Vu la procédure suivante :
1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 juin et 26 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Prodie Santé et le syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH) demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites de rejet nées les 29 avril et 1er mai 2024 du silence gardé par le Premier Ministre, la ministre du travail, de la santé et des solidarités et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur leurs demandes tendant à l'abrogation :
- du décret n° 2017-1605 du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé ;
- du décret n° 2022-135 du 5 février 2022 relatif aux nouvelles règles applicables aux praticiens contractuels ;
- de l'arrêté du 24 novembre 2017 modifié fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire ;
- de l'arrêté du 5 février 2022 fixant le montant et les modalités de versement de la part variable des praticiens recrutés par les établissements publics de santé en application du 2° de l'article R. 6152-338 du code de la santé publique ;
- de l'arrêté 8 juillet 2022 relatif aux émoluments, rémunérations ou indemnités des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques exerçant leurs fonctions dans les établissements publics de santé ;
- de l'instruction n° DGOS/RH4/2017/354 du 28 décembre 2017 concernant la mise en œuvre du décret n° 2017-1605 du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé ;
- de l'instruction n° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2023/33 du 17 mars 2023 relative au contrôle des dépenses d'intérim médical dans les établissements publics de santé ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d'abroger ces décrets, arrêtés et instructions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général de la fonction publique ;
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la société Prodie Santé et du syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux ;
Considérant ce qui suit :
1. D'une part, aux termes de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique : " Les établissements publics de santé peuvent avoir recours à des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques pour des missions de travail temporaire, dans les conditions prévues à l'article 9-3 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. (...) / Le montant journalier des dépenses susceptibles d'être engagées par praticien par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire prévue au premier alinéa du présent article ne peut excéder un plafond dont les conditions de détermination sont fixées par voie réglementaire. " Aux termes de l'article R. 6146-26, inséré dans ce code par le décret du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé, dans sa rédaction en vigueur : " Le montant plafond journalier mentionné à l'article L. 6146-3 des dépenses susceptibles d'être engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire d'un médecin, odontologiste ou pharmacien est constitué par le salaire brut versé au praticien par l'entreprise de travail temporaire pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif. Il est calculé au prorata de la durée de travail effectif accomplie dans le cadre de la mission. / Le salaire brut ne peut excéder l'indemnisation de deux périodes de temps de travail additionnel de jour mentionnée à l'article R. 6152-27 à laquelle est ajoutée une indemnité de sujétion. Cette limite est majorée de 40 % pour les praticiens en fonction en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ces indemnités sont majorées de la rémunération des congés mentionnés aux 1° et 2° de l'article R. 6152-35. / Les remboursements de frais professionnels au praticien par l'entreprise de travail temporaire refacturés à l'établissement public de santé sont considérés comme du salaire brut versé au praticien pour la part des frais qui excèdent les limites des déductions de frais professionnels fixées dans les conditions et limites fixées par l'arrêté interministériel mentionné au second alinéa du I de l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale. / Ces éléments de salaire sont majorés de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L. 1251-32 du code du travail. / Ce montant plafond journalier des dépenses est fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et ministre chargé du budget. " L'article 1er de l'arrêté du 24 novembre 2017 de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics, fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire, dans sa rédaction à la date de la présente décision, dispose que " Le montant plafond journalier mentionné à l'article R. 6146-26 est fixé, pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif, à 1 410,69 € ". Par une instruction du 28 décembre 2017, la ministre des solidarités et de la santé a précisé les conditions d'application de ces dispositions.
2. D'autre part, aux termes de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique : " Le personnel des établissements publics de santé comprend (...) : / (...) / 2° Des médecins, des odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire. " Le décret du 5 février 2022 relatif aux nouvelles règles applicables aux praticiens contractuels a, en application de ces dispositions, inséré dans ce code les articles R. 6152-334 à R. 6152-394 fixant les conditions d'emploi de ces praticiens. Aux termes de son article R. 6152-338 : " Le praticien contractuel ne peut être recruté que dans les cas et conditions suivants : / 1° Pour assurer le remplacement d'un praticien lors d'une absence ou en cas d'accroissement temporaire d'activité ; le contrat est conclu pour une durée initiale de six mois maximum ; il est renouvelable pour une période maximale de six mois sans que la période totale d'exercice de ces fonctions au sein d'un même établissement ne puisse excéder deux ans ; / 2° En cas de difficultés particulières de recrutement ou d'exercice pour une activité nécessaire à l'offre de soin sur le territoire ; le contrat est conclu pour une durée initiale de trois ans maximum, sans que la période totale d'exercice de ces fonctions au sein d'un même établissement ne puisse excéder six ans ; (...) ". Aux termes de son article R. 6152-355 : " La rémunération du praticien contractuel comprend : / 1° Des émoluments mensuels fixés conformément à un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et du budget, proportionnellement à la durée de travail définie au contrat. Ils prennent en compte, notamment, les fonctions occupées, la qualification requise pour leur exercice, la qualification détenue par le praticien ainsi que son expérience. / Les émoluments des praticiens recrutés au titre du 2° de l'article R. 6152-338 peuvent comprendre une part variable subordonnée à la réalisation des engagements particuliers et des objectifs prévus au contrat. Le montant et les modalités de versement de cette part variable sont fixés par arrêté des ministres chargés du budget et de la santé ; / 2° Le cas échéant, des primes et indemnités. " L'article 1er de l'arrêté du 5 février 2022 du ministre de l'économie, des finances et de la relance et du ministre des solidarités et de la santé fixant le montant et les modalités de versement de la part variable des praticiens recrutés par les établissements publics de santé en application du 2° de l'article R. 6152-338 du code de la santé publique, dispose que : " Le montant des émoluments bruts annuels mentionnés au 1° de l'article R. 6152-355 du code de la santé publique ne peut excéder 119 130 €. " Par un arrêté du 8 juillet 2022, le ministre de la santé et de la prévention a fixé les émoluments, rémunérations ou indemnités des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques exerçant leurs fonctions à temps plein ou à temps partiel dans les établissements publics de santé.
3. Enfin, aux termes de l'article L. 6146-4 du code de la santé publique : " Le directeur général de l'agence régionale de santé, lorsqu'il est informé par le comptable public de l'irrégularité d'actes juridiques conclus par un établissement public de santé avec une entreprise de travail temporaire, en application de l'article L. 6146-3, ou avec un praticien pour la réalisation de vacations, en application du 2° de l'article L. 6152-1, défère ces actes au tribunal administratif compétent. Il en avise alors sans délai le directeur de l'établissement concerné ainsi que le comptable public. / Lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu'il exerce sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l'entreprise de travail temporaire, que leur montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement des rémunérations irrégulières. Dans ce cas, il en informe le directeur de l'établissement public de santé, qui procède à la régularisation de ces dernières dans les conditions fixées par la réglementation. " Par une instruction du 17 mars 2023, le ministre de la santé et de la prévention et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont précisé les modalités du contrôle exercé par le comptable public en application de ces dispositions.
4. La société Prodie Santé et autre demandent l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté leur demande tendant à l'abrogation des décrets des 24 novembre 2017 et 5 février 2022 et des décisions implicites par lesquelles la ministre du travail, de la santé et des solidarités et le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ont rejeté leurs demandes tendant à l'abrogation des arrêtés et instructions mentionnés aux points précédents.
Sur les fins de non-recevoir :
5. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en œuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentant le caractère de lignes directrices.
6. Les instructions des 28 décembre 2017 et 17 mars 2023 contestées présentent un caractère impératif. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail, de la santé et des solidarités aux conclusions dirigées contre le refus de les abroger doit être écartée.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
7. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
8. D'une part, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, des limitations justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
9. D'autre part, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
10. Les établissements publics de santé sont, en vertu des dispositions combinées des articles L. 6146-3 du code de la santé publique et L. 334-3 du code général de la fonction publique, susceptibles d'avoir recours à des praticiens intérimaires dans les conditions fixées par le chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code du travail, notamment en remplacement d'un salarié et en cas d'accroissement temporaire de leur activité. Ces praticiens sont mis à la disposition de l'établissement par l'entreprise de travail temporaire, avec laquelle ils sont placés dans une situation contractuelle de droit privé. Les praticiens contractuels sont, pour leur part, placés dans une situation légale et réglementaire à l'égard de l'établissement qui les emploie et susceptibles d'être recrutés, en application de l'article L. 6152-1, dans des conditions déterminées par voie réglementaire sans être limitées à celles prévues pour l'intérim. Par suite, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les conditions de rémunération des praticiens contractuels, qui sont placés dans une situation différente au regard de l'objet de la loi, sans prévoir le principe d'un plafond de rémunération semblable à celui applicable aux praticiens intérimaires, le législateur n'a méconnu ni le principe d'égalité ni l'étendue de sa compétence.
11. La protection constitutionnelle de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle ne saurait s'opposer à ce que le législateur encadre la rémunération, par les établissements publics de santé, non seulement des agents publics qu'ils emploient mais également des salariés, fussent-ils de droit privé, appelés, le cas échéant, à les remplacer dans l'exercice d'une mission de service public et des opérateurs économiques qui sont susceptibles de participer au recrutement des uns et des autres.
12. Il résulte de ce qui précède que la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution tant du second alinéa de l'article L. 6146-3 que de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a ainsi pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel.
Sur les autres moyens de la requête :
En ce qui concerne le refus d'abrogation du décret du 5 février 2022 et des arrêtés des 5 février et 8 juillet 2022 en tant qu'ils fixent la rémunération des praticiens contractuels :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 12 que doit être écarté le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires fixant la rémunération des praticiens contractuels seraient privées de base légale du fait de l'inconstitutionnalité des dispositions du 2° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique.
14. En deuxième lieu, les requérants ne sauraient davantage utilement invoquer ni la liberté d'entreprendre ni la liberté contractuelle à l'encontre de dispositions réglementaires encadrant la rémunération des praticiens recrutés par contrat par les établissements publics de santé, à l'égard desquels ces praticiens sont placés, en qualité d'agents publics, dans une situation légale et réglementaire.
15. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point 10 que les praticiens contractuels sont placés, au regard de l'objet de la loi, dans une situation différente de celle des praticiens intérimaires. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la différence de rémunération maximale par période de vingt-quatre heures susceptible d'être versée aux intéressés, fixée à 1 410,69 euros par l'arrêté du 24 novembre 2017 précité pour les intérimaires et comprise entre 1 064,18 et 1 646,75 euros pour les contractuels selon les modalités de comptabilisation du temps de travail et le jour d'exercice en vertu des textes mentionnés au point 2, serait manifestement disproportionnée au regard de cette différence de situation. Le moyen tiré de ce que les textes réglementaires contestés méconnaîtraient pour ce motif le principe d'égalité doit donc être écarté. Il en va de même, en tout état de cause, de celui de tiré de l'atteinte portée par cette différence de traitement à la liberté d'entreprendre des entreprises de placement de praticiens contractuels.
En ce qui concerne le refus d'abrogation de l'article R. 6146-26 du code de la santé publique issu du décret du 24 novembre 2017, de l'arrêté du 24 novembre 2017 et de l'instruction n° DGOS/RH4/2017/354 du 28 décembre 2017 qui fixent la rémunération des praticiens intérimaires :
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 12 que doit être écarté le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires relatives au plafond de dépenses susceptibles d'être engagées au titre d'une mission de travail temporaire seraient privées de base légale du fait de l'inconstitutionnalité des dispositions du second alinéa de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique.
17. Toutefois, il résulte des termes mêmes de ces dispositions, ainsi, au demeurant, que des travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé dont elles sont issues, qu'il incombe au pouvoir réglementaire de fixer les conditions de détermination du plafond auquel est soumis " le montant journalier de l'ensemble des dépenses susceptibles d'être engagées par praticien par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire ", en tenant compte tant de la rémunération du praticien et des frais afférents que de la rémunération des services de l'entreprise de travail temporaire. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que l'article R. 6146-26 du même code, qui définit ce plafond par référence au seul salaire brut versé au praticien par l'entreprise pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif, méconnaît les dispositions du second alinéa de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique.
En ce qui concerne le refus d'abrogation de l'instruction n° DGOS/RH5/PF1/DGFIP/2023/33 du 17 mars 2023 :
18. Le ministre chargé du budget est compétent, en sa qualité de chef de service, pour définir les modalités de mise en œuvre, par les comptables publics de l'Etat, du contrôle mis à leur charge par l'article L. 6146-4 du code de la santé publique précité sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l'entreprise de travail temporaire. Il ressort des pièces du dossier que l'instruction litigieuse du 17 mars 2023 des ministres chargés du budget et de la santé se borne, sur ce point, à rappeler les dispositions en vigueur et à préciser les étapes à suivre par les comptables publics dans l'exercice de ce contrôle en détaillant, notamment, les pièces justificatives nécessaires et les modalités de rejet du paiement des rémunérations irrégulières. Par suite, le moyen tiré de ce que cette instruction serait entachée d'incompétence, qui n'est, au demeurant, assorti d'aucune précision quant à celles de ses dispositions qui méconnaîtraient la compétence du ministre chargé du budget, doit être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la société Prodie et autre sont seulement fondés à demander l'annulation du refus d'abroger l'article R. 6146-26 du code de la santé publique, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête dirigés contre ces dispositions, ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation du refus d'abroger l'arrêté du 24 novembre 2017 pris pour leur application et l'instruction du 28 décembre 2017 qui en précise les modalités de mise en œuvre. Le surplus de leurs conclusions à fin d'annulation doit, en revanche, être rejeté.
20. L'annulation prononcée implique nécessairement l'abrogation des dispositions réglementaires et de l'instruction dont l'illégalité a été constatée. Il y a donc lieu d'enjoindre au Premier ministre de procéder à l'abrogation de l'article R. 6146-26 du code de la santé publique et aux ministres chargés de la santé et des comptes publics d'abroger l'arrêté du 24 novembre 2017 et l'instruction du 28 décembre 2017, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, et d'adopter, dans le même délai, des dispositions réglementaires conformes aux dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique.
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 750 euros à verser à la société Prodie Santé et au syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Prodie Santé et autre.
Article 2 : La décision implicite du Premier ministre rejetant la demande de la société Prodie Santé et autre est annulée en tant qu'elle refuse d'abroger l'article R. 6146-26 du code de la santé publique.
Article 3 : Il est enjoint au Premier ministre d'abroger l'article R. 6146-26 du code de la santé publique dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision et d'adopter, dans le même délai, des dispositions réglementaires conformes aux dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique.
Article 4 : La décision implicite de la ministre du travail, de la santé et des solidarités et du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique rejetant la demande de la société Prodie Santé et autre est annulée en tant qu'elle refuse d'abroger l'arrêté du 24 novembre 2017 fixant le montant du plafond des dépenses engagées par un établissement public de santé au titre d'une mission de travail temporaire et l'instruction du 28 décembre 2017 concernant la mise en œuvre du décret du 24 novembre 2017 relatif au travail temporaire des praticiens intérimaires dans les établissements publics de santé.
Article 5 : Il est enjoint à la ministre de la santé et de l'accès aux soins et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, d'abroger l'arrêté du 24 novembre 2017 et l'instruction du 28 décembre 2017 dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision et d'adopter, dans le même délai, des dispositions réglementaires conformes aux dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 6146-3 du code de la santé publique.
Article 6 : L'Etat versera à la société Prodie Santé et au syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux une somme de 750 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Prodie Santé et autre est rejeté.
Article 8 : La présente décision sera notifiée à la société Prodie Santé, première dénommée, pour l'ensemble des requérants, au Premier ministre, à la ministre de la santé et de l'accès aux soins et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la section des études, de la prospective et de la coopération.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 novembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, Mme Laurence Helmlinger, conseillères d'Etat ; M. Alain Seban, M. Cyril Roger-Lacan, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 28 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Cyrille Beaufils
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras