Vu la procédure suivante :
Mme C... B... et M. E... D..., agissant en leur nom propre et en tant que représentants légaux de leur fils mineur H..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Vichy (Allier) à leur verser, en réparation des préjudices que leur ont causés les conditions de la naissance H..., le 5 avril 2009, la somme de 1 583 344,48 euros ainsi qu'une rente trimestrielle de 7 113,60 euros et une rente mensuelle de 812,25 euros pour H... et la somme de 190 717,95 euros pour eux-mêmes. Par un jugement n° 1600017 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Vichy à verser, d'une part, à H... D..., représenté par ses parents, la somme de 145 976,26 euros et une rente semestrielle de 7 025,12 euros à servir jusqu'à réévaluation de son état de consolidation, sous déduction de la prestation de compensation du handicap et de toute allocation ayant le même objet et, d'autre part, à Mme B... et M. D..., une somme de 57 771,92 euros en réparation de leurs préjudices personnels.
Par un arrêt n° 22LY00494 du 10 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon, sur appel de Mme B... et M. D... et appel incident du centre hospitalier de Vichy, a condamné ce dernier à leur verser, d'une part, en qualité de représentants légaux de leur fils H... D..., une somme de 523 061,32 euros, d'autre part, au titre de leur propre préjudice, une somme de 42 277 euros à Mme B..., une somme de 35 000 euros à M. D..., ainsi qu'une somme de 18 014,13 euros au titre des frais exposés conjointement par eux, l'ensemble de ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, ces intérêts étant capitalisés au 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle pour produire eux-mêmes intérêt.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 janvier, 10 avril et 25 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Vichy demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il statue sur l'indemnisation des préjudices H... D... au titre du besoin d'assistance par tierce personne ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit, dans cette mesure, à ses conclusions d'appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat du centre hospitalier de Vichy et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. D... et de Mme C... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'H... D..., né le 5 avril 2009 au centre hospitalier de Vichy, présente un handicap imputable à une encéphalopathie anoxo-ischémique d'origine intra et per-partum. Par un jugement du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier à indemniser l'enfant, ses parents Mme B... et M. D..., ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et de l'Allier, en retenant que les fautes commises au cours de l'accouchement avaient fait perdre une chance d'éviter le dommage, estimée à 50 %. Par un arrêt du 10 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement annulé ce jugement, réévalué les indemnités dues à H... D... et à ses parents et réformé le jugement en ses dispositions contraires. Le centre hospitalier de Vichy se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant que celui-ci fixe l'indemnisation due au titre du besoin d'assistance par tierce personne. M. D... et Mme B... forment un pourvoi incident en tant que ce même arrêt n'a évalué le taux de la perte de chance de se soustraire au dommage qu'à hauteur de 50 %.
Sur le taux de perte de chance :
2. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour fixer à 50 % la perte de chance imputable aux fautes commises par le centre hospitalier de Vichy, la cour administrative d'appel de Lyon s'est notamment fondée sur l'expertise complémentaire du Pr F... et du Dr G..., qui ont conclu qu'H... avait été victime de deux atteintes hypoxiques, avant et durant l'accouchement, et que, bien qu'il fût très difficile de cerner les parts respectives de ces deux facteurs dans les préjudices subis, le retard fautif à décider d'une césarienne avait été à l'origine d'une perte de chance de 50 % d'éviter une aggravation de son état. La circonstance que ce rapport d'expertise fasse état, dans le cadre du rappel des faits, d'un tracé à risque important d'acidose à 11h38, puis, dans la réponse à la quatrième question de l'expertise, d'un tracé à risque important d'acidose à partir de 13h n'est pas de nature à entacher ce rapport d'une contradiction interne, les experts ayant considéré qu'entre 10h et 12h l'enregistrement du rythme cardiaque fœtal, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été interprété de manière erronée, présentait encore une variabilité qui ne conduisait pas à une indication certaine de césarienne. Par suite, en se fondant sur ce rapport et sur l'ensemble des expertises figurant par ailleurs au dossier, pour fixer à 50 % la perte de chance d'échapper au dommage en l'absence de toute faute médicale, les juges du fond n'ont ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits et pièces du dossier sur lesquels ils ont porté une appréciation souveraine.
3. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident de M. D... et Mme B... doit être rejeté.
Sur l'indemnisation due au titre du besoin d'assistance par une tierce personne :
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour évaluer le besoin d'assistance par une tierce personne H... jusqu'à la date de son arrêt, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir estimé que ce besoin s'élevait à 22 heures par jour, a relevé que l'enfant était pris en charge à temps plein dans un institut médico-éducatif, et en a déduit qu'il n'y avait lieu d'indemniser ce chef de préjudice, à compter du mois de septembre 2012, que durant les week-ends et les vacances scolaires, périodes pendant lesquelles H... avait vocation à séjourner chez ses parents. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier, et notamment des relevés de la prestation de compensation du handicap qui différenciaient les jours où cette prestation était versée en indemnisation de l'aide apportée par la famille et les jours où elle était versée au titre du " minimum établissement ", que les jours de présence de l'enfant à domicile s'établissaient à un niveau sensiblement inférieur, la cour administrative d'appel a dénaturé les pièces du dossier. Il suit de là que le centre hospitalier de Vichy est fondé à demande l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur l'indemnisation due à H... D..., au titre du besoin d'assistance par une tierce personne.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy, qui n'est pas la partie perdante, les conclusions présentées à ce titre par M. D... et Mme B....
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt 10 novembre 2023 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il fixe l'indemnisation due à H... D..., au titre du besoin d'assistance par une tierce personne de ce dernier.
Article 2 : Le pourvoi incident de M. D... et Mme B... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Vichy, à Mme C... B... et à M. E... D....
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier.
Délibéré à l'issue de la séance du 7 novembre 2024 où siégeaient : Mme Laurence Helmlinger, assesseure, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Sara-Lou Gerber, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 26 novembre 2024.
La présidente :
Signé : Mme Laurence Helmlinger
La rapporteure :
Signé : Mme Sara-Lou Gerber
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet