Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 475348, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 21 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'office public de l'habitat Paris Habitat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision de sanction n° PR280223ANLS344810825N0 du 25 avril 2023 par laquelle la ministre de la transition énergétique a prononcé l'annulation de certificats d'économies d'énergie (CEE) correspondant à un volume de 42 884 235 kilowattheures cumulés actualisés (kWh cumac) dits " précarité " ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire le quantum de cette sanction ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Sous le n° 475349, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 21 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'office public de l'habitat Paris Habitat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision de sanction n° CL280223ANLS344810825N0 du 25 avril 2023 par laquelle la ministre de la transition énergétique a prononcé l'annulation de certificats d'économies d'énergie correspondant à un volume de 16 956 334 kWh cumac dits " classiques " ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire le quantum de cette sanction ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'office public de l'habitat Paris Habitat ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 décembre 2024, présentée dans chacune des affaires par la ministre de la transition écologique de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de l'office public de l'habitat Paris Habitat présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.
2. Il résulte de l'instruction que la ministre de la transition énergétique a délivré à l'office public de l'habitat Paris Habitat les certificats d'économies d'énergie qu'il avait demandés sous les références 10304NOB/44717, 10304NOB/53772 et 10304NOB/55319. Par une mise en demeure du 7 septembre 2022, l'administration a informé l'office que l'absence de mise en conformité, dans le délai d'un mois, des manquements identifiés à l'issue du contrôle de vingt-deux opérations était susceptible d'entraîner à son égard l'application des sanctions prévues par l'article L. 222-2 du code de l'énergie. Par des décisions du 25 avril 2023, la ministre de la transition énergétique a sanctionné l'office en annulant, sur le fondement du 3° de cet article, la totalité des certificats d'économies d'énergie accordés au titre de sept opérations estimées non conformes, soit des certificats dits " précarité " correspondant à un volume de 42 884 235 kWh cumac, ainsi que des certificats dits " classiques " correspondant à un volume de 16 956 334 kWh cumac et en prononçant, sur le fondement du 4° du même article, la suspension des demandes de certificats d'économies d'énergie contenant des opérations au bénéfice de personnes morales. L'office public de l'habitat Paris Habitat demande l'annulation des deux décisions prononçant l'annulation des certificats d'économies d'énergie accordés au titre des sept opérations estimées non conformes.
Sur les manquements reprochés au requérant :
En ce qui concerne les opérations référencées 37172-127427 et 37172-127427-1 :
3. Les sanctions prévues à l'article L. 222-2 du code de l'énergie sont prononcées, aux termes de l'article L. 222-3 du même code, " après que l'intéressé a reçu notification des griefs et a été mis à même de consulter le dossier et de présenter ses observations, assisté, le cas échéant, par une personne de son choix ". Le premier alinéa de l'article L. 222-5 de ce code dispose que " l'instruction et la procédure devant le ministre sont contradictoires ".
4. D'une part, il ressort des termes de la mise en demeure du 7 septembre 2022 que l'administration a fait grief à l'office public de l'habitat Paris Habitat de ne pas avoir transmis le contrat qu'il avait signé avec la société Engie pour l'exploitation et la maintenance d'installations thermiques, ce dont il résultait que les opérations référencées 37172-127427 et 37172-127427-1, correspondant à des volumes de certificats d'économies d'énergie dits " précarité " et " classiques " de, respectivement, 26 785 624 kWh cumac et 12 867 604kWh cumac étaient non conformes. Par un courrier du 5 octobre 2022, l'office a transmis ce contrat à l'administration. Toutefois, il résulte de l'instruction que la ministre a, pour la première fois dans la décision du 25 avril 2023, indiqué que ces opérations demeuraient non conformes, au motif que ce contrat avait une durée de sept ans alors que l'acte d'engagement transmis par l'office à l'appui de ses demandes référencées 10304NOB/44717, 10304NOB/53772 et 10304NOB/55319 mentionnait une durée de neuf ans, ce qui établissait que le volume de certificats d'économies d'énergie demandé avait été surestimé. En se fondant ainsi sur un grief nouveau, distinct de ceux qu'elle avait préalablement notifiés et sur lesquels l'office avait été mis à même des présenter ses observations, la ministre de la transition énergétique a méconnu les dispositions citées au point 3.
5. D'autre part, si le second grief relatif à ces deux opérations retenu par la ministre de la transition énergétique, tiré de ce que les attestations sur l'honneur transmises par l'office ne respectaient pas les dispositions de l'arrêté du 4 septembre 2014 fixant la liste des éléments d'une demande de certificats d'économies d'énergie et les documents à archiver par le demandeur, a été régulièrement notifié à l'office, il résulte de l'instruction qu'il n'a été maintenu par la ministre qu'en lien avec le grief relatif à la durée du contrat mentionné au point 4 et qu'il ne justifie pas à lui seul, dans les circonstances de l'espèce, une sanction au titre des deux opérations en cause.
En ce qui concerne l'opération référencée 17282-97022 :
6. D'une part, aux termes de l'article L. 221-9 du code de l'énergie : " Le demandeur des certificats d'économies d'énergie justifie de contrôles effectués sur les opérations d'économies d'énergie réalisées dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l'énergie. (...) / Les contrôles sont menés sur un échantillon d'opérations faisant l'objet de la demande de certificats d'économies d'énergie, sélectionnées de façon aléatoire, par l'entité effectuant les contrôles parmi l'ensemble des opérations faisant l'objet de la demande et soumises à l'obligation de contrôle. Chaque opération contrôlée fait l'objet d'un rapport qui atteste la réalité des opérations d'économies d'énergie et le respect des exigences réglementaires applicables. (...) Les demandes de certificats d'économies d'énergie précisent les opérations qui ont fait l'objet des contrôles. / (...) ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 222-1 du code de l'énergie : " Dans les conditions définies aux articles suivants, le ministre chargé de l'énergie peut sanctionner les manquements aux dispositions du chapitre Ier du présent titre ou aux dispositions réglementaires prises pour leur application ". L'article L. 222-2 du même code dispose qu'en " cas de manquement à des obligations déclaratives, le ministre met l'intéressé en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé. Il peut rendre publique cette mise en demeure. / Lorsque l'intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure ou lorsque des certificats d'économies d'énergie lui ont été indûment délivrés, le ministre chargé de l'énergie peut : / 1° Prononcer à son encontre une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et à la situation de l'intéressé (...); / 2° Le priver de la possibilité d'obtenir des certificats d'économies d'énergie (...) ; / 3° Annuler des certificats d'économies d'énergie de l'intéressé, d'un volume égal à celui concerné par le manquement ; / 4 ° Suspendre ou rejeter les demandes de certificats d'économies d'énergie faites par l'intéressé ; / 5° Annuler les certificats d'économies d'énergie acquis par les personnes qui n'ont pas mis en place ou qui ont mis en place de façon incomplète les dispositifs mentionnés à l'article L. 221-8 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le ministre chargé de l'énergie peut, en cas de manquement aux dispositions relatives aux certificats d'économies d'énergie, prononcer, dans le respect du principe de proportionnalité qui s'applique à toute sanction administrative, une ou plusieurs des sanctions qu'elles prévoient. Il peut notamment, en application du 3° de l'article
L. 222-2 du code de l'énergie, prononcer l'annulation de certificats d'économies d'énergie d'un volume égal à celui concerné par le manquement. Ces dispositions n'ont cependant ni pour objet ni pour effet de lui permettre de prononcer l'annulation de l'ensemble des certificats d'économies d'énergie accordés au titre de l'opération affectée par le manquement, mais seulement celle d'un volume de certificats égal à celui concerné par ce manquement.
8. Il résulte des pièces justificatives produites par le requérant que seulement 268 chaudières individuelles à haute performance énergétique ont été effectivement installées - et non, contrairement à ce que soutient le ministre, 266 - sur les 275 déclarées. Si un tel grief permettait au ministre de prononcer, l'annulation de certificats représentant un volume égal au volume des certificats concerné par ce manquement, il n'était pas susceptible de justifier l'annulation de l'ensemble des certificats, représentant un volume de 1 364 000 kWh cumac " classiques " et 8 934 200 kWh cumac " précarité ", accordés au titre de cette opération.
En ce qui concerne les quatre autres opérations sanctionnées :
9. Enfin, la matérialité des manquements reprochés, s'agissant des quatre autres opérations sanctionnées, n'est pas contestée, ni, d'ailleurs, la proportionnalité de la sanction infligée en tant qu'elle annule un volume de certificats d'économies d'énergie correspondant à ces opérations.
Sur la sanction :
10. Eu égard à leur nature et à leur gravité, ainsi qu'à la sanction, non contestée par le requérant, de suspension des demandes de certificats d'économies d'énergie contenant des opérations au bénéfice de personnes morales infligée par le ministre à raison des mêmes manquements, ceux des manquements reprochés à l'office public de l'habitat Paris Habitat qui peuvent, au regard de ce qui a été dit aux points 3 à 9, être retenus sont seulement de nature à justifier l'annulation de certificats d'économies d'énergie correspondant à un volume de 2 759 450 kWh cumac dits " classiques " et 7 391 827 kWh cumac dits " précarité ".
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'office public de l'habitat Paris Habitat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La sanction d'annulation de certificats d'économies d'énergie prise le 25 avril 2023 par la ministre de la transition énergétique à l'encontre de l'office public de l'habitat Paris Habitat est ramenée à l'annulation de certificats correspondants à un volume de 2 759 450 kWh cumac dits " classiques " et 7 391 827 kWh cumac dits " précarité ".
Article 2 : Les décisions d'annulation n° CL280223ANLS344810825N0 et n° PR280223ANLS344810825N0 du 25 avril 2023 de la ministre de la transition énergétique sont réformées en ce qu'elles ont de contraire à l'article 1er.
Article 3 : L'Etat versera à l'office public de l'habitat Paris Habitat la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'office public de l'habitat Paris Habitat et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 novembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,
Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas,
M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 20 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Lionel Ferreira
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Planchette
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :