Vu la procédure suivante :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 mars 2017 par lequel le maire de A... (Gironde) a prolongé son congé de longue maladie du 12 décembre 2016 au 10 juin 2017, et d'autre part, de condamner cette commune à lui verser la somme de 22 275,81 euros en réparation de la perte de revenus et du préjudice moral résultant de cette décision et de la nomination d'un nouveau directeur des services techniques. Par un jugement n° 1704019 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune à lui verser une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et rejeté le surplus de ses demandes.
Par un arrêt n° 19BX03486 du 4 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, rejeté l'appel formé par Mmes E... et F... D... et MM. G... et B... D..., ayant droits de M. C... D..., contre ce jugement, et d'autre part, faisant droit à l'appel incident formé par la commune de A..., annulé ce jugement et rejeté la demande de M. D....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 septembre et 6 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mmes et MM. D... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel et de rejeter l'appel incident de la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, auditeur,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de Mme E... D..., de M. G... D..., de M. B... D... et de Mme F... D... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... D..., technicien principal de 1ère classe, a été recruté par la commune de A... pour occuper les fonctions d'adjoint au directeur des services techniques à compter du 1er septembre 2009. Il a exercé, à titre temporaire et transitoire à l'occasion de leur vacance, les fonctions de directeur des services techniques à compter du 1er mars 2015 puis a été placé en congé de maladie à compter du 11 juin suivant, puis en congé de longue maladie. Alors que M. D... avait demandé sa réintégration dans ses fonctions au terme de la période de congé de longue maladie expirant le 11 décembre 2016, le maire de A..., par un arrêté du 2 mars 2017, a prolongé son congé de longue maladie du 12 décembre 2016 au 10 juin 2017. Par un jugement du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux, saisi par M. D... d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 22 275,81 euros en réparation des conséquences dommageables de son maintien en congé de longue maladie ainsi que du recrutement d'un nouveau directeur des services techniques, a condamné la commune à verser 1 000 euros à M. D... au titre de son préjudice moral et a rejeté le surplus de la demande. Les ayants-droits de M. D..., décédé, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 4 juillet 2022 par lequel la cour administrative de Bordeaux, d'une part, faisant droit à l'appel incident de la commune, a annulé ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser une indemnité et, d'autre part, a rejeté leur appel dirigé contre ce jugement en tant qu'il leur faisait grief.
2. En premier lieu, aux termes de de l'article 31 du décret du 30 juillet 1987 relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, dans sa version applicable au litige : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent. / Cet examen peut être demandé soit par le fonctionnaire, soit par la collectivité ou l'établissement dont il relève (...) ". Aux termes de l'article 32 du même décret : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et éventuellement de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité territoriale ou l'intéressé jugent utile de le provoquer, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend celles-ci dans les conditions fixées à l'article 33 ci-dessous. / Si, au vu des avis prévus ci-dessus, le fonctionnaire est reconnu inapte à exercer ses fonctions, le congé continue à courir ou, s'il était au terme d'une période, est renouvelé. Il en est ainsi jusqu'au moment où le fonctionnaire sollicite l'octroi de l'ultime période de congé rétribuée à laquelle il peut prétendre (...) ". Aux termes de son article 33 : " Le comité médical, consulté sur l'aptitude d'un fonctionnaire territorial mis en congé de longue maladie ou de longue durée à reprendre l'exercice de ses fonctions, peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi de l'intéressé sans qu'il puisse porter atteinte à sa situation administrative (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'avis du comité médical compétent ou celui du comité médical supérieur, s'il a été saisi, est défavorable à la réintégration de l'agent ou n'y est favorable qu'à partir d'une certaine date, la collectivité ou l'établissement dont relève l'agent ne peut pas le reconnaître apte à reprendre ses fonctions, le cas échéant avant cette date. L'agent qui demande l'annulation de la décision prise conformément à cet avis en soutenant qu'il est apte à reprendre ses fonctions doit être regardé comme contestant l'appréciation portée par le comité médical.
4. Dès lors, si la cour a pu juger, après avoir relevé que le comité médical départemental compétent avait émis le 15 février 2017 l'avis de prolonger le congé de longue maladie de M. D... pour une durée de six mois à compter du 11 décembre 2016 et ne l'avait déclaré apte à reprendre ses fonctions qu'à l'issue de cette période, que la commune était tenue de rejeter sa demande de reprendre ses fonctions, elle a en revanche commis une erreur de droit en en déduisant que M. D... ne pouvait utilement soutenir que son maintien en congé de longue maladie procédait d'une d'erreur d'appréciation quant à son aptitude.
5. En second lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la date à laquelle M. D... réclamait d'être réintégré dans ses fonctions, un nouveau directeur des services techniques avait été nommé par un arrêté du 24 octobre 2016 devenu définitif et, d'autre part, la cour a jugé, sans que le pourvoi ne conteste son arrêt sur ce point, que M. D... ne remplissait pas les conditions pour être nommé sur cet emploi. En en déduisant, de manière suffisamment motivée, que M. D... ne pouvait utilement se prévaloir d'un préjudice en raison de l'illégalité alléguée de l'arrêté du 24 octobre 2016, dès lors qu'il ne pouvait prétendre à être nommé sur ce poste, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mmes et MM. D... ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent que dans la mesure où il se prononce sur leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2017 prolongeant le congé de longue maladie et à l'indemnisation des conséquences dommageables de cette prolongation, ainsi que sur l'appel incident de la commune de A..., relatif également à l'indemnisation de ces conséquences.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans la mesure de la cassation prononcée.
8. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le jugement du 3 juillet 2019 du tribunal administratif de Bordeaux serait irrégulier, faute pour sa minute de comporter les signatures requises, manque en fait.
9. En deuxième lieu, pour contester l'appréciation portée par le comité médical départemental sur l'aptitude de M. D..., les requérants font valoir qu'il reprend des conclusions figurant dans le certificat établi par le médecin agréé, contradictoires avec ses constatations et dont ce dernier a lui-même reconnu ultérieurement qu'elles étaient entachées d'une erreur matérielle. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si le médecin agréé a admis dans un échange par courriel que le certificat présentait une " coquille ", les termes dont il indiquait qu'ils devaient être rectifiés ne sont pas ceux par lesquels il proposait " la prolongation du congé de longue maladie à compter du 11/12/2016 ". Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'avis du comité médical départemental rendu le 15 février 2017 serait entaché d'une erreur d'appréciation et qu'en conséquence, l'arrêté du 2 mars 2017 serait illégal et le maintien de M. D... en congé de longue maladie fautif.
10. Enfin, aux termes de l'article 5 du décret du 30 juillet 1987 dans sa version applicable au litige : " Le comité médical supérieur institué auprès du ministre chargé de la santé par le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 susvisé peut être appelé, à la demande de l'autorité compétente ou du fonctionnaire concerné, à donner son avis sur les cas litigieux, qui doivent avoir été préalablement examinés en premier ressort par les comités médicaux. / (...) ".
11. Si les requérants soutiennent que la commune de A... a commis une faute en ne donnant pas suite à la demande que M. D... aurait formée, par courrier du 30 mars 2017, de saisir le comité médical supérieur afin qu'il rende un nouvel avis sur son aptitude, il résulte de l'instruction que M. D..., dans ce courrier, demandait à la commune, à titre principal, de saisir le comité médical départemental d'une demande de rectification de son avis du 15 février et, à titre subsidiaire, de saisir le comité médical supérieur afin qu'il rende un nouvel avis sur son aptitude. Le comité médical départemental ayant procédé, le 19 avril, à la rectification demandée, M. D... n'a, par la suite, pas demandé à la commune de saisir le comité médical supérieur. Ainsi, il ne peut être regardé comme ayant exercé son droit de recours devant celui-ci. La commune n'a, dès lors, pas fait obstacle à l'exercice d'un tel recours et n'a pas commis de faute à cet égard.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de A... est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux l'a, par le jugement attaqué, condamnée à réparer le préjudice moral causé par la situation d'incertitude dans laquelle M. D... aurait été maintenu du fait de l'absence de saisine du comité médical supérieur et a mis à sa charge une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par ce même jugement, le tribunal a rejeté les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2017 prolongeant le congé de longe maladie et, pour leur surplus, celles tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de cette prolongation.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des ayants-droit de M. D... la somme que la commune de A... demande au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 4 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions des ayants-droit de M. D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2017 prolongeant le congé de longe maladie et à l'indemnisation des conséquences dommageables de cette prolongation, ainsi que sur l'appel incident de la commune de A....
Article 2 : Le jugement du 3 juillet 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il condamne la commune de A... à verser à M. A... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et en tant qu'il met une somme à la charge de la même commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La requête présentée par les ayants-droit de M. D... devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et le surplus des conclusions de leur pourvoi sont rejetés.
Article 4 : Les conclusions de la commune de A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme E... D..., première requérante dénommée, et à la commune de A....
Délibéré à l'issue de la séance du 4 décembre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Nicolas Jau, auditeur-rapporteur.
Rendu le 20 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin