Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 493513, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 avril, 13 mai et 23 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer, du 15 mars 2024 modifiant l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 493542, par une requête enregistrée le 18 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme G... H..., M. J... N..., Mme K... L..., Mme P... M..., M. R... A..., M. B... C..., Mme D... Q... et Mme I... E... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 15 mars 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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3° Sous le n° 493705, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 avril et 24 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Education demande au Conseil d'Etat :
1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2, 4 et 6 du même arrêté du 15 mars 2024 ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'ensemble de cet arrêté ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir la note de service de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 15 mars 2024 intitulée " Organiser les enseignements de français et de mathématiques en groupes afin d'élever le niveau de tous les élèves " publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 18 mars 2024 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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4° Sous le n° 493738, par une requête, enregistrée le 23 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des enseignants et personnels SNEP-UNSA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 15 mars 2024, en tant qu'il ne prévoit pas un cadre réglementaire garantissant l'existence d'une information adéquate et le droit au recours effectif dans le cadre de la constitution des groupes d'élèves ;
2°) d'enjoindre à la ministre de l'éducation nationale de prendre les dispositions réglementaires complétant cet arrêté, nécessaires pour combler cette carence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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5° Sous le n° 493954, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 et 29 mai, 19 juillet et 30 août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre (SNCEEL) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 15 mars 2024 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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6° Sous le n° 494221, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 mai et 11 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE) et M. O... F... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 15 mars 2024 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la même note de service du 15 mars 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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7° Sous le n° 496197, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 juillet et 28 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur sa demande du 7 mai 2024 tendant au retrait du même arrêté du 15 mars 2024 ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer, sur cette même demande ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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8° Sous le n° 496200, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 juillet et 28 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur sa demande du 7 mai 2024 tendant au retrait de la même note de service du 15 mars 2024 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette note de service ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Education , à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du Syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre (SNCEEL) et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE) et de M. O... F... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 novembre 2024, présentée par l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Éducation sous le numéro 493705 ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 15 mars 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer, ont modifié l'arrêté du 19 mai 2015 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège. L'article 4 de l'arrêté du 15 mars 2024 insère un nouvel article 4-1 dans l'arrêté du 19 mai 2015, aux termes duquel : " Les enseignements communs de français et de mathématiques, sur tout l'horaire, sont organisés en groupes pour l'ensemble des classes et des niveaux du collège. Les groupes sont constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs. Les groupes des élèves les plus en difficulté bénéficient d'effectifs réduits. Par dérogation, et afin de garantir la cohérence des progressions pédagogiques des différents groupes, les élèves peuvent être, pour une ou plusieurs périodes, une à dix semaines dans l'année, regroupés conformément à leur classe de référence pour ces enseignements. La composition des groupes est réexaminée au cours de l'année scolaire, notamment à l'occasion des regroupements, afin de tenir compte de la progression et des besoins des élèves. " En conséquence de la création des groupes de besoins, l'article 2 de l'arrêté du 15 mars 2024 supprime respectivement à ses 1° et 3° l'heure hebdomadaire de soutien ou d'approfondissement en français et mathématiques en classe de sixième organisée sous forme de sessions d'enseignement obligatoires en interclasses dont la composition était révisée chaque trimestre, ainsi que l'accompagnement personnalisé qui s'adressait à tous les élèves selon leurs besoins, tandis que son article 1er complète l'article 2 de l'arrêté du 19 mai 2015 pour prévoir que " des heures de soutien supplémentaires consacrées à la maîtrise des savoirs fondamentaux peuvent être proposées aux élèves dont les besoins ont été identifiés conformément aux dispositions des articles D. 311-12 et D. 332-6 du code de l'éducation, dans la limite de deux heures hebdomadaires ". Les articles 7 et 8 renvoient à deux annexes de l'arrêté comportant chacune un tableau précisant les volumes horaires des enseignements obligatoires applicables aux élèves, pour la première, du niveau sixième de collège et pour la seconde, des niveaux du cycle 4 de collège, ces annexes mentionnant que les enseignements de français et de mathématiques " sont organisés en groupes constitués en fonction des besoins des élèves identifiés par les professeurs sur la totalité du volume horaire " et que s'ajoutent au total des enseignements communs " des heures de soutien supplémentaires consacrées à la maîtrise des savoirs fondamentaux ". Enfin, l'article 6 de ce même arrêté précise, au deuxième alinéa de l'article 10 qu'il insère au sein de l'arrêté du 19 mai 2015, que l'organisation des enseignements de français et de mathématiques en groupes sur la totalité de l'horaire entre en vigueur à compter de la rentrée scolaire 2024 pour les classes de sixième et de cinquième et à compter de la rentrée scolaire 2025 pour les classes de quatrième et de troisième.
2. Par une note de service du 15 mars 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a exposé les modalités d'application des enseignements de français et de mathématiques en groupes de besoins, tels que prévus par le nouvel article 4-1 de l'arrêté du 19 mai 2015 résultant de l'arrêté du 15 mars 2024.
3. Par huit requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT, Mme H... et sept autres requérants, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Education, le Syndicat national des enseignants et personnels SNEP-UNSA, le Syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre (SNCEEL), la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE) et M. F... ainsi que le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) demandent l'annulation pour excès de pouvoir de tout ou partie de l'arrêté du 15 mars 2024. L'UNSA Education, la FCPE, M. F... et le SNES demandent en outre l'annulation pour excès de pouvoir de la note de service du 15 mars 2024. Enfin, le SNES demande l'annulation pour excès de pouvoir des décisions implicites par lesquelles la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée des outre-mer, ont refusé de retirer cet arrêté et cette note de service.
4. Eu égard aux moyens qu'elles soulèvent, les requêtes présentées comme tendant à l'annulation de l'ensemble des dispositions de l'arrêté doivent être regardées comme tendant à l'annulation de cet arrêté en tant seulement qu'il crée des groupes de besoins pour les enseignements de français et de mathématiques au collège et, corrélativement, supprime l'heure hebdomadaire de soutien ou d'approfondissement dans ces disciplines en classe de sixième, prévoit la faculté pour les établissements de créer des heures de soutien supplémentaires consacrées à la maîtrise des savoirs fondamentaux et fixe les modalités d'entrée en vigueur de cette réforme.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la ministre de l'éducation nationale :
5. En premier lieu, les fonctionnaires et les associations ou syndicats qui défendent leurs intérêts collectifs n'ont pas qualité pour attaquer les dispositions se rapportant à l'organisation ou à l'exécution du service sauf dans la mesure où ces dispositions porteraient atteinte à leurs droits et prérogatives ou affecteraient leurs conditions d'emploi ou de travail.
6. Les dispositions contestées de l'arrêté attaqué modifient les modalités d'organisation et les conditions dans lesquelles sont dispensés les enseignements de français et de mathématiques dans les classes de collège. Elles présentent le caractère de mesures d'organisation du service mais doivent être regardées, eu égard à leurs effets, comme affectant les conditions d'emploi et de travail des personnels enseignant ces disciplines au collège, qui sont au nombre de ceux dont la Fédération SGEN-CFDT, l'UNSA Education, le SNEP-UNSA et le SNES, en vertu de leur objet statutaire, assurent la défense des intérêts matériels et moraux. Ces organisations justifient ainsi d'un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de l'arrêté du 15 mars 2024 qu'elles attaquent. Il en va de même s'agissant de la note de service du même jour et des décisions de refus de les retirer.
7. En deuxième lieu, les dispositions de l'arrêté attaqué, ainsi que la note de service qui les présentent, ont des incidences sur l'organisation des collèges relevant des établissements privés sous contrat d'association placés sous la direction des chefs d'établissements représentés par le SNCEEL. Ce syndicat, eu égard à son objet statutaire, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les dispositions de l'arrêté et la note de service qu'il attaque.
8. En troisième lieu, la requête de Mme H... et autres est collectivement présentée par plusieurs personnes physiques, parmi lesquelles Mme Q... et Mme E... font état de leur qualité, non sérieusement contestée par la ministre de l'éducation nationale, d'enseignante respectivement de français et de mathématiques dans un collège. Il suit de là que cette requête est recevable en tant qu'elle émane de ces deux requérantes.
9. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la ministre de l'éducation nationale doivent être écartées.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 15 mars 2024 et des décisions implicites de rejet des demandes tendant à son retrait :
10. En premier lieu, selon l'article 34 de la Constitution, la loi, notamment, " détermine les principes fondamentaux (...) de l'enseignement ". Il appartient ainsi au législateur de déterminer les principes fondamentaux de la mise en œuvre du droit à l'instruction. Cependant, les dispositions de l'article 4 de l'arrêté attaqué, qui prévoient que l'enseignement du français et des mathématiques au collège est dispensé en groupes constitués selon les besoins des élèves identifiés par les enseignants, ne relèvent pas des principes fondamentaux de l'enseignement. Elles ne peuvent, par suite, être regardées comme étant intervenues dans le domaine réservé à la loi par la Constitution.
11. En outre, si l'article L. 332-3 du code de l'éducation dispose que " les collèges dispensent un enseignement commun ", la règle d'un enseignement commun pour tous les élèves au collège ainsi édictée ne fait pas obstacle à ce que puissent être mis en œuvre des aménagements de l'enseignement autres que ceux expressément prévus par l'article L. 332-4 du même code en faveur des élèves éprouvant des difficultés dans l'acquisition du socle commun de connaissances et des élèves manifestant des aptitudes particulières, ni à ce que de tels aménagements puissent concerner les enseignements communs obligatoires de français et de mathématiques. Il ressort des pièces du dossier que si les groupes de besoins peuvent se traduire par des modalités d'enseignement différenciées du français et des mathématiques, adaptées aux besoins des élèves, ceux-ci peuvent changer de groupe au cours de l'année scolaire pour tenir compte de leur progression et l'enseignement des autres disciplines, représentant les deux tiers du temps scolaire, demeure dispensé en classe. Au surplus, l'article 4 de l'arrêté attaqué ne modifie ni le programme de français et de mathématiques, ni le volume horaire de ces matières, ni le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ni les attendus en termes d'acquisition des connaissances, qui demeurent identiques pour l'ensemble des élèves. Dans ces conditions, les dispositions critiquées de l'arrêté attaqué ne peuvent être regardées comme créant des " filières " d'enseignement différenciées qui traduiraient une méconnaissance des dispositions de l'article L. 332-3 du code de l'éducation.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'éducation : " L'éducation est un service public national, dont l'organisation et le fonctionnement sont assurés par l'Etat, sous réserve des compétences attribuées par le présent code aux collectivités territoriales pour les associer au développement de ce service public. / L'Etat assume, dans le cadre de ses compétences, des missions qui comprennent : / 1° La définition des voies de formation, la fixation des programmes nationaux, l'organisation et le contenu des enseignements (...) ". Aux termes de l'article L. 421-4 du même code : " Le conseil d'administration règle par ses délibérations les affaires de l'établissement. / A ce titre, il exerce notamment les attributions suivantes : / 1° Il fixe, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et des objectifs définis par les autorités compétentes de l'Etat, les principes de mise en œuvre de l'autonomie pédagogique et éducative dont disposent les établissements et, en particulier, les règles d'organisation de l'établissement (...) ". Aux termes de l'article L. 421-16 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe, en tant que de besoin, les conditions d'application des articles (...) L. 421-1 à L. 421-4 (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Les collèges (...) disposent, en matière pédagogique et éducative, d'une autonomie qui porte sur : / 1° L'organisation de l'établissement en classes et en groupes d'élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves (...) ". L'article R. 421-20 du même code attribue au conseil d'administration de chaque établissement la compétence pour fixer les principes de mise en œuvre de l'autonomie pédagogique et éducative dont l'établissement dispose dans les domaines définis à son article R. 421-2 " et, en particulier, les règles d'organisation de l'établissement ". L'article D. 332-5 du même code dispose par ailleurs que relève de l'autonomie des établissements la mise en œuvre des modalités de différenciation des pratiques pédagogiques d'enseignement au collège visant à permettre à tous les élèves de progresser dans leurs apprentissages, qui doivent être régulièrement ajustées pour tenir compte de l'évolution des besoins de chaque élève.
13. D'une part, si, en vertu de l'article 4 de l'arrêté attaqué, le français et les mathématiques sont, durant la majeure partie du temps d'apprentissage annuel de ces disciplines, enseignés au collège en groupes d'élèves distincts des classes afin de tenir compte des besoins des élèves, ces dispositions ne font pas obstacle au choix par les établissements et les enseignants des méthodes pédagogiques qu'ils jugent les plus adaptées, pour l'enseignement de ces disciplines, aux besoins des élèves. D'autre part, ainsi qu'il est au demeurant indiqué par la note de service du 15 mars 2024, la détermination du nombre de groupes créés par niveau, du nombre d'élèves par groupe, la répartition des élèves entre ces groupes et la modification de cette répartition en cours d'année pour tenir compte de l'évolution des besoins des élèves, ainsi que l'organisation le cas échéant de périodes de regroupement en classe durant une à dix semaines dans l'année, sont laissées à l'appréciation de chaque établissement, en tenant compte de ses spécificités. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l'arrêté attaqué instituant les groupes de besoins ne portent pas atteinte à l'autonomie pédagogique et éducative des établissements et à leurs règles d'organisation. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées de l'arrêté du 15 mars 2024 auraient dû être prises par décret en Conseil d'Etat doit être écarté.
14. En troisième lieu, toutefois, aux termes de l'article L. 311-2 du code de l'éducation : " L'organisation et le contenu des formations sont définis respectivement par des décrets et des arrêtés du ministre chargé de l'éducation (...) ". Il en résulte que l'organisation de l'enseignement dans les collèges doit être déterminée par décret, le ministre chargé de l'éducation n'ayant compétence pour définir par arrêté que le contenu des formations, c'est-à-dire les matières, horaires et programmes des enseignements.
15. En prévoyant que les enseignements de français et de mathématiques au collège sont dispensés en groupes d'élèves, distincts des classes de référence, en tenant compte des besoins des élèves, que la composition de ces groupes a vocation à évoluer au cours de l'année scolaire pour s'adapter à la progression et aux besoins des élèves et que ces derniers peuvent être regroupés conformément à leur classe de référence pour l'enseignement de ces matières dans la limite d'une à dix semaines dans l'année, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et la ministre chargée des outre-mer, qui n'ont d'ailleurs modifié ni les matières, ni les volumes horaires ni les programmes de ces enseignements, ne se sont pas bornées à édicter des dispositions afférentes au contenu des enseignements de français et de mathématiques qui auraient pour seul objet de préciser les modalités de leur dispensation, mais ont adopté des règles touchant à l'organisation de l'enseignement du français et des mathématiques au collège, lesquelles relèvent de la compétence du Premier ministre agissant par décret. Il suit de là que les dispositions de l'article 4 de l'arrêté attaqué sont entachées d'incompétence.
16. Si les autres moyens soulevés ne sont pas fondés, il résulte de ce qui a été dit aux points 14 et 15 que l'arrêté attaqué doit être annulé en tant qu'il comporte des dispositions relatives aux groupes de besoins pour les enseignements de français et de mathématiques au collège et des dispositions consécutives à leur institution, soit les dispositions de son article 1er, des 1° et 3° de son article 2, de son article 4, du troisième alinéa de son article 6 et de ses annexes 1 et 2, prévues à ses articles 7 et 8, en tant qu'elles mentionnent les groupes de besoins et les heures de soutien supplémentaires. Le SNES est également fondé, dans la même mesure, à demander l'annulation des décisions de rejet de ses demandes de retrait de cet arrêté. En revanche, les conclusions à fins d'injonction présentées par le Syndicat national des enseignants et personnels SNEP-UNSA, tendant à ce que la ministre de l'éducation nationale précise certaines dispositions de son arrêté ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la note de service du 15 mars 2024 :
17. Dès lors que la note de service du 15 mars 2024 a été prise pour exposer les modalités d'application des enseignements de français et de mathématiques en groupes de besoins, tels que prévus par l'arrêté du 15 mars 2024, elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des dispositions de cet arrêté.
18. Il résulte de ce qui précède que l'UNSA Education et la FCPE et autre sont fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la note de service qu'ils attaquent. Le SNES est également fondé à demander l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de cette même note.
Sur la modulation dans le temps des effets de la décision d'annulation :
19. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
20. Eu égard aux conséquences manifestement excessives qui résulteraient de l'annulation rétroactive des dispositions contestées, laquelle serait susceptible de remettre en cause, en cours d'année scolaire, l'organisation des enseignements de français et de mathématiques dans les classes de sixième et de cinquième mise en place dans les collèges depuis septembre 2024, de produire des effets négatifs sur la progression pédagogique des élèves et d'entraîner des difficultés de nature à porter atteinte au bon fonctionnement du service public de l'enseignement du second degré, il y a lieu de différer l'effet de l'annulation prononcée à l'encontre des dispositions contestées de l'arrêté litigieux, et par suite de la note de service attaquée, jusqu'au 6 juillet 2025 et de disposer que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement, les effets des dispositions contestées de l'arrêté et la note de service litigieux doivent être regardés comme définitifs.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes que réclament, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Fédération SGEN-CFDT, Mme H... et autres, l'UNSA Education, le SNEP-UNSA, le SNCEEL, la FCPE et autre et le SNES.
D E C I D E :
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Article 1er : Les dispositions de l'article 1er, des 1° et 3° de l'article 2, de l'article 4, du troisième alinéa de l'article 6 de l'arrêté de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer, du 15 mars 2024, celles de ses annexes 1 et 2, prévues par ses articles 7 et 8, en tant qu'elles mentionnent les groupes de besoins et les heures de soutien supplémentaires, et la note de service de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 15 mars 2024 sont annulées. Cette annulation prendra effet le 6 juillet 2025.
Article 2 : Les décisions implicites de rejet de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée des outre-mer, des demandes tendant au retrait de l'arrêté et de la note de service du 15 mars 2024 sont annulées dans la même mesure.
Article 3 : Les conclusions à fins d'injonction présentées par le Syndicat national des enseignants et personnels SNEP-UNSA sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT, Mme H... et autres, l'UNSA Education, le Syndicat national des enseignants et personnels SNEP-UNSA, le Syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre (SNCEEL), la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE) et autre et le Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale SGEN-CFDT, à Mme G... H..., première dénommée pour l'ensemble des requérants sous le n° 493542, à l'UNSA Education, au Syndicat national des enseignants et personnels SNEP-UNSA, au Syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre (SNCEEL), à la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE), première dénommée pour l'ensemble des requérants sous le n° 494221, au Syndicat national des enseignements de second degré (SNES), à la ministre de l'éducation nationale et au ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer.