Vu la procédure suivante :
L'association Non au bétonnage de Gournay-sur-Marne, Mme C... D... et M. B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 30 août 2021 par lequel le maire de Gournay-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) a accordé un permis de construire à la société Montoit Immobilier, ainsi que la décision du 28 décembre 2021 ayant rejeté leur recours gracieux. Par un jugement n° 2203318 du 6 avril 2023, le tribunal administratif a, d'une part, annulé cet arrêté et cette décision, en tant qu'ils méconnaissent les dispositions de l'article UG 8 du règlement du plan local d'urbanisme et qu'ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et 1.1.2 du plan de prévention du risque inondation concernant les communes riveraines de la Marne dans le département de la Seine-Saint-Denis, et, d'autre part rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 7 septembre 2023, la société Montoit Immobilier demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule partiellement l'arrêté et la décision attaqués ;
2°) de mettre à la charge solidaire de l'association Non au bétonnage de Gournay-sur-Marne, de Mme D... et de M. A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Montoit Immobilier ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 30 août 2021, le maire de Gournay-sur-Marne a accordé à la société Montoit Immobilier un permis de construire valant division parcellaire en vue de la construction d'un ensemble immobilier de huit maisons individuelles sur deux parcelles cadastrées section D n° 174 et n° 175, situées 98 promenade André Ballu à Gournay-sur-Marne. L'association Non au bétonnage de Gournay-sur-Marne, Mme D... et M. A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler cet arrêté et la décision de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement du 6 avril 2023, le tribunal administratif, statuant sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme a annulé l'arrêté et la décision litigieux " en tant qu'ils méconnaissent les dispositions de l'article UG 8 du règlement du PLU relatives à l'implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur un même terrain et qu'ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions des articles R. 111-2 et 1.1.2 du PPRI de la Marne. " La société Montoit Immobilier se pourvoit en cassation contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. " Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. " Aux termes de l'article R. 111-2 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "
3. Il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que l'illégalité du permis de construire litigieux relevée par le tribunal administratif, résultant d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article 1.1.2 du plan de prévention du risque par débordement direct de la Marne, compte tenu des caractéristiques du projet et du risque d'inondation auquel il était exposé, ne pouvait être regardée comme n'affectant qu'une partie identifiable du projet. Ainsi, s'il appartenait au tribunal administratif de rechercher si le permis de construire pouvait faire l'objet d'une régularisation sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et, dans l'affirmative, de surseoir à statuer en fixant un délai pour cette régularisation, il s'est mépris sur les pouvoirs qu'il tenait de l'article L. 600-5 et a méconnu son office en prononçant une annulation se présentant comme " partielle " du permis de construire litigieux sur le fondement des dispositions de cet article, alors que cette annulation ne laisse subsister aucun élément du projet initial.
4. Il s'ensuit que l'annulation " partielle " prononcée par le tribunal administratif de Montreuil doit être regardée, compte tenu de sa portée, comme une annulation totale de ce permis. Dès lors, et contrairement à ce que la société Montoit Immobilier soutient en réponse au moyen d'ordre public relevé d'office qui lui a été communiqué, il appartient au juge de cassation de prononcer l'annulation totale du jugement attaqué, alors même que la société, qui s'était également méprise sur la portée réelle de ce jugement, avait cru pouvoir n'en demander que l'annulation " partielle ".
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, que le jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil doit être annulé.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Non au bétonnage de Gournay-sur-Marne d'une part, de Mme D... et de M. A... une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Montoit Immobilier.
Copie en sera adressée à la commune de Gournay-sur-Marne, à l'association Non au bétonnage de Gournay-sur-Marne, à Mme C... D... et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 24 octobre 2024 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat et M. Jean de L'Hermite, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 13 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Bertrand Dacosta
Le rapporteur :
Signé : M. Jean de L'Hermite
La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Léandre Monnerville