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20/12/2024 | FRANCE | N°470275

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 20 décembre 2024, 470275


Vu la procédure suivante :



La société civile immobilière GLJ 64 a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge partielle de la taxe pour création de locaux à usage de bureaux en Ile-de-France à laquelle elle a été assujettie par un titre de perception émis à son encontre le

26 février 2020 pour un montant de 205 043 euros. Par un jugement n° 2016718 du

16 septembre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.



Par une ordonnance n° 22PA04955 du 3 janvier 2023, enregistrée le

9 janvi

er 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière GLJ 64 a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge partielle de la taxe pour création de locaux à usage de bureaux en Ile-de-France à laquelle elle a été assujettie par un titre de perception émis à son encontre le

26 février 2020 pour un montant de 205 043 euros. Par un jugement n° 2016718 du

16 septembre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 22PA04955 du 3 janvier 2023, enregistrée le

9 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré au greffe de cette cour le 22 novembre 2022, formé par la société GLJ 64 contre ce jugement.

Par ce pourvoi ainsi qu'un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 avril et 14 décembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société GLJ 64 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin Avocats, avocat de la société GLJ 64 ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société GLJ 64 a déposé le 23 février 2018 une demande de permis de construire portant sur un local commercial qu'elle a acquis le 24 avril 2018, situé au 21 boulevard Pasteur dans le 15ème arrondissement de Paris, qui mentionnait une surface créée de bureaux de 589,9 m². Elle n'a cependant déclaré qu'une surface de 103 m² de création de bureaux en vue de son assujettissement à la taxe pour création de locaux à usage de bureaux, commerce et stockage en Ile-de-France, au motif que, pour le surplus, le changement de destination des locaux était intervenu à une date pour laquelle la prescription était acquise. Par un arrêté du 3 octobre 2018, la maire de Paris lui a délivré ce permis de construire. Un titre de perception a été émis le 26 février 2020 en vue du recouvrement de cette taxe pour un montant de 205 043 euros, correspondant à la création de 503 m² de locaux à usage de bureaux. La société se pourvoit en cassation contre le jugement du 16 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge partielle de cette taxe par limitation de son assiette à 103 m² de surface de bureaux créée.

2. D'une part, aux termes, de l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable antérieurement au 1er janvier 2016 : " En région d'Ile-de-France, une redevance est perçue à l'occasion de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage définis au III de l'article 231 ter du code général des impôts ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 520-2 du même code, également dans sa rédaction applicable antérieurement au 1er janvier 2016 : " La redevance est due par la personne physique ou morale qui est propriétaire des locaux à la date de l'émission de l'avis de mise en recouvrement. L'avis de mise en recouvrement doit être émis dans les deux ans qui suivent soit la délivrance du permis de construire, soit le dépôt des déclarations prévues par les articles L. 520-9 et R. 422-3, soit, à défaut, le début des travaux ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 520-9 du même code, dans leur rédaction applicable antérieurement à cette même date : " Est assimilé, pour l'application du présent titre, à la construction de locaux à usage de bureaux ou de locaux de recherche le fait de transformer en de tels locaux des locaux précédemment affectés à un autre usage. / Les transformations de locaux visées au présent article devront à défaut d'une demande de permis de construire, faire l'objet d'une déclaration dont les modalités seront déterminées par le décret en conseil d'Etat prévu à l'article L. 520-11 ". Enfin, aux termes de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au

21 août 2007 : " Dans tous les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant dix ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt ". A compter du 22 août 2007, l'échéance du délai fixé par cet article a été ramenée à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt.

3. Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse d'une construction ou d'une transformation en infraction aux dispositions relatives au permis de construire ou aux déclarations exigibles, seule trouve à s'appliquer la prescription prévue par les dispositions de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales, qui court à compter de l'achèvement des travaux exécutés sans autorisation ou sans déclaration en vue de la construction de locaux à usage de bureaux ou de locaux de recherche ou de la transformation en de tels locaux, fait générateur de l'imposition.

4. D'autre part, l'article 50 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a modifié les dispositions du code de l'urbanisme citées au point 2 pour, en application de son V, les " opérations pour lesquelles la demande de permis de construire ou la déclaration préalable prévue à l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme est déposée à compter du 1er janvier 2016 ". Aux termes de l'article L. 520-1 du code de l'urbanisme, dans cette nouvelle rédaction : " En région d'Ile-de-France, une taxe est perçue à l'occasion de la construction, de la reconstruction ou de l'agrandissement des locaux à usage de bureaux, des locaux commerciaux et des locaux de stockage définis, respectivement, aux 1°, 2° et 3° du III de l'article 231 ter du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 520-2 de ce code, dans sa nouvelle rédaction : " Pour l'application du présent titre, est assimilée à la construction de locaux : 1° L'affectation à usage de bureaux de locaux précédemment affectés à un autre usage ; (...) ". Aux termes de l'article L. 520-4 du même code, dans sa nouvelle rédaction : " Le fait générateur de la taxe est la date de délivrance, expresse ou tacite, de l'autorisation de construire ou d'aménager prévue au présent code ou, à défaut, celle du début des travaux ou du changement d'usage des locaux ". Enfin, aux termes de l'article L. 520-14 du même code : " Le droit de reprise (...) s'exerce jusqu'au 31 décembre de la sixième année qui suit l'année du fait générateur ".

5. Ni pour l'application des anciennes dispositions citées au point 2, ni pour celle des nouvelles dispositions citées au point 4, la délivrance, expresse ou tacite, de l'autorisation de construire ou d'aménager mentionnée à l'article L. 520-2 ancien ou au nouvel article L. 520-4 du code de l'urbanisme, lorsqu'elle régularise une transformation précédemment intervenue en infraction aux dispositions relatives au permis de construire ou aux déclarations exigibles, ne constitue un nouveau fait générateur de la taxe prévue à l'article L. 520-1 de ce code, ouvrant à l'administration un nouveau délai de reprise.

6. Il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal a déduit de l'absence d'autorisation d'urbanisme et de procès-verbal constatant l'achèvement des créations de bureaux effectuées antérieurement à l'acquisition de l'immeuble par la société requérante, que le permis de construire obtenu par celle-ci en 2018 constituait le fait générateur de la taxe en litige, alors que, s'agissant d'une transformation qui serait intervenue avant 2016, le fait générateur était intervenu dès l'achèvement des travaux, conformément à ce qui a été dit au point 3, et que, ainsi qu'il l'a été dit au point 5, le permis obtenu en 2018 pour régulariser cette transformation déjà réalisée ne pouvait être regardé comme un nouveau fait générateur de la taxe. Il suit de là qu'en jugeant que la circonstance qu'une telle transformation était intervenue avant l'acquisition des locaux par la société GLJ 64 ne pouvait être utilement invoquée par la société requérante pour soutenir que le droit de reprise de l'administration était expiré, le tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède que la société GLJ 64 est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 16 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société GLJ 64 la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société GLJ 64 et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 novembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas,

M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 20 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Planchette

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 470275
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - PRESCRIPTION - DÉLAI DE REPRISE DE DROIT COMMUN (ART - L - 186 DU LPF) – APPLICATION À LA TAXE POUR CONSTRUCTION DE BUREAUX - DE LOCAUX COMMERCIAUX OU DE STOCKAGE EN ILE-DE-FRANCE AVANT LA LFR POUR 2015 (ART - L - 520-1 ET S - DU CODE DE L’URBANISME) – CONSTRUCTION OU TRANSFORMATION SURVENUE EN INFRACTION AUX DISPOSITIONS RELATIVES AU PERMIS DE CONSTRUIRE OU AUX DÉCLARATIONS EXIGIBLES [RJ1] – DÉLIVRANCE D’UNE AUTORISATION OU DÉCLARATION RÉGULARISANT UNE TRANSFORMATION – NOUVEAU FAIT GÉNÉRATEUR OUVRANT UN NOUVEAU DÉLAI – ABSENCE.

19-01-03-04 1) Il résulte de l'article L. 520-1, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2016, L. 520-2 et des deux premiers alinéas de l'article L. 520-9 du code de l'urbanisme, ainsi que de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales (LPF), que dans l'hypothèse d'une construction ou d'une transformation en infraction aux dispositions relatives au permis de construire ou aux déclarations exigibles, seule trouve à s'appliquer la prescription prévue par les dispositions de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales, qui court à compter de l'achèvement des travaux ou des aménagements exécutés sans autorisation ou sans déclaration en vue de la construction de locaux à usage de bureaux ou de locaux de recherche ou de la transformation en de tels locaux, fait générateur de l'imposition....2) Pour l’application des articles L. 520-1 et suivants du code de l’urbanisme, dans leur version antérieure à la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 comme dans celle qui en résulte, la délivrance, expresse ou tacite, de l'autorisation de construire ou d'aménager mentionnée à l’article L. 520-2 ancien ou au nouvel article L. 520-4 du code de l’urbanisme, lorsqu’elle régularise une transformation précédemment intervenue en infraction aux dispositions relatives au permis de construire ou aux déclarations exigibles, ne constitue un nouveau fait générateur de la taxe prévue à l’article L. 520-1 de ce code, ouvrant à l’administration un nouveau délai de reprise.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXES OU REDEVANCES LOCALES DIVERSES - TAXE POUR CONSTRUCTION DE BUREAUX - DE LOCAUX COMMERCIAUX OU DE STOCKAGE EN ILE-DE-FRANCE (ART - L - 520-1 ET S - DU CODE DE L’URBANISME) – 1) APPLICATION DU DÉLAI DE REPRISE DE DROIT COMMUN - AVANT LA LFR POUR 2015 (ART - L - 186 DU LPF) – CONSTRUCTION OU TRANSFORMATION SURVENUE EN INFRACTION AUX DISPOSITIONS RELATIVES AU PERMIS DE CONSTRUIRE OU AUX DÉCLARATIONS EXIGIBLES [RJ1] – 2) DÉLIVRANCE D’UNE AUTORISATION OU DÉCLARATION RÉGULARISANT UNE TRANSFORMATION – NOUVEAU FAIT GÉNÉRATEUR OUVRANT UN NOUVEAU DÉLAI DE REPRISE – ABSENCE.

19-03-06 1) Il résulte de l'article L. 520-1, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2016, L. 520-2 et des deux premiers alinéas de l'article L. 520-9 du code de l'urbanisme, ainsi que de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales (LPF), que dans l'hypothèse d'une construction ou d'une transformation en infraction aux dispositions relatives au permis de construire ou aux déclarations exigibles, seule trouve à s'appliquer la prescription prévue par les dispositions de l'article L. 186 du livre des procédures fiscales, qui court à compter de l'achèvement des travaux ou des aménagements exécutés sans autorisation ou sans déclaration en vue de la construction de locaux à usage de bureaux ou de locaux de recherche ou de la transformation en de tels locaux, fait générateur de l'imposition....2) Pour l’application des articles L. 520-1 et suivants du code de l’urbanisme, dans leur version antérieure à la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 comme dans celle qui en résulte, la délivrance, expresse ou tacite, de l'autorisation de construire ou d'aménager mentionnée à l’article L. 520-2 ancien ou au nouvel article L. 520-4 du code de l’urbanisme, lorsqu’elle régularise une transformation précédemment intervenue en infraction aux dispositions relatives au permis de construire ou aux déclarations exigibles, ne constitue un nouveau fait générateur de la taxe prévue à l’article L. 520-1 de ce code, ouvrant à l’administration un nouveau délai de reprise.


Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2024, n° 470275
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: M. Bastien Lignereux
Avocat(s) : SAS HANNOTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:470275.20241220
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