Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, d'annuler la décision implicite confirmant, sur son recours préalable du 24 juin 2022, la décision du 22 juin 2022 de la caisse d'allocations familiales de La Réunion mettant à sa charge un indu de revenu de solidarité active de 8 441,46 euros au titre de la période de janvier 2020 à mars 2021 et de le décharger du paiement de cette somme et, d'autre part, d'annuler la décision explicite du 9 novembre 2022 de la caisse d'allocations familiales de La Réunion rejetant son recours préalable. Par un jugement nos 2201297, 2201534 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ces demandes.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 24 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de la caisse d'allocations familiales de La Réunion la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le décret n° 2019-1485 du 28 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyril Noël, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., bénéficiaire du revenu de solidarité active depuis le mois d'octobre 2018, a fait l'objet d'un contrôle de la caisse d'allocations familiales de La Réunion à la suite duquel il a été constaté qu'il disposait, au 1er janvier 2020, d'environ 78 000 euros sur son compte courant provenant, selon ses dires, de la vente d'une maison dont il avait hérité et, au 1er janvier 2021, d'environ 83 000 euros, l'augmentation de ce capital étant selon lui constituée des sommes perçues au titre du revenu de solidarité active. Estimant que M. B... n'était pas dans une situation justifiant le versement de cette allocation, la caisse d'allocations familiales de La Réunion lui en a supprimé le bénéfice à compter du 1er janvier 2020 et a, en outre, décidé de récupérer la somme de 8'441,46 euros au motif qu'il aurait indûment perçu cette allocation pendant la période de janvier 2020 à mars 2021. A la suite de l'annulation de cette décision par un jugement du 7 janvier 2022 du tribunal administratif de La Réunion, la caisse d'allocations familiales de La Réunion a de nouveau, par une nouvelle décision, le 22 juin 2022, mis à sa charge un indu de revenu de solidarité active de même montant. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 25 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation de cette décision, confirmée sur son recours administratif.
2. Aux termes de l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles : " Le revenu de solidarité active a pour objet d'assurer à ses bénéficiaires des moyens convenables d'existence, de lutter contre la pauvreté et de favoriser l'insertion sociale et professionnelle ".
3. D'une part, l'article L. 262-3 du même code prévoit que : " (...) L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article R. 262-6 de ce code dispose que : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. / Les dispositions de l'article R. 132-1 sont applicables au revenu de solidarité active ". Le premier alinéa de l'article L. 132-1 dispose qu'" Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire " et l'article R. 132-1 précise que : " (...) les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal (...) à 3 % du montant des capitaux ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 262-41 du même code : " Lorsqu'il est constaté par (...) les organismes chargés de l'instruction des demandes ou du versement du revenu de solidarité active, à l'occasion de l'instruction d'une demande ou lors d'un contrôle, une disproportion marquée entre, d'une part, le train de vie du foyer et, d'autre part, les ressources qu'il déclare, une évaluation forfaitaire des éléments de train de vie, hors patrimoine professionnel dans la limite d'un plafond fixé par décret, est effectuée. Cette évaluation forfaitaire est prise en compte pour la détermination du droit au revenu de solidarité active. / Les éléments de train de vie à prendre en compte, qui comprennent notamment le patrimoine mobilier ou immobilier, hors patrimoine professionnel dans la limite d'un plafond fixé par décret, sont ceux dont le foyer a disposé au cours de la période correspondant à la déclaration de ses ressources, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l'étranger, et à quelque titre que ce soit " et l'article R. 262-74 précise que " l'évaluation forfaitaire du train de vie prévue à l'article L. 262-41 prend en compte les éléments et barèmes suivants : (...) 10° Capitaux : 2,5 % du montant à la fin de la période de référence ".
5. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-28 de ce code : " Le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu, lorsqu'il est sans emploi ou ne tire de l'exercice d'une activité professionnelle que des revenus inférieurs à une limite fixée par décret, de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle ".
6. Pour rejeter la demande d'annulation de l'indu de revenu de solidarité active mis à sa charge présentée par M. B..., le tribunal administratif s'est fondé sur le seul article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles en estimant que, compte tenu de sa situation très particulière, l'allocation qui lui avait été versée ne répondait manifestement pas à la nécessité de disposer de moyens convenables d'existence dans un contexte de pauvreté et dans une démarche d'insertion sociale. En en jugeant ainsi en l'absence même de toute allégation de la caisse d'allocations familiales par laquelle celle-ci aurait fait valoir que les revenus réputés procurés par les capitaux détenus par l'allocataire en application des articles L. 132-1 et R. 132-1 du même code ou l'évaluation forfaitaire des éléments de son train de vie en application des articles L. 262-41 et R. 262-74 de ce code lui apporteraient des ressources supérieures au montant forfaitaire du revenu de solidarité active, que les indus en litige seraient justifiés au motif qu'il se serait rendu coupable de fraude ou de fausse déclaration et qu'il ne serait pas possible de connaître le montant exact de ses ressources, ou encore qu'il aurait méconnu ses obligations de rechercher un emploi, d'entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d'entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.
7. Il s'ensuit que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit à ce titre mise à la charge de la caisse d'allocations familiales de La Réunion, qui n'est pas partie à la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 25 mai 2023 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de La Réunion.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre des solidarités, de l'autonomie et de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 décembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Cyril Noël, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 20 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Cyril Noël
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber