Vu la procédure suivante :
Par une décision n° 465510 du 12 avril 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête du Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes, a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir la note de service du 20 mai 2022 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a précisé les modalités d'accomplissement de l'année de stage des professeurs des écoles stagiaires à compter de la rentrée scolaire de 2022 et d'affectation des lauréats des concours de recrutement des professeurs des écoles, et, d'autre part, sursis à statuer sur la date d'effet de cette annulation ainsi que sur les conclusions à fin d'injonction présentées par ce syndicat.
Les parties ont été invitées à indiquer au Conseil d'Etat quelles seraient les conséquences d'une annulation rétroactive de la note de service annulée pour excès de pouvoir par la décision du 12 avril 2023.
Par des observations, enregistrées le 27 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes expose qu'une annulation rétroactive n'emporterait aucune conséquence manifestement excessive et demande à ce qu'il soit enjoint aux autorités compétentes de réexaminer, selon la procédure de mutations interdépartementales dite d'ineat-exeat, les décisions d'affectation de professeurs des écoles stagiaires qui ont été prises sur la base des critères définis par la note de service annulée. A titre subsidiaire, il demande à ce que l'annulation pour excès de pouvoir de la note de service du 20 mai 2022 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse prenne effet à compter de la date à laquelle cette annulation a été prononcée et à ce qu'il soit enjoint aux autorités compétentes de réexaminer, selon la procédure de mutations interdépartementales dite d'ineat-exeat, les décisions d'affectation de professeurs des écoles stagiaires qui ont été prises sur la base des critères définis par la note de service annulée. A titre infiniment subsidiaire, il demande à ce que l'annulation pour excès de pouvoir de la note de service du 20 mai 2022 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse prenne effet au plus tard à compter du 30 juin 2023.
Par des observations, enregistrées le 28 avril 2023 et le 25 juillet 2024, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse expose qu'une annulation rétroactive emporterait, au regard de l'intérêt qui s'attache à la stabilité des situations juridiques et à la prise en compte des contraintes propres de l'organisation du service public de l'éducation, des conséquences manifestement excessives et demande à ce que l'annulation pour excès de pouvoir de la note de service du 20 mai 2022 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse prenne effet à compter du 4 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 90-680 du 1er août 1990 ;
- le décret n° 2023-636 du 20 juillet 2023 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes ;
Considérant ce qui suit :
1. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
2. Par une décision n° 465510 du 12 avril 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé pour excès de pouvoir la note de service du 20 mai 2022 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a précisé les modalités d'accomplissement de l'année de stage des professeurs des écoles stagiaires à compter de la rentrée scolaire de 2022 et d'affectation des lauréats des concours de recrutement des professeurs des écoles, et, d'autre part, sursis à statuer sur la date d'effet de cette annulation ainsi que sur les conclusions à fin d'injonction présentées par le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes tendant à ce qu'il soit enjoint aux autorités compétentes de réexaminer les décisions d'affectation des professeurs des écoles stagiaires pour la rentrée scolaire de 2022.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le caractère rétroactif de l'annulation pour excès de pouvoir de la note de service du 20 mai 2022 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse serait de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, au regard tant des situations qui ont pu se constituer lorsqu'elle était en vigueur que de l'intérêt qui s'attache à la prise en compte des contraintes propres à l'organisation du service public de l'éducation, le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes faisant à cet égard valoir, sans être contredit, que la très grande majorité des situations dans lesquelles des professeurs des écoles stagiaires se sont estimés lésés par l'application des critères définis par la note de service annulée a été régularisée à la suite de l'engagement pris par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, lors de l'instruction de la procédure de référé engagée par le syndicat aux fins de suspension de l'exécution de cette note de service et mentionné au point 11 de l'ordonnance n° 465513 du 13 juillet 2022 du juge des référés du Conseil d'Etat, de réexaminer ces situations au cas par cas et dans le respect de l'intérêt du service.
4. Par suite, eu égard aux inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation, pour un motif d'incompétence, de la note de service du 20 mai 2022 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, il n'y a pas lieu d'assortir cette annulation d'une telle limitation, ni d'en différer les effets.
5. Enfin, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction présentées par le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes, les mesures qu'il demande au Conseil d'Etat d'ordonner n'étant pas impliquées par la décision du 12 avril 2023 du Conseil d'Etat.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de reporter la date d'effet de l'annulation pour excès de pouvoir de la note de service du 20 mai 2022 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par le Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des enseignants de l'Union nationale des syndicats autonomes et à la ministre de l'éducation nationale.
Délibéré à l'issue de la séance du 24 octobre 2024 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, conseillère d'Etat et M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 27 novembre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Fradel
Le secrétaire :
Signé : M. Jean-Marie Baune