Vu la procédure suivante :
M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler les décisions des 1er octobre et 6 novembre 2020 par lesquelles la commission juridique de la ligue nationale de rugby a refusé d'homologuer le contrat conclu le 12 juin 2020 avec le club du Castres Olympique pour son recrutement en qualité de joueur de rugby professionnel pour les saisons sportives 2020-2021 et 2021-2022 et, d'autre part, de condamner la ligue nationale de rugby à lui verser une indemnité de 700 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la non homologation de ce contrat.
Par un jugement n° 2100566, 2110569 du 13 mai 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 22PA03119 du 11 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 7 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la ligue nationale de rugby la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du sport ;
- les règlements administratif et médical de la ligue nationale de rugby pour la saison 2020-2021 ;
- la convention collective du rugby professionnel dans sa rédaction du 17 juillet 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. A..., et à la SCP Bauer-Violas-Feschotte-Desbois-Sebach, avocat de la ligue nationale de rugby ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le club de rugby professionnel du Castres Olympique a signé le 12 juin 2020 avec M. B... C... A... un contrat à durée déterminée pour les saisons 2020-2021 et 2021-2022, qu'il a transmis pour homologation à la ligue nationale de rugby (LNR). Le président de la commission juridique de la LNR a refusé le 1er octobre 2020 l'homologation de ce contrat pour raison médicale et rejeté le 6 novembre 2020 le recours gracieux formé par M. A... contre cette décision. Ce dernier se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 décembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Paris rejetant ses demandes tendant, d'une part, à l'annulation des décisions des 1er octobre et 6 novembre 2020 et, d'autre part, à la condamnation de la LNR à lui verser une indemnité de 700 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir ainsi subis.
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication du sens des conclusions a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, à peine d'irrégularité de la décision rendue, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3. Il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d'appel que le rapporteur public a mis en ligne le sens de ses conclusions le vendredi 17 novembre 2023 à 13h, en vue d'une audience publique qui s'est tenue le lundi 20 novembre à 10h15. M. A... a ainsi été mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, le sens des conclusions. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait rendu son arrêt au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 222-2-6 du code du sport : " Le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d'homologation du contrat de travail à durée déterminée du sportif (...) et déterminer les modalités de l'homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d'absence d'homologation du contrat. / Les conditions dans lesquelles l'absence d'homologation du contrat peut faire obstacle à son entrée en vigueur sont déterminées par une convention ou un accord collectif national ". Aux termes de l'article 12 du règlement administratif de la LNR : " Les contrats conclus par un club (...) avec les joueurs professionnels (...) sont soumis aux conditions de fond et de forme fixées par les règlements de la LNR et la convention collective du rugby professionnel ". Aux termes de l'article 13 du même règlement : " Ces contrats (...) sont soumis à la procédure d'homologation, dans les conditions fixées par : / - la convention collective du rugby professionnel ; / - le présent règlement administratif et son annexe n° 3 relative à la procédure d'homologation. / (...) L'homologation des contrats (...) des joueurs (...) relève de la compétence du service juridique de la LNR agissant sous le contrôle de la commission juridique de la LNR (...) ". En vertu de l'article 3, point 1, d, de l'annexe 3 à ce règlement figure parmi les pièces nécessaires à l'homologation des contrats des joueurs " le certificat médical établi suivant le modèle fourni par la LNR et les conditions fixées par le règlement médical de la LNR, délivré par le médecin habilité par le club, indiquant que le joueur ne présente aucune contre-indication à la pratique du rugby ". Aux termes de l'article 741 du règlement médical de la LNR : " L'homologation des contrats des joueurs des clubs professionnels est subordonnée à l'envoi à la LNR d'un certificat médical établissant l'absence de contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles. / Ce certificat médical est effectué sous la responsabilité du médecin habilité par le club ; il est établi sur les formulaires fournis par la LNR, et en fonction du référentiel médical commun élaboré par la commission médicale de la LNR. (...) ". Aux termes de l'article 2.2.1 du titre II de la convention collective du rugby professionnel : " Le club doit, préalablement à la date d'entrée en vigueur prévue au contrat (...), effectuer, sous la responsabilité du médecin de club, un examen médical établissant l'absence de contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles, conformément au règlement médical de la LNR et joindre ce certificat aux fins d'homologation ". Enfin, aux termes du 2 du b de l'article 5.3.4 du même titre : " Les examens destinés à établir l'absence de contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles sont effectués dans les conditions prévues à l'article 2.2 du présent chapitre. / S'ils démontrent une contre-indication médicale, le joueur aura la possibilité de saisir la commission médicale de la LNR aux fins de désignation d'un médecin expert pour réalisation d'une contre-expertise ".
5. Il résulte de ces dispositions et stipulations que le contrat de travail entre un club de rugby professionnel et un joueur doit faire l'objet d'une homologation préalable par la LNR. Parmi les pièces nécessaires à l'homologation d'un tel contrat qui doivent être transmises à la LNR figure un certificat médical, établi suivant le modèle fourni par la LNR et délivré par le médecin habilité par le club, indiquant que le joueur ne présente aucune contre-indication à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles. Ainsi, la circonstance que le médecin habilité par le club conclut, après l'examen médical du joueur, à l'existence d'une contre-indication, même temporaire, à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles, et non à l'existence d'une simple période d'indisponibilité, fait obstacle à l'homologation du contrat. Dans ce cas, le joueur peut saisir la commission médicale de la LNR, à qui il incombe alors de désigner un médecin en vue de la réalisation d'une contre-expertise. Si le médecin ainsi désigné conclut à l'absence de contre-indication, le joueur peut se prévaloir de ce second certificat médical pour demander l'homologation de son contrat.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, premièrement, que le club a transmis à la LNR, le 1er octobre 2020, un certificat établi par le médecin habilité par celui-ci qui faisait état d'une " contre-indication à la pratique du rugby professionnel en compétition ", deuxièmement, que le certificat établi le 28 octobre 2020 par le médecin désigné par la commission médicale de la LNR, saisie par M. A... en vue de réaliser une contre-expertise, concluait à l'existence d'une " contre-indication temporaire à la pratique du rugby professionnel (...) pour une période minimale de trois mois compte tenu du temps estimé nécessaire dévolu au traitement médical de première intention de sa tendinopathie fissuraire rotulienne droite " et, troisièmement que, pour rejeter le recours gracieux formé par M. A... contre sa décision du 1er octobre 2020, la commission juridique de la LNR a, par un premier motif, indiqué qu'aucune disposition ne l'autorisait à prendre en compte un autre certificat médical que celui délivré par le médecin habilité par le club et, par un second motif, relevé que la circonstance que le certificat établi par le médecin désigné pour la contre-expertise mentionnait l'existence d'une contre-indication faisait en tout état de cause obstacle, alors même que cette contre-indication n'était que temporaire, à l'homologation du contrat de M. A....
7. En jugeant que l'existence d'une contre-indication, même temporaire, à la pratique du rugby dans les compétitions professionnelles pouvait légalement fonder une décision de refus d'homologation d'un contrat de travail et que le second motif exposé par la commission juridique de la LNR suffisait, par suite, à justifier sa décision de rejet du recours gracieux formé par M. A..., la cour administrative d'appel n'a commis aucune des erreurs de droit qui lui sont reprochées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
9. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la ligue nationale de rugby, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros à verser à la ligue nationale de rubgy au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : M. A... versera à la ligue nationale de rugby une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... C... A... et à la ligue nationale de rugby.
Délibéré à l'issue de la séance du 20 novembre 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Christophe Pourreau, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 17 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Christophe Pourreau
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard