Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 octobre 2019 par lequel le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a refusé de lui délivrer un agrément pour l'accueil à son domicile de personnes âgées ou handicapées adultes, ensemble la décision du 22 avril 2020 de rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, de condamner la collectivité territoriale de Martinique à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement n° 2000413 du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 21BX02490 du 25 mai 2023, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 août et 27 novembre 2023 et le 6 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Martinique la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de 1'action sociale et des familles ;
- le code de la construction et de 1'habitation ;
- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;
- le décret no 2016-1785 du 19 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de Mme B... et à la SCP Melka, Prigent, Drusch, avocat de la collectivité territoriale de Martinique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 23 octobre 2019, le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique a refusé d'accorder à Mme B... un agrément pour l'accueil à son domicile de personnes âgées ou handicapées adultes en vue d'exercer l'activité d'accueillante familiale. Par un jugement du 12 avril 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 octobre 2019, ainsi que de la décision du 22 avril 2020 rejetant son recours gracieux, et à la condamnation de la collectivité territoriale de Martinique à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 mai 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour accueillir habituellement à son domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées adultes n'appartenant pas à sa famille jusqu'au quatrième degré inclus et, s'agissant des personnes handicapées adultes, ne relevant pas des dispositions de l'article L. 344-1, une personne ou un couple doit, au préalable, faire l'objet d'un agrément, renouvelable, par le président du conseil départemental de son département de résidence qui en instruit la demande. / La personne ou le couple agréé est dénommé accueillant familial. / L'agrément ne peut être accordé que si les conditions d'accueil garantissent la continuité de celui-ci, la protection de la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies (...). Un décret en Conseil d'Etat fixe les critères d'agrément. (...) "
Sur la portée de l'arrêté du 23 octobre 2019 :
3. Le premier alinéa de l'article R. 441-2 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " La demande d'agrément s'effectue au moyen d'un formulaire dont le contenu est fixé par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et des personnes handicapées. Le même arrêté fixe la liste des pièces à joindre à la demande, qui seules peuvent être exigées à ce titre. " L'article R. 441-3 de ce code prévoit que : " La demande est adressée au président du conseil départemental du département de résidence du demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou déposée auprès du service départemental compétent qui en donne récépissé. / Cette autorité dispose d'un délai de quinze jours pour en accuser réception suivant les modalités prévues par l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration ou, si la demande est incomplète, pour indiquer, dans les conditions prévues par l'article L. 114-5 du même code, les pièces manquantes dont la production est indispensable à l'instruction de la demande et le délai qu'elle fixe pour la production de ces pièces ". Enfin, 1'article R. 441-4 du même code dispose que : " La décision du président du conseil départemental est notifiée dans un délai de quatre mois à compter de la date d'accusé de réception du dossier complet. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, l'agrément est réputé acquis (...) ".
4. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... aurait, en particulier par son courrier du 9 septembre 2017, reçu le 6 novembre 2017, ou par celui du 11 décembre 2017, reçu le 19 décembre 2017 et demandant qu'on lui adresse " le dossier nécessaire au dépôt officiel " de sa demande d'agrément, déposé un dossier susceptible d'avoir, en application des dispositions citées au point 3, fait naître un agrément tacite antérieurement à l'arrêté du 23 octobre 2019 en litige. Par suite, la cour ne s'est pas méprise sur la portée de cet arrêté en jugeant qu'il constituait un refus opposé à une demande postérieure à celle que Mme B... estimait avoir déposée le 6 novembre 2017 et qu'il n'avait retiré aucun agrément tacite dont elle aurait alors été titulaire. Elle n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant qu'était sans incidence à cet égard la circonstance que Mme B... ait, le 15 décembre 2018, adressé à la collectivité territoriale de Martinique un courrier intitulé " recours gracieux d'agrément d'accueillant familial " et demandant l'instruction du dossier qu'elle affirmait avoir déposé le 7 février 2018.
Sur les conditions d'accueil requises :
5. Aux termes de l'article R. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Pour obtenir l'agrément mentionné à l'article L. 441-1 du présent code, la personne ou le couple proposant un accueil à son domicile, à titre habituel et onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes doit : /1° Justifier de conditions d'accueil permettant d'assurer la santé, la sécurité, le bien-être physique et moral des personnes accueillies ; / (...) 3° Disposer d'un logement dont l'état, les dimensions et l'environnement répondent aux normes fixées par les articles R. 822-24 et R. 822-25 du code de la construction et de l'habitation et soient compatibles avec les contraintes liées à l'âge ou au handicap des personnes accueillies ; (...) ". L'article R. 441-3-2 du même code prévoit à cet égard que : " Le président du conseil départemental s'assure du respect des conditions d'agrément fixées aux articles L. 441-1 et R. 441-1. A cette fin, il se réfère (...) aux conditions d'accueil et de sécurité, précisés dans le référentiel d'agrément figurant à l'annexe 3-8-3 du présent code (...) ".
S'agissant du logement de la personne ou du couple proposant un accueil à son domicile :
6. Il résulte des termes mêmes du 3° de l'article R. 441-1 du code de l'action sociale et des familles que l'état, les dimensions et l'environnement du logement de la personne ou du couple proposant un accueil à son domicile de personnes âgées ou handicapées adultes doivent répondre aux normes fixées par les articles R. 822-24 et R. 822-25 du code de la construction et de l'habitation. L'article R. 822-24 du code de la construction et de l'habitation prévoit ainsi que : " Le logement au titre duquel le droit à l'aide personnelle au logement est ouvert doit répondre aux caractéristiques de décence définies par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent " et l'article R. 822-25 du même code que : " Le logement au titre duquel le droit à l'aide personnelle au logement est ouvert doit présenter une surface habitable globale au moins égale à neuf mètres carrés pour une personne seule, seize mètres carrés pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de neuf mètres carrés par personne en plus, dans la limite de soixante-dix mètres carrés pour huit personnes et plus ". A ce titre, le point 2.1.1 de la sous-section 2.1 de l'annexe 3-8-3 de ce code, intitulée " référentiel d'agrément des accueillants familiaux ", prévoit que, pour délivrer l'agrément, le président du conseil départemental doit apprécier : " 2.1.1. La conformité du logement aux normes fixées par l'article R. 822-25 du code de la construction et de l'habitation et par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 et le respect des règles d'hygiène favorisant un accueil de qualité ".
S'agissant de la pièce réservée à la personne accueillie :
7. Il résulte du 1° de l'article R. 441-1 du code de l'action sociale et des familles que l'agrément de la personne ou du couple proposant un accueil à son domicile de personnes âgées ou handicapées adultes est subordonné à la justification de conditions d'accueil permettant d'assurer la santé, la sécurité et le bien-être physique et moral des personnes accueillies et du 3° de cet article que le logement doit être compatible avec les contraintes liées à l'âge ou au handicap des personnes accueillies. Le point 2.1.2 de la sous-section 2.1 de l'annexe 3-8-3 de ce code prévoit à ce titre que : " 2.1.2. L'existence d'une pièce réservée à chaque personne ou couple accueilli, sous le toit du demandeur, d'une superficie minimale de 9 m² pour une personne seule et 16 m² pour un couple, équipée d'une fenêtre accessible donnant directement sur l'extérieur et située à proximité d'une salle d'eau et de toilettes partagées ou privées adaptées, le cas échéant, aux personnes à mobilité réduite (...) ".
8. En déduisant de l'ensemble de ces dispositions que le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Martinique était fondé à opposer à Mme B... la nécessité, non seulement que son logement respecte les dispositions citées au point 6 et, notamment, les caractéristiques d'un logement décent, mais également que chaque personne ou couple âgé ou handicapé accueilli y dispose d'une pièce réservée conforme aux dispositions citées au point 7 et, notamment, qui soit d'une superficie minimale de neuf mètres carrés pour une personne seule et équipée d'une fenêtre accessible, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Martinique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de cette collectivité présentées au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la collectivité territoriale de Martinique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et à la collectivité territoriale de Martinique.
Copie en sera adressée au ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 20 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Tison
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber