont le décret attaqué se borne à préciser les conditions d'application. Il s'ensuit que le principe de non-régression énoncé à l'article L. 110-1 du code de l'environnement ne peut être utilement invoqué à l'encontre de ce décret.

En ce qui concerne les autres moyens :

20. En premier lieu, le décret attaqué détermine les conditions d'application des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie. Ainsi qu'il a été dit au point 13, la présomption, quant à la reconnaissance d'une raison impérative d'intérêt public majeur, instituée par les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et mise en œuvre par le décret attaqué ne dispense pas les projets concernés du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d'une dérogation par l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué, qui précise les conditions dans lesquelles sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur méconnaîtraient les dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté comme inopérant.

21. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 17, les dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les projets d'installations hydroélectriques du respect des exigences relatives notamment à la préservation des continuités écologiques des cours d'eau. Au demeurant, le dernier alinéa des articles R. 211-5 et R. 211-6 du code de l'énergie résultant du décret attaqué précise que les dispositions du décret ne s'appliquent pas aux installations hydroélectriques implantées sur des cours d'eau ou parties de cours d'eau en très bon état écologique ou jouant le rôle de réservoirs biologiques mentionnés au 1° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 211-1 et suivants du code de l'environnement sur la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, de l'erreur de droit ou de l'erreur d'appréciation à cet égard, ne peuvent, dès lors, qu'être écartés comme inopérants.

22. En troisième lieu, il résulte de l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie que les conditions auxquelles doivent satisfaire les projets d'installations de production d'énergies renouvelables ou de stockage d'énergie, y compris leurs ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution, pour être réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, doivent tenir compte du type de source d'énergie renouvelable considérée, de la puissance prévisionnelle totale de l'installation projetée, et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs figurant, pour le territoire métropolitain, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie mentionnée à l'article L. 141-2 du code de l'énergie, en particulier des objectifs relatifs à la sécurité d'approvisionnement et au développement quantitatif de l'exploitation des énergies renouvelables. Par ces dispositions, le législateur a entendu lever certains obstacles au développement accéléré de la production d'énergie de sources renouvelables et de son stockage, notamment en facilitant la reconnaissance de l'intérêt public majeur de projets de taille modeste, susceptibles d'apporter une contribution utile à la réalisation des objectifs fixés par la programmation pluriannuelle, lesquels, s'agissant de l'hydroélectricité, s'appuient principalement sur le développement de la petite hydroélectricité, sur la rénovation des centrales déjà autorisées entre 1 et 4,5 mégawatts et sur l'équipement complémentaire d'installations existantes. En fixant à 1 mégawatt le seuil de puissance prévisionnelle au-delà duquel une installation de production hydroélectrique gravitaire et une station de transfert d'énergie par pompage sont réputées répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, tant que les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie dans ce secteur ne sont pas atteints, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu l'article L. 211-2-1 du code de l'énergie et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

23. De même, le pouvoir réglementaire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant à 9 mégawatts le seuil de puissance prévisionnelle au-delà duquel un projet d'installation éolienne terrestre sur le territoire métropolitain continental est réputé répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur tant que les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie dans ce secteur ne sont pas atteints.

24. En quatrième lieu, si le décret attaqué se réfère, pour l'application de la condition tenant à la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie sur le territoire métropolitain continental, aux objectifs nationaux fixés par le décret pris en application de l'article L. 141-1 du code de l'énergie, et non aux objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables prévus par ailleurs à l'article L. 141-5-1, cette circonstance ne traduit pas de méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code.

25. En cinquième lieu, les dispositions sur le fondement desquelles le décret attaqué a été pris visant à accélérer la réalisation des objectifs, définis en termes de puissance installée, par la programmation pluriannuelle de l'énergie, ce décret n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ni ne méconnaît les termes de la loi en ce qu'il se réfère, pour que l'autorité administrative apprécie si ces objectifs sont effectivement réalisés à la date à laquelle lui est soumise une demande de dérogation pour les espèces protégées, à la puissance totale des installations raccordées à cette date, et non à la puissance des installations simplement autorisées.

26. Enfin, le décret attaqué fixe de manière suffisamment précise et claire, sur la base des critères prévus par le législateur et pour chacune des sources d'énergie renouvelable concernées, les conditions dans lesquelles sont réputés répondre à une raison impérative d'intérêt public majeur, au sens et pour l'application du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, certains projets dans ce domaine. Ainsi, le moyen tiré du défaut de précision et d'intelligibilité du décret attaqué ne peut qu'être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques, l'association Fédération Environnement Durable et autres, ainsi que l'association française d'étude et de protection des poissons ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 28 décembre 2023.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques, de l'association Fédération Environnement Durable et autres, et de l'association française d'étude et de protection des poissons sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale de la pêche en France et de la protection des milieux aquatiques, à l'association Fédération Environnement Durable, représente unique pour l'ensemble des requérantes sous le n° 492295, et à l'association française d'étude et de protection des poissons, ainsi qu'au Premier ministre, à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 novembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et Mme Nathalie Destais, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 20 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Nathalie Destais

La secrétaire :

Signé : Mme Marie-Adeline Allain


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 492185
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2024, n° 492185
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Nathalie Destais
Rapporteur public ?: M. Nicolas Agnoux
Avocat(s) : SAS HANNOTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:492185.20241220
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