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10/12/2024 | FRANCE | N°497912

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 10 décembre 2024, 497912


Vu la procédure suivante :



M. B... A..., à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2023 par lequel le préfet des Yvelines lui a interdit définitivement d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 et L. 322-7 du code du sport ou d'intervenir auprès de mineurs au seins des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code, a produit un m

émoire, enregistré le 31 juillet 2024 au greffe de la cour administrative d'a...

Vu la procédure suivante :

M. B... A..., à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2023 par lequel le préfet des Yvelines lui a interdit définitivement d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 et L. 322-7 du code du sport ou d'intervenir auprès de mineurs au seins des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code, a produit un mémoire, enregistré le 31 juillet 2024 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 24VE02154 du 12 septembre 2024, enregistrée le 16 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur le fondement de l'article R. 771-7 du code de justice administrative, a décidé par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du premier alinéa de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise et dans un mémoire enregistré le 21 novembre 2024, M. A... soutient que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui ouvrent la possibilité pour la personne concernée par une décision mentionnée à l'article L. 211-2 du même code de présenter préalablement à son édiction des observations écrites et, le cas échéant, des observations orales, sans prévoir qu'elle soit informée de son droit de se taire, portent atteinte au droit de se taire et au droit de la défense garantis par les articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2024, le ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative soutient que la question prioritaire de constitutionnalité, qui doit être regardée comme étant dirigée contre les dispositions du premier alinéa de l'article L. 122-1 du code des relations du public avec l'administration en tant qu'elles s'appliquent aux mesures de police, n'est ni nouvelle, ni sérieuse.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du sport ;

- la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens ;

- l'ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. A l'appui de sa contestation de la décision par laquelle le préfet des Yvelines, par un arrêté du 27 février 2023 pris sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 232-13 du code du sport, lui a interdit définitivement d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 et L. 322-7 du même code ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code, M. A... soutient que les dispositions de la première phrase de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, en ce qu'elles ouvrent la possibilité à la personne faisant l'objet d'une telle décision de présenter préalablement à son édiction des observations écrites ou, le cas échéant, orales, sans prévoir qu'elle soit informée de son droit de se taire, méconnaissent ainsi les articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-13 du code du sport : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 ". Il résulte de ces dispositions que pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ". Une telle interdiction, à finalité préventive, constitue une mesure de police.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes des dispositions de la première phrase de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".

5. La question prioritaire de constitutionnalité porte sur les dispositions de la première phrase de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration en tant qu'en vertu de l'article L. 121-1 du même code, elles s'appliquent aux mesures de police mentionnées au 1° de l'article L. 211-2 du même code. Ces dispositions, qui sont issues de l'ordonnance du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration, alors que le délai d'habilitation permettant de prendre cette ordonnance est expiré et qu'elle n'a pas été ratifiée, relèvent du domaine de la loi et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

6. Aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ". Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 et n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, il résulte de ces dispositions le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Elles impliquent que la personne poursuivie ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'elle soit préalablement informée du droit qu'elle a de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

7. La décision par laquelle l'autorité administrative prononce l'interdiction d'exercer prévue par les dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 212-13 du code du sport ne constitue pas une sanction ayant le caractère de punition mais une mesure de police ainsi qu'il a été dit au point 3. Par suite, il ne peut être utilement soutenu que les dispositions législatives contestées méconnaîtraient l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant qu'elles ne prévoient pas, lorsqu'il est envisagé de prononcer une telle mesure, la garantie tenant à ce que la personne concernée soit informée du droit qu'elle a de se taire. Il ne peut pas plus être utilement soutenu que ces dispositions méconnaîtraient l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

8. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a dès lors pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A....

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative et à la cour administrative de Versailles.

Délibéré à l'issue de la séance du 4 décembre 2024 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Pascal Trouilly, conseillers d'Etat et M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 10 décembre 2024.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Jérôme Goldenberg

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 497912
Date de la décision : 10/12/2024
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2024, n° 497912
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jérôme Goldenberg
Rapporteur public ?: M. Clément Malverti
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2024:497912.20241210
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